La Barbade, premier pays caribéen à supprimer l'examen d’entrée au collège ?

La Première ministre de la Barbade Mia Mottley prononce un discours a la 108e session de la Conférence internationale du travail, a Genève, le 19 juin 2019. Photographie © Crozet / Pouteau, reproduite sous licence CC BY-NC-ND 2.0.

Dans les Caraïbes, les examens d’entrée au collège existent depuis plus d'un siècle, reliques coloniales datant de 1879 dans certaines régions. Bien qu'ils aient été renommés et restructurés plusieurs fois, ils sont demeurés ce que nombreux experts considèrent des examens sans pertinence et anxiogènes qui anéantissent toute joie d'apprendre pour les élèves de onze ans de toute la région.

Un pays au moins est prêt à agir. D’après Barbados Today, “des changements radicaux apparaissent à l'horizon” pour le système éducatif de la Barbade [fr], dont la suppression de l'Examen d’entrée commun, controversé, dans un effort de créer des opportunités pédagogiques plus diverses et équitables pour les élèves.

Lors d'une réunion publique dans la capitale de Bridgetown le 2 juin 2019, la Première ministre Mme Mia Mottley a établi le lien entre la prévalence des crimes violents et un système éducatif qui n'accorde pas leur juste valeur aux talents de tous, et a affirmé qu'il était temps de rejeter une telle approche.

La structure actuelle de l'examen d’entrée dans le secondaire ne permet qu'aux meilleurs élèves (c'est-à-dire à ceux qui ont de bons résultats aux examens) d'entrer dans les meilleures écoles. La classe sociale entre aussi en compte, car les parents possédant de bonnes connexions sociales font souvent jouer ces relations pour que leurs enfants entrent dans l’école de leur choix. La position de la Première ministre est que la Barbade doit “créer un système éducatif qui fasse de toutes les écoles d'excellentes écoles”.

Les statistiques lui donnent raison. Les résultats de l’Examen d’entrée au collège de la Barbade de 2019 (Barbados Secondary School Entrance Examination, BSSEE) indiquent la nécessité d'une reforme pour s’écarter d'un programme fortement orienté vers les matières traditionnelles et inclure plus de matières artistiques et techniques ainsi que des formations professionnelles.

Des appels à plus d’inclusivité se sont aussi fait entendre, car les enfants handicapés sont rarement adéquatement soutenus par l’école publique.

En fait, les écoles privées sont souvent celle qui réussissent le mieux à ces examens, ce qui soulève à nouveau la problématique des moyens financiers et de la classe sociale. L’éducatrice barbadienne Rhonda Blackman a noté que “de nombreux parents pensent que l'Examen est le seul moyen équitable que le système offre pour qu'un ‘enfant pauvre’ puisse entrer dans une ‘bonne école’.” C'est une vision qu'elle conteste en expliquant que “ce n'est pas l’école, mais ce que les enfants font quand ils entrent dans les écoles en question qui est important.” Mme Blackman recommande l'application du contrôle continu plutôt qu'un examen unique ; le zonage, qui pour elle éradiquerait la “hiérarchie” des écoles, ainsi qu'un programme scolaire “large et équilibré” qui prendrait en compte la diversité des compétences des élèves.

La réussite du gouvernement Mottley dans cette tache serait historique : dans le passé, les gouvernements d'autres nations de la Communauté caribéenne [fr] ont promis d'abolir cet examen mais ont échoué. De fait, l’incapacité (ou le manque de volonté) à le supprimer (malgré ses effets néfastes sur la santé mentale et l'estime de soi des enfants) a généré toute une industrie dérivée d’édition de livres scolaires et de cours particuliers. En retour, la santé des enfants en souffre : ils doivent aller à l’école avec de lourds cartables et ont moins de temps pour jouer, ce qui a été largement établi comme faisant partie intégrante du bon développement d'un enfant.

Cependant, jusqu’à ce que l'examen soit effectivement supprimé, les enfants continueront à souffrir de multiples façons, y compris de mauvais traitements par leurs parents dans l'espoir de ceux-ci de les voir entrer dans une bonne école. Ce cercle vicieux a incité l'auteure Nazma Muller, qui vit en Jamaïque, à blâmer non pas les parents désespérés mais les gouvernements caribéens, remplis selon elle de “vieux singes qui refusent d'apprendre de nouvelles grimaces” :

Why is the Ministry of Education perpetuating this abuse and discrimination against children who cannot attain 99% on the SEA [Secondary Entrance Assessment exam] — because that is what you need to get into a prestige school. […]

Fire bun SEA, Common Entrance and all the discrimination that passes for education in the Caribbean. Every child deserves a good-quality education that prepares them for LIFE, not CXC [Caribbean Examinations Council, a board that administers different exams] or a wuk in de guvament [government job]. Life. […] Research what is happening with education in Finland, Norway and all the countries where the quality of life is top of the tops and people not going mad and beating their children. […]

But why we have a system that making our children feel they stupid if they don't pass for ‘a good school'? Why all the schools […] not good?

Pourquoi le ministère de l’Éducation perpétue-t-il cet abus et cette discrimination envers les enfants qui n'obtiennent pas 99% au SEA [Examen d’entrée au collège, NdT] : parce que c'est ce dont vous avez besoin pour entrer dans une école prestigieuse. […]

Au feu, le SEA, l'Examen commun et toutes [les formes de] discrimination qui passent pour de l’éducation dans les Caraïbes. Chaque enfant mérite une éducation de bonne qualité qui les prépare pour la VIE, pas pour le Comité des examens caribéen ou pour un job au gouvernement. Pour la vie. […] Regardez ce qui se passe avec l’éducation en Finlande, en Norvège et dans tous les pays où la qualité de vie est au top du top et où les gens ne deviennent pas dingues et battent leurs enfants. […]

Mais pourquoi avons-nous un système qui fait que nos enfants se sentent stupides s'ils n'obtiennent pas “une bonne école” ? Pourquoi toutes les écoles [ne sont-elles] pas de bonnes écoles ?

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