Un groupe d'étudiants et d'anciens étudiants liés à l'université privée Madonna dans le delta du Niger, au Nigéria, risque jusqu'à sept ans de prison pour avoir publié des commentaires sur les réseaux sociaux dénonçant les mauvaises conditions de travail et les mauvais traitements infligés aux étudiants ainsi qu'au personnel enseignant.
Le groupe, connu sous le nom de #Madonna7, comprend quatre étudiants : Benoît Amaechi, Badaziri Owhonda, Chijoke Nnamani, Nwokeoma Blackson, et les anciens membres du personnel Anthony Ezeimo et Jonathan Abuno, également anciens étudiants de l'université. Un septième homme du groupe, Nnamdi Opara, un ami d’Anthony Ezeimo, est également cité dans l’affaire.
Le 28 mars 2019, le groupe a été traduit en justice au titre de l'article 27 (1) b) de la loi nigériane de 2015 sur la cybercriminalité (interdiction, prévention, etc.) pour des délits qui auraient été commis entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018. La police a porté les accusations à l'encontre du groupe à la suite d'une plainte déposée par l'université.
Vivien Douglas, consultante en communication agissant pour le compte de Madonna 7, a communiqué à Global Voices l'acte d'accusation (FHC / FHC / C / 03/2019) par courriel. Le groupe est accusé d'avoir envoyé de “faux messages” sur les médias sociaux, ce qui a causé “gêne, inconvénient, danger, insulte, blessures, intimidation criminelle…” à l'Université Madonna et à son responsable de la sécurité, Titu Ugwu.
Le 3 juillet, une haute cour fédérale d'Awka, capitale de l'État d'Anambra au sud-est du Nigéria, a libéré ces hommes sous caution. Bien que la demande de libération sous caution du groupe ait été déposée et examinée le 19 février, ils sont restés en prison pendant cinq mois.
Chinedu Igwe, à la tête de l'équipe juridique des accusés, a déclaré que le tribunal était censé leur accorder une mise en liberté sous caution en mars, mais que le greffier n'a pas pu vérifier leur adresse, ce qui a retardé leur libération.
L'affaire a été renvoyée au 7 octobre 2019.
Une université catholique au-dessus de la critique ?
L'Université Madonna est une université catholique privée qui gère trois campus au Nigéria. Les Madonna 7 auraient commis leurs cybercrimes sur le campus d'Okija situé dans l'État d'Anambra. L'université possède deux autres campus situés à Elele, dans l'État de River (sud du Nigéria) et à Akpugo, dans l'État d'Enugu (sud-est du Nigéria).
Le révérend Emmanuel Edeh a fondé l'Université Madonna en 1999 et a également créé une autre université ainsi qu'une école polytechnique. E. Edeh est le deuxième pasteur nigérian le plus riche, avec des œuvres de bienfaisance et des investissements estimés entre 70 et 90 millions d'euros.
Son université et lui-même ont été dénoncés en ligne pour intolérance envers les critiques d'étudiants et de membres du personnel :
Madonna University is still a glorified secondary School.
You will never see a graduate of Madonna University talk good about his or her alma mata. Sad.
In case you don't know, the institution locked 6 students and a lecturer up since February for their opinion on Facebook.???— Artist extraordinaire (@AlphabetPrize) July 4, 2019
L'Université Madonna est toujours une école secondaire glorifiée.
Vous ne verrez jamais un diplômé de l'Université Madonna parler de son alma mata. Triste.
Au cas où vous ne le sauriez pas, l’établissement a condamné 6 étudiants et un maître de conférence depuis février pour leurs opinions sur Facebook.???
Madonna University is a prison governed by a religious tyrant called Father Edeh#FreeMadonna7Now pic.twitter.com/oqczpjn6Zo
— iHustle (@sheyirealtor) July 3, 2019
L'Université Madonna est une prison gouvernée par un tyran religieux appelé le père Edeh
Qu'ont donc dit les Madonna 7 de leur université?
Anthony Ezeimo, Jonathan Abuno et Chijoke Nnamani sont parmi ceux qui ont eu des ennuis juridiques pour leurs commentaires en ligne au sujet de l'université et de son administration.
