En Algérie, gagner sur un terrain de foot international est aussi une victoire de la rue sur le pouvoir

L'accueil de l'équipe d'Algérie de football le samedi 20 juillet 2019 à Alger après la victoire historique en coupe d'Afrique des nations 2019. Photographie prise par Amina Grine et reproduite avec autorisation.

En remportant la Coupe d’Afrique des nations 2019 en Égypte après avoir battu le Sénégal 1-0, l'Algérie regagne sa place de champion du football africain, ceci après une interruption de vingt-neuf ans. Mais cette victoire dépasse le cadre purement sportif et prend un sens politique car le pays est en pleine crise suite à une série de manifestations qui ont débuté le 22 février 2019 et qui demandent la fin du régime actuel.

Un vendredi chargé d’émotions

Le vendredi 19 juillet 2019 a marqué une date historique, car c’était à la fois le vingt-deuxième vendredi de mobilisation consécutif depuis le début du hirak (mot arabe signifiant « mouvement » et renvoyant aux manifestations); et le jour de la finale de la coupe d’Afrique qui a opposé l’Algérie au Sénégal.

Ce jour-là à 21 heures, tous les regards se sont tournés vers le stade international du Caire où se jouait la finale. Dès la première minute de jeu, le joueur Baghdad Bounedjah a ouvert le score, et a maintenu cet avantage jusqu'à la fin du match. Le coup de sifflet final s'est transformé en explosion de joie incommensurable, et des millions d’Algériens sont sortis dans la rue pour célébrer ce titre tant attendu.

Madjid Zerrouky, journaliste du journal Le Monde a publié une vidéo prise au cœur des célébrations de la victoire à Alger :

L'équipe nationale, surnommée les Fennecs a en effet fait preuve d'une détermination remarquable: elle n'a perdu aucun match, a marqué 13 buts et encaissé seulement 2 buts, démontrant des atouts majeurs en matière d’attaque et de défense .

Mais d’où vient cette détermination ?

Cette rage de vaincre sur le terrain de football s'explique aussi par ce qui se passe dans la rue et les manifestations que connaît le pays depuis plus de cinq mois. Depuis le 22 février 2019, date à laquelle des centaines de milliers d’Algériens sont sortis à travers tout le territoire national pour s’opposer au cinquième mandat consécutif du président Abdelaziz Bouteflika, chaque vendredi est marqué par des manifestations.

Si M. Bouteflika a fini par démissionner le 2 avril 2019, les Algériens continuent pourtant de manifester en Algérie, ainsi que dans des pays à forte communauté algérienne comme la France et le Canada. Ils revendiquent un changement radical et une véritable transition qui rejette les personnalités de l’ancien régime de M. Bouteflika.

Le journal en ligne algérien AtlasTimes a diffusé à ce titre une interview du joueur algérien Adlane Guedioura où il déclare :

Ce thème est repris par le journaliste Hamdi Baala qui publie des photos des manifestations de ce vendredi spécial accompagnées de ces commentaires :

“Non à la dictature et oui pour la coupe d'Afrique” écrit également une jeune Algérienne :

“La casa del mouradia”, “la liberté” et d’autres chansons des manifestations ont été chantées le 19 juillet pendant les manifestations, puis à nouveau le soir, pour célébrer la victoire des fennecs.

Une internaute égyptienne qui a assisté au match de finale contre le Sénégal, a aussi publié une vidéo des supporteurs algériens chantant “la casa del mouradia” pendant la finale :

Comme j'étais absente, permettez-moi de partager certains de mes moments préférés de la finale de # AFCON2019, le plus important étant les fans algériens chantant La Casa Del Mouradia.

Un pont aérien pour détourner l’attention des Algériens des manifestations

Le pouvoir algérien a bien tenté de miser sur ce match de finale pour essayer de calmer la contestation dans son pays. Ainsi, les autorités algériennes ont mobilisé 28 avions afin de transporter 4.800 supporteurs pour assister à la finale de la Coupe d'Afrique des nations. Mais les Algériens sont conscients que ceci représente une tentative de manipulation et ne sont pas dupes, comme le fait remarquer cet internaute :

Yazid Ouahib, chef de la rubrique Sport du quotidien El Watan explique que : “Le pouvoir escompte des dividendes, alors qu'il reste sourd aux revendications des manifestants, c'est une forme de corruption qui n'aura aucun impact sur le mouvement populaire, car depuis le 22 février, le peuple a montré qu'on ne peut pas se jouer de lui”.

Le 19 juillet, un des manifestants a écrit sur sa pancarte : « La victoire en finale de la CAN est un bonheur provisoire. La restitution de la patrie procure un bonheur éternel ».

La victoire du peuple

Cette victoire en coupe d'Afrique est donc perçue par une majorité d'Algériens comme une récompense qui inspire toute une nation pour aller de l’avant et réformer le pays tout entier.

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