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Mozambique et Côte d'Ivoire : des avancées juridiques pour les droits des femmes et des enfants

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Côte d'Ivoire, Mozambique, Droit, Droits humains, Economie et entreprises, Education, Femmes et genre, Gouvernance, Jeunesse, Médias citoyens, Travail

Des femmes venues de toute la Côte d'Ivoire et rassemblées pour célébrer la Journée internationale des droits des femmes au Palais de la culture à Abidjan, la capitale. 8 mars 2005. Photographie de Ky Chung/United Nations [1] via Flickr, CC BY-NC-ND 2.0.

En juillet 2019, le Mozambique et la Côte d'Ivoire sont devenus les derniers pays en date à renforcer leurs lois en faveur des droits des filles et des femmes en Afrique subsaharienne.

Tandis que le Mozambique a adopté une loi criminalisant les mariages précoces, la Côte d’Ivoire a quant à elle progressé sur le front de l’égalité des sexes en modifiant une loi sur le mariage qui ôtait aux femmes leurs droits sur les biens matrimoniaux.

Le Mozambique criminalise le mariage des enfants

Le 24 juillet 2019, le gouvernement du Mozambique a adopté une loi sur la prévention et la lutte contre les unions précoces. Cette nouvelle législation criminalise notamment le mariage des filles. Toute personne célébrant ou autorisant le mariage d'un(e) mineur(e) encoure désormais une peine [2] allant de deux à huit ans de prison, tandis qu'un adulte contractant une union matrimoniale ou sexuelle avec un enfant de moins de dix-huit ans encoure quant à lui une peine de huit à douze ans de prison.

Le Mozambique adopte une loi mettant fin au mariage des enfants.

La loi mozambicaine de 2004 sur la famille avait déjà fixé l'âge légal du mariage à dix-huit ans. Elle permettait cependant de se marier dès seize ans avec le consentement des parents, des tuteurs ou d'un tribunal. Bien que l'article 19 de cette loi interdise [5] le mariage des enfants, 48% des filles au Mozambique sont mariées avant d'atteindre leur majorité, à dix-huit ans.

Le Mozambique figure parmi les dix premiers pays [6] d'Afrique subsaharienne où la prévalence des mariages précoces est la plus forte. La loi récemment adoptée vient supprimer la clause qui autorisait les mariages avant dix-huit ans.

En 2017, les Nations Unies expliquaient dans un rapport que la sécheresse poussait les familles [7] à envoyer leurs filles se marier. La pauvreté, les normes de genre et les grossesses précoces [6] sont les principaux facteurs à l’origine des mariages des mineures  [8]au Mozambique.

Cet amendement fait suite à d’autres réformes visant à mettre un terme à la discrimination que subissent les adolescentes enceintes ou déjà mères. En décembre 2018, le ministère de l'Éducation avait abrogé un décret interdisant aux adolescentes enceintes [9] d'aller à l'école durant la journée, les contraignant à suivre des cours du soir à la place.

Les internautes du monde entier ont félicité le gouvernement du Mozambique pour cette mesure visant à mettre fin au mariage précoce. Sur Twitter, les activistes mettent en avant le fait que s'assurer que les filles restent à l'école était tout aussi importante que criminaliser les mariages précoces :

Bonne nouvelle ! L'Assemblée nationale du Mozambique a adopté une loi interdisant le mariage des enfants. Dans le cadre de sa stratégie de lutte contre les mariages précoces, en plus de garantir que la loi soit pleinement appliquée, le gouvernement devrait augmenter les efforts mis en œuvre pour lutter contre la déscolarisation des filles.

Toutefois, certains s'inquiètent des défis que pose la loi, telles que sa mise en œuvre et son application par les autorités :

Le problème dans ce cas est la mise en œuvre. Le Malawi a introduit une loi similaire il y a des années, mais des enfants âgées de quatorze ans se font encore marier.

Deux filles sourient sur une île du Mozambique en janvier 2011. Photographie de Bita Rodriguez via USAID/Flickr/US government works.