Selon l'acte d'accusation, Ezeimo, ancien maître de conférence et doyen des affaires étudiantes de l'université, a publié un message sur un réseau de médias sociaux non spécifié décrivant l'Université Madonna comme un “piège mortel” et qualifiant son administration de “perverse”, après avoir soutenu que le campus d'Okija a enfermé un groupe d'étudiants dans une pièce en leur refusant l'accès à de la nourriture et à de l'eau pendant deux jours.
Vivien Douglas, la consultante en communication, a expliqué à Global Voices que M. Ezeimo avait publié des affirmations dans un groupe WhatsApp d'anciens élèves selon lesquelles la sécurité de l'école avait enfermé M. Abuno, un ancien porte-parole de l'université, dans une cellule du campus d'Elele pour avoir soi-disant créé un groupe sur Facebook appelé “It's Madonna” (C'est Madonna), qui critiquait les conditions de vie à l'université.
L'acte d'accusation fait référence à un groupe sur un réseau de médias sociaux non spécifié appelé “Itz Madonna”. Mais, selon l'acte, les étudiants Benoît Amaechi et Badaziri Owhonda ont créé le groupe sans Jonathan Abuno.
Les allégations de M. Ezeimo de mauvais traitements infligés par la sécurité de l'école ont provoqué un déchaînement de réactions parmi les anciens élèves qui ont condamné l'arrestation et relaté leurs mauvaises déplaisantes alors qu'ils étaient étudiants à Madonna.
Chijoke Nnamani est un diplômé de l’Université Madonna qui avait défendu son institution contre l'offensive sur les médias sociaux, a fait partie de ceux qui ont été arrêtés. Avant son arrestation, il avait exhorté l'université à être “correcte avec ses enseignants” parce que “les bons enseignants sont rares” dans un message sur Facebook.
Il a été arrêté le 4 février dans l'État du Delta, où il faisait son service civil obligatoire auprès du Service national de la jeunesse nigériane.
La campagne #FreeMadonna7Now
Les militants ont salué en ligne la libération des Madonna 7. Le mouvement #TakeItBack, une campagne pour la justice sociale lancée par la militante des droits de l'homme Omoyele Sowore, a également exprimé sa solidarité.
FREE MADONNA 7 NOW.
The Madonna seven (7) story is one injustice too many.
In February Chijioke Michael Nnamani was snatched from NYSC post in Delta State by the Nigerian Police, over frivolous accusations.
— Ngozichukwuka (@VivienNgozika) July 2, 2019
LIBEREZ MADONNA 7 MAINTENANT.
L'histoire de Madonna sept (7) est une injustice de trop.
En février, Michael Chijioke Nnamani, a été enlevé de son poste au NYSC dans l’État du Delta par la police nigériane après des accusations frivoles.
La campagne pour la libération du groupe a attiré l'attention nationale sur l'emprisonnement injuste des sept hommes par le biais de pétitions, de communiqués de presse, de manifestations en ligne et dans la rue d'étudiants et d'internautes nigérians dirigés contre l'administration de l'Université Madonna.
Dear Nigerians,
If you know the facts of this case or the family of Chijioke Nnamani & others, please contact me. We want to take up this matter and if you are close to Madonna university management tell them we are coming if they don’t do the needful quickly. #FreeMadonna7Now pic.twitter.com/Ybu4mBLXrY
— Comrade Deji Adeyanju (@adeyanjudeji) July 3, 2019
Chers Nigérians,
Si vous connaissez les faits de cette affaire ou la famille de Chijioke Nnamani & autres, veuillez me contacter. Nous voulons aborder cette question et si vous êtes proche de la direction de l’université Madonna, dites-leur que nous venons s’ils ne font pas le nécessaire rapidement.
Leur cas est l'un des exemples les plus récents d'intensification de la répression des droits de l'homme et de la suppression de la liberté d'expression au Nigéria sous prétexte de lutte contre la cybercriminalité.
En 2016 et 2017, les journalistes en ligne Kemi Olunloyo et Abubakar Sidiq Usman ont été arrêtés et détenus en vertu de la loi sur la cybercriminalité sur des accusations fallacieuses de cyber-harcèlement dans le cadre d'enquêtes journalistiques .
L'utilisation continue de la loi sur la cybercriminalité pour réprimer les voix dissidentes au Nigéria témoigne d'une dégradation des droits de l'homme dans le pays le plus peuplé d'Afrique. La loi rend encore plus difficile pour les citoyens, les journalistes et les militants de critiquer le gouvernement ou de le tenir pour responsable.