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L'arrestation d'un critique du gouvernement nigérian suscite de nouvelles craintes

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Nigéria, Droits humains, Médias citoyens, Politique, Advox

Abubakar Idris, communément appelé Dadiyata. Image utilisée avec la permission de The SignalNg [1]

Le 1er août 2019, le critique du gouvernement nigérian, M. Abubakar Idris, connu sous le nom de Dadiyata, a été enlevé à son domicile dans le quartier de Barnawa à Kaduna, dans le nord-ouest du Nigéria.

Le journal en ligne Premium Times, basé à Abuja, a rapporté que M. Dadiyata avait été emmené de force [2] par des ravisseurs vers 1h00 du matin à son retour à son domicile. “Alors qu'il était sur le point de fermer le portail, deux hommes l'ont abordé et emmené dans sa voiture”, a déclaré son épouse au journal.

M. Dadiyata, maître de conférence à l'Université fédérale Dutsinma, dans l'État de Katsina, est un critique acharné du gouverneur de l'État de Kano [fr] [3], M. Umar Ganduje [4], et soutient l'ancien gouverneur M. Rabiu Musa Kwankwaso [fr] [5]. M. Dadiyata est souvent en conflit avec les partisans de M. Ganduje sur les médias sociaux.

Autrefois alliés politiques, M. Ganduje et M. Kwankwaso sont devenus de redoutables rivaux après la prise de fonction de M. Ganduje en 2015. M. Ganduje a été gouverneur adjoint de M. Kwankwaso de 2011 à 2015, lorsque les deux hommes étaient membres du Congrès progressiste (APC) au pouvoir. Cependant, à son entrée en fonction en 2015, M. Ganduje s'est brouillé avec son ancien patron. M. Kwankwaso a quitté l'APC pour rejoindre le parti d'opposition, le Parti démocratique du peuple (PDP). Lors des élections de 2019, M. Kwankwaso a soutenu [6] le rival de M. Ganduje, M. Abba Kabir du PDP.

Depuis 2015, les relations entre M. Ganduje et M. Kwankwaso ont été ouvertement houleuses, et leurs partisans se sont battus pour la suprématie politique.

Enlèvement ou arrestation ?

La confusion règne toujours quant à savoir si M. Dadiyata a été enlevé ou arrêté. La police a déclaré le 2 août qu'elle “faisait des efforts pour appréhender les présumés criminels qui sont en fuite” et pour porter secours à M. Dadiyata.

Les informations que je reçois de Kaduna indiquent que les agences de sécurité font de leur mieux pour localiser et libérer notre frère Dadiyata de ses ravisseurs. Chaque petite information sur sa localisation est nécessaire à ce point, nos prières sont toujours avec lui, sa famille et ses amis.

Alors que la liberté d'expression est menacée [fr] [12] dans le pays, certains craignent que la disparition de M. Dadiyata ne soit liée à ses critiques du gouvernement de l'APC dans l'État de Kano.

À PEINE RECU!

Une voiture remplie de bulletins de vote validés en faveur de l'APC arrêtée par la police à l'école primaire Magwan de la LGA de Nasarawa.

Le gouverneur adjoint de l’État de Kano, M. Nasiru Gawuna, a été aperçu sur les lieux de l’incident.

Le PDP a décrit [19] l'enlèvement de M. Dadiyata comme “une disparition inquiétante pour intimider, réprimer et faire taire l'opinion publique et la liberté d'expression au Nigeria, aussi bien que pour renforcer une mentalité de siège chez nos citoyens”. Le parti de l'opposition a également accusé [20] le Département des services d'État (DSS), une unité des services de sécurité du Nigeria, d’être responsable de l’enlèvement, ce que celui-ci a nié [21].

J'ai parlé à M. Peter Afunnaya, porte-parole du DSS, et M. Ahmed Koya, directeur d'État du DSS à Kaduna. Ils ont dit qu’ils ne détenaient personne sous le nom d’Abubakar Idris Dadiyata.

Où est M. Dadiyata ?

Les internautes nigérians ont exprimé leur préoccupation devant la disparition de M. Dadiyata.

Où est notre critique vocal et notre voisin sur Twitter dadiyata ?

Le sénateur et défenseur des droits humains M. Shehu Sani a déclaré que “les lignes de démarcation entre les arrestations et les enlèvements deviennent floues” au Nigeria :

Je me joins à l'appel pour demander où se trouve le jeune homme, M. Dadiyata, qui est porté disparu depuis quelques jours. Ces jours-ci, la ligne de démarcation entre les arrestations et les enlèvements s'estompe.

M. Chuba Ugwu, un ami de M. Dadiyata, a tweeté qu'il tenait le gouvernement pour responsable de l'incident :

La principale responsabilité du gouvernement nigérian (conformément à la constitution) est la protection de la vie et des biens des citoyens.

Dadiyata a disparu depuis presque une semaine. Sa femme et ses enfants ne l'ont pas vu. Nous, ses amis, n'avons pas eu de ses nouvelles. #OùEstDadiyata ?

D'autres prient pour lui et sa famille :

Certains ont déclaré que des membres des forces de sécurité lourdement armés avaient arrêté Dadiyata dans sa résidence de Kaduna la semaine dernière, d'autres que des kidnappeurs l'avaient enlevé et, dans ces déclarations contradictoires, “il s'agit d'un travail de voyous.”
Nous espérons que ce jeune homme rentrera chez lui sain et sauf ISA ?

Nos prières continuent d'être avec Dadiyata dont nous ignorons où il se trouve, mais Dieu, qui voit tout, le sait. Nous prions donc pour qu'il soit en sécurité.

Nous prions pour sa femme et ses deux enfants afin que Dieu les réconforte immensément et jusqu'à son retour en toute sécurité. #PriezPourDadiyata

Sans nouvelles de M. Dadiyata deux semaines après son enlèvement, des citoyens ont organisé des manifestations pour demander au gouvernement d'agir :

Dirigée par Anthony Ehilebo, l'équipe des médias numériques du PDP a marché aujourd'hui pour demander où se trouve notre frère Dadiyata, qui a été enlevé à son domicile à Kaduna il y a 14 jours.
Nous avons demandé à l'ambassade des États-Unis a Abuja de se joindre à nous pour demander à l’administrateur Buhari #OùEstDadiyata

Le politicien de l'opposition M. Ndi Kato a bien saisi [39] l'appréhension de la disparition de Dadiyata :

Pour chaque grande conversation sur les disparitions forcées au niveau national, il en existe plusieurs autres aux niveaux local et des états qui n'ont pas le privilège d’être traitées par les médias sociaux. Cette tendance à la disparition forcée sous un gouvernement élu démocratiquement au cours de son premier mandat signifie un grave ralentissement pour les jeunes Nigérians dont la vie était dirigée vers une liberté différente de celle des générations précédentes. C’est une nouvelle réalité pour la plupart d’entre nous qui est aussi effrayante qu’elle le paraît.