La Côte d'Ivoire milite pour l'égalité des sexes

Selon Human Rights Watch, la Côte d'Ivoire est sur le point de réformer le mariage  [17]afin de garantir aux femmes mariées les mêmes droits que leur mari sur les biens communs. La nouvelle loi protégera également l’héritage des femmes à la mort de leur mari.

Sous la loi actuellement en vigueur depuis 2012, le droit d’administrer tous les biens du ménage reviennent au mari. Les femmes se retrouvent donc exclues de la possibilité de pouvoir gérer ou disposer des biens, y compris ceux hérités par le mariage. La seule concession qui leur est faite est de pouvoir donner leur consentement  [18]lors de transactions majeures portant sur des biens matrimoniaux.

La nouvelle loi donnera également aux femmes mariées un meilleur accès aux ressources financières, en leur permettant d'utiliser leurs terres comme gage de crédit. Traditionnellement, les terres sont enregistrées au nom du mari, et les chefs du village – eux-mêmes des hommes – ont un droit de regard sur toutes les décisions relatives aux terres. Malgré les réformes juridiques et les initiatives du gouvernement visant à garantir aux femmes l’accès au crédit, celles-ci n'étaient jusqu’alors toujours pas autorisées à utiliser les terres héritées comme garantie, leur rendant l'accès au crédit difficile.

Cette nouvelle loi sur le mariage présente cependant encore des lacunes. Elle ne protège pas les droits de propriété sur les biens communs dans le cadre des « mariages non formalisés », une forme d’union qui inclue les unions coutumières et religieuses, et qui est la plus courantes dans les zones rurales. Les femmes sont fréquemment victimes de discrimination [17] du fait de l’intervention des membres de la famille de sexe masculin dans toutes les décisions, et de la non reconnaissance aux yeux de la loi des mariages non formalisés.

Le système de succession en Côte d'Ivoire favorise toujours les hommes. Malgré la loi sur les successions, qui accorde des droits égaux à l’époux survivant, qu’il soit un homme ou une femme, et aux enfants quel que soit leur sexe, les veuves issues de mariages non formalisés ne peuvent pas hériter.

Sous l'ancien président Alassane Ouattara, la Côte d'Ivoire s'est employée pendant plusieurs années à éliminer les inégalités de genre et à renforcer les droits des femmes. En novembre 2012, le gouvernement avait souhaité adopter une loi sur le mariage donnant aux femmes mariées le statut de co-cheffe de famille, mais la loi a rencontré une forte opposition [19] et a finalement conduit à la dissolution du gouvernement [20]. La Loi sur le mariage avait pourtant bel et bien été adoptée peu après la dissolution.

Certains internautes ont crédité [21] la conseillère à la présidence des États-Unis, Ivanka Trump, pour les avancées faites grâce aux réformes récemment entreprises, après que celle-ci se soit déplacée en Côte d'Ivoire en avril pour visiter une ferme de cacao. Lors de ce déplacement, elle avait pris la parole durant un forum sur l'autonomisation économique des femmes, au cours duquel elle avait annoncé un nouveau projet de 2 millions de dollars [22] (environ 1,77 millions d'euros) visant à soutenir les productrices de cacao.

Mais d'autres internautes ont vite fait remarquer que les réformes du mariage étaient déjà en cours bien avant la visite d’Ivanka Trump :

La Côte d'Ivoire débat de la loi sur le mariage depuis de nombreuses années. C'est le gouvernement actuel qui a facilité son passage… PAS Ivanka. Elle a cependant visité une ferme de cacao.

En Côte d'Ivoire, premier pays producteur de cacao au monde, près de 62% des femmes [25] sont des entrepreneurs. Les femmes vivant dans les zones rurales forment une grande part de la main d'œuvre agricole [26], malgré les pratiques coutumières discriminatoires qui existent.

Selon l'indice 2015 de l'égalité des genres en Afrique, les femmes continuent d'être des leaders et des entrepreneurs [27] dans leurs foyers et dans leurs communautés à travers tout le continent, et ce en dépit des discriminations juridiques, financières et sociales.

Ces nouvelles réformes constituent des étapes essentielles pour garantir la sécurité de toutes les filles et les femmes d’Afrique subsaharienne.