Netizen Report : des avocats intentent une action en justice contre Ethio Telecom suite à la coupure d'internet

Siège d'Ethio Telecom à Addis Abeba. Photo de Francisco Anzola via Wikimedia Commons (CC BY 2.0)

Le Netizen Report de Global Voices Advox offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues, et des tendances émergentes en matière de libertés numériques dans le monde. Le présent numéro traite d'informations et d'événements relevés entre le 14 et le 20 juin 2019.

Après une coupure d'internet d'une semaine en Ethiopie, un groupe d'avocats intente une action en justice contre Ethio Telecom, le seul fournisseur d'accès (public) du pays.

Dans un entretien accordé à BBC Amharic, l'avocat en chef Yohannes Enyew a avancé que son équipe envisageait de contester le blocage pour des motifs constitutionnels de violation des droits des citoyens à la liberté d'expression et à l'accès à l'information.

Selon Netblocks, un groupe de recherche sur la censure sur Internet, la connectivité a été complètement interrompue à l'échelle nationale du 11 au 14 Juin. L'accès a ensuite été rétabli dans la capitale, en demeurant toutefois irrégulier dans les autres régions. Les citoyens ont aussi rapporté l'inaccessibilité des services de messagerie sms.

Les autorités n'ont pas communiqué publiquement sur cette décision de blocage, mais beaucoup ont pensé que son objectif était d'empêcher les élèves du secondaire de tricher aux examens nationaux.

Les Éthiopiens y sont habitués, eux qui subissent depuis 2015 de nombreux et longs arrêts de connexions d'internet mobile et de services spécifiques tels que Facebook et WhatsApp, souvent liés aux grandes manifestations populaires. Mais l'action en justice contre la société publique de télécommunications, unique fournisseur de services de téléphonie et d'internet, pourrait constituer une première.

En saisissant directement le tribunal, les avocats outrepassent la procédure locale classique, qui exige une soumission préalable à l'Institut éthiopien du médiateur. La plainte pourrait ainsi être rejetée pour vice de procédure. Cependant, elle constitue une importante affirmation de la capacité d'action de la société civile éthiopienne. Le pays vit des changements majeurs depuis février 2018 avec la démission de l'ancien Premier ministre Hailemariam Desalegn, qui s'était retiré face aux manifestations massives en faveur des droits fonciers et aux luttes internes à la coalition politique au pouvoir.

A l'opposé de ses prédécesseurs, l'actuel Premier Ministre Abiy Ahmed [fr] œuvre à appliquer au pays des réformes démocratiques de renforcement de la protection des droits fondamentaux. Bien que l'action en justice entamée puisse ne pas aboutir, elle constituera un précédent symbolique de contestation des institutions étatiques sous le nouveau régime du pays et un encouragement à d'autres actions civiques futures.

Un journaliste pakistanais de YouTube poignardé

Muhammad Bilal Khan, un vidéo-journaliste pakistanais de 22 ans, a été poignardé à mort le 16 juin à Islamabad. La police a expliqué que Khan a reçu un appel téléphonique anonyme lui demandant de se rendre dans un certain quartier de la capitale, où il a ensuite subi une attaque fatale. Avec plus de 54 000 abonnés sur YouTube, Khan faisait souvent des interviews sur la religion et la politique et n'hésitait pas à critiquer les responsables politiques et les plus importantes agences de sécurités du pays.

Après son assassinat, le mot-clic #Justice4MuhammadBilalKhan commença à être suivi sur les médias sociaux. L'armée pakistanaise a nié toute implication de ses services dans sa mort. Son meurtre a été aussi bien condamné par les groupes locaux que par le Comité pour la protection des journalistes..

Le 18 juin, un jeune responsable du parti conservateur pakistanais PML-N a été interpellé par des agents fédéraux pour publication de “contenu haineux” contre les institutions de l'État sur les réseaux sociaux et usage de “textes inappropriés” contre des hauts fonctionnaires, dont le Premier ministre Imran Khan. Le gouvernement a déposé une plainte contre lui en vertu de la loi pakistanaise controversée sur la prévention des crimes électroniques, jugée trop restrictive pour la liberté d'expression par les experts locaux.

La police indonésienne effectue une cyber-surveillance de WhatsApp

Suite aux affrontements post-électoraux de Jakarta, la police indonésienne a déclaré mener des “patrouilles en ligne” de groupes privés WhatsApp dont les membres sont soupçonnés de diffusion d'infox.

Un représentant de Facebook, propriétaire de WhatsApp, a nié la capacité de “mise sur écoute” des groupes par les enquêteurs, car les messages échangés sur l'application sont cryptés de bout en bout : seuls l'expéditeur et le destinataire (et personne d'autre) peuvent les lire, pas même Facebook.

Le mode de surveillance de ces groupes par les autorités n'est pas clairement établi. Ils pourraient simplement devenir membre avec une identification différente, ou demander aux membres des groupes une copie de leurs discussions en ligne.

Les autorités ont affirmé ne viser que des groupes ciblés dans une enquête officielle et “qu'elles ne violeraient donc pas le droit à la vie privée,” selon un article de Coconuts Indonesia. Les défenseurs des droits, quant à eux, soupçonnent la police d'usage de canulars viraux pour justifier une surveillance de masse.

Les sites d'information algériens brutalement bloqués avant les réseaux sociaux

Ces quatre derniers mois, l'Algérie a été secouée par une énorme vague de manifestations exigeant principalement la démission finalement obtenue du Président de longue date Abdelaziz Bouteflika. Le 12 juin, deux sites d'information indépendants, Tout Sur l'Algérie et et Algérie Part, sont subitement devenus inaccessibles sur plusieurs fournisseurs d'accès internet du pays. Quatre jours plus tard, les principaux médias sociaux et autres services internet ont eux aussi été déconnectés. Beaucoup pensent que c'était à dessein, afin d'empêcher des étudiants de tricher aux examens nationaux.

Le média d'investigation Bellingcat temporairement bloqué sur YouTube

Le groupe d'enquête numérique Bellingcat, utilisant des outils en ligne et ouverts pour recueillir des preuves de violations des droits humains et des incidents de violence dans les zones de conflit, a été brièvement bloqué sur YouTube le 18 juin.

Le fondateur et rédacteur en chef du groupe Eliot Higgins a publié sur Twitter la capture d'écran de l'émail de YouTube lui stipulant que sa chaîne avait commis à plusieurs reprises “de graves violations” de la déontologie de sa communauté dont “la promotion et l'incitation à la violence gratuite.” Bien que le groupe traite beaucoup de contenus associés à la guerre et à ses crimes, Higgins fait remarquer qu'il s'évertue soigneusement à ne pas promouvoir des vidéos de violence gratuite. Après la condamnation de son blog par plusieurs journalistes sur Twitter, les émissions de Bellingcat ont repris.

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Ellery Roberts Biddle, L. Finch, Rezwan Islam, Talal Raza et Taisa Sganzerla ont participé à la rédaction de ce rapport.

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