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C'est le jour de l’Émancipation à Trinité et Tobago, mais le pays est-il libre ?

Catégories: Caraïbe, Trinité-et-Tobago, Droit, Droits humains, Ethnicité et racisme, Histoire, Jeunesse, Médias citoyens, Politique

La statue Redemption Song [Chant de la rédemption, NdT], à Emancipation Park, en Jamaïque. Photographie de Mark Franco, reproduite avec autorisation.

Le jour de l'Émancipation [1] est célébré le 1er août dans de nombreux [2] pays [3] des Caraïbes [4]. Il célèbre la libération des esclaves africains victimes du commerce transatlantique d'esclaves [fr] [5].

Trinité et Tobago a été le premier pays au monde [6] à décréter un jour férié pour marquer l'abolition de l'esclavage. Mais 34 ans après son instauration et 185 ans après que le Slavery Abolition Act [7] signé en 1833 a pris effet [8] pour la première fois, un débat important persiste pour savoir si cette république de deux îles est vraiment émancipée.

S'exprimant à ce propos, le 27 juillet 2019, le Premier ministre, le docteur Keith Rowlew, a observé [9] que parmi la population diverse de Trinité et Tobago, les personnes de descendance africaine “ne vont pas aussi bien qu'espéré”. Dr. Rowley a déclaré que le niveau croissant de violence que connaît une partie de la jeunesse noire et urbaine devait inciter les citoyens à “se concentrer, à réfléchir et avoir de sérieuses discussions sur l'état de la nation”.

Le président du Comité d'aide à l'émancipation de Trinité et Tobago, Khafra Khambon, partage cet avis [10].

Plusieurs lettres destinées au rédacteur en chef de Newsday ont donné [11] des exemples de l'esclavage moderne pour faire remarquer que la véritable émancipation semble encore loin, quand d'autres ont essayé [12] de faire de cette occasion une affaire politique en critiquant certains services sociaux et une culture de “l'assistanat”.

Le Trinidad Express a choisi de présenter une tribune [13] au sujet de la fête de l'Émancipation qui suggérait que Keith Rowley, Khafra Kambon et l'activiste Pearl Eintou Springer faisaient fausse route sur la raison pour laquelle certains Trinidadiens d'origine africaine pouvaient être en difficulté :

It is easy for a dominant group to create a system that discriminates and subjugates. Those who do not measure up to that system are categorised as under-performers and relegated to second class or worse. […]

So many of our systems, education the leader, put people unfairly in a caste and they are not given a second chance. Every system has a rating and the further away it is from the top, the lower the ranking. Those who find themselves on the bottom rung have great difficulty coping with the elevated systems. Self-esteem is low and in their perceived helplessness may even drive them to employ violence to counter-punch suppression.

C'est facile pour le groupe dominant de créer un ordre qui discrimine et asservit. Ceux qui ne se conforment pas à cet ordre sont catégorisés comme étant sous-performants et sont relégués au second rang, voire pire. […]

Nombreux sont nos systèmes qui enseignent aux leaders et enferment des gens dans des castes de manière injuste et ne leur accordent pas de seconde chance. Chaque système a une note, et plus il est éloigné du sommet, plus bas est son classement. Ceux qui se trouvent en bas de l'échelle ont de grandes difficultés à lutter contre les systèmes élevés. Ils ont peu confiance en eux et l'impuissance qu'ils ressentent peut même les conduire à recourir à la violence pour se battre contre la répression.

Le commentateur [14] Arthur Dash a loué la “louable histoire de maturité” du pays au sujet des questions raciales, mais il a également suggéré que le problème était plus profond, qu'il était ancré dans le système lui-même et que le message du Premier Ministre devait pousser les citoyens à voir à quel point le racisme institutionnel limite encore les individus.

Les utilisateurs des réseaux sociaux ont également partagé leur réflexions. Dans une publication publique, Adrian Raymond a écrit [15] sur Facebook :

On this day we remember and commemorate the freedom of our ancestors from the physical bondage of slavery.

Today, many generations later, we the decendants [sic] of slaves struggle with the legacies left by colonialism.

Legacies which thrive and are perpetuated by stereotypes: We are not savage, we are not violent, we are not predators, we are not just thugs and gangsters. We are leaders, revolutionary thinkers, visionaries, philosophers. We are Obama, Garvey, Marley, Angelou, Walcott. […]

Let us recognize that colourism is an inherited tool used to divide us […]

Let us call out respectability politics: a culture of dilution; stop playing down blackness to make it palatable to the masses […] Let us celebrate the rediscovery of our faith and belief systems. They took away the religion of our ancestors, they took away a belief system and sense of values. In today's world of information access you owe it to yourself to explore the belief systems of our ancestors, the reverence and honouring of the elders, the owning of one's actions […] an emphasis on choice and consequence, there is belief in the family, the extended family, the village, the community.

This emancipation embrace the fullness and richness of who you are, where you came from, the blood and history that's in your veins. Own with pride who you are, your culture, your identity

En ce jour nous nous souvenons et commémorons nos ancêtres qui ont été libérés des liens physiques de l'esclavage.

Aujourd'hui, de nombreuses générations plus tard, nous les descendants d'esclaves luttons avec l'héritage laissé par le colonialisme.

Un héritage qui prospère et est perpétué par les stéréotypes : nous ne sommes pas sauvages, nous ne sommes pas violents, nous ne sommes pas des prédateurs, nous ne sommes pas des voyous ou des gangsters. Nous sommes des leaders, des penseurs révolutionnaires, des visionnaires, des philosophes. Nous sommes Obama, Garvey, Marley, Angelou, Walcott. […]

Reconnaissons que le “colorisme” est un outil hérité et utilisé pour nous diviser […]

Appelons à une respectabilité politique : une culture de la dilution ; arrêtons de minimiser la couleur noire pour la rendre convenable aux masses […] Célébrons la redécouverte de nos systèmes de foi et de valeurs. Ils ont pris la religion de nos ancêtres, ils ont pris un système de croyances et un sens des valeurs. Dans le monde d'aujourd'hui marqué par son accès à l'information vous vous devez d'explorer le système de croyances de vos ancêtres, la vénération et l'honneur de nos anciens et l'appropriation de nos actions […] l'importance des choix et de leurs conséquences. Il y a une croyance en la famille, en la famille élargie, en le village, et en la communauté.

Cette émancipation épouse l'entièreté et la richesse de votre être, de vos origines, de votre sang et de l'histoire qui est dans vos veines. Affichez avec fierté qui vous êtes, votre culture, votre identité.