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Jean-Jacques Muyembe-Tamfum : le scientifique congolais derrière le remède contre le virus Ebola

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Guinée, Libéria, Mali, Nigéria, République Démocratique du Congo (RDC), Sierra Léone, Média et journalisme, Médias citoyens, Santé

Sierra Leone : des agents de santé se préparent à pénétrer dans une zone où les patients atteints d'Ebola sont soignés. Photographie sur Flickr [1] par EC / ECHO / Cyprien Fabre, 2 août 2014. (CC BY-NC-ND 2.0)

Le 12 août 2019, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé un développement positif dans les tests cliniques de médicaments en cours pour le traitement du virus Ebola [fr] [2] en République démocratique du Congo (RDC).

L'OMS a affirmé que des médicaments contre le virus Ebola montraient [fr] [3] “des avancées qui offriront aux patients de meilleures chances de survie”, et a ajouté que “deux des quatre médicaments testés sont plus efficaces pour traiter la maladie à virus Ebola”.

Qui est l'homme derrière ce traitement contre Ebola ? Il s'agit de l'éminent professeur Jean-Jacques Muyembe-Tamfum, directeur général de l'Institut national de la recherche biomédicale (INRB) de la RDC, a consacré une grande partie de sa vie d'adulte à la recherche d'un traitement contre le virus.

Alors que les médias internationaux se sont souvent concentrés sur la nature meurtrière et contagieuse d’Ebola en RDC, on a moins parlé du scientifique congolais qui a découvert son remède.

Le prof. Muyembe-Tamfum a déclaré  [4]: “Nous ne dirons plus que la maladie à virus Ebola n'est pas guérissable.”

Sur la base des travaux inlassables du prof. Muyembe-Tamfum, les scientifiques ont testé quatre médicaments pour le traitement du virus Ebola :  ZMapp, remdesivir, mAb114 et REGN-EB3 [5]. Les résultats des essais cliniques menés [5] auprès de 499 participants ont montré que les patients traités avec “REGN-EB3 ou mAb114 avaient plus de chances de survie” par rapport à ceux traités avec les deux autres médicaments.

Les essais ont été menés sous les auspices de l'Institut national de recherche biomédicale (INRB), du ministère de la Santé de la RDC et de trois organisations humanitaires à vocation médicale : l'Alliance pour l'action médicale internationale (ALIMA), l'International Medical Corps (IMC) et Médecins sans frontières (MSF).

Le scientifique congolais derrière le traitement Ebola

Le prof. Muyembe-Tamfum effectue des recherches sur le virus Ebola depuis la première épidémie connue en RDC en 1976, lorsqu'il a été le premier chercheur [fr] [6] à se rendre dans la région touchée.

Le Dr Jean-Jacques Muyembe, directeur général de l'Institut national de recherche biomédicale de la République démocratique du Congo et son équipe ont découvert un nouveau traitement contre le virus Ebola capable de guérir les symptômes en une heure seulement.

Professeur de microbiologie à la faculté de médecine de l'Université de Kinshasa en RDC, il travaille depuis 40 ans à la guérison de la maladie. En 1995, il a collaboré avec l'OMS à la mise en œuvre de protocoles de détection [fr] [9] et de contrôle lors du premier foyer épidémique d'Ebola en milieu urbain signalé à Kikwit, en RDC.

[10]

Le professeur Muyembe-Tamfum (assis au micro) s'exprimant lors d'une manifestation d'éducation publique à Beni, dans le Nord-Kivu, en RDC, en septembre 2018. Photographie de MONUSCO / Aqueel Khan [10] (CC BY-SA 2.0)

Grâce à cette découverte, les personnes infectées par le virus Ebola auront désormais davantage confiance en la possibilité de guérison et seront plus enclines d'aller à l'hôpital pour se faire soigner.

“Maintenant que 90% de leurs patients peuvent aller au centre de traitement et en ressortir complètement guéris, ils vont commencer à y croire et à restaurer la confiance dans la population et la communauté.” – Jean-Jacques Muyembe-Tamfum [11]

 

Pourquoi le traitement d'Ebola est-il important?

Les premiers cas d'Ebola recensés se sont produits en 1976 près de la rivière Ebola en RDC. Selon les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC), depuis lors, le virus Ebola est reparu [12] “périodiquement de son bassin naturel (qui reste inconnu)” pour infecter des populations en Afrique.

Entre 2014 et 2016, plus de 28 600 cas d'Ebola ont été enregistrés en Afrique de l'Ouest. Selon un rapport [13] de l'OMS de 2015 :

Épidémies de virus Ebola depuis 1976. Carte des centres [12] de prévention et de contrôle des maladies.

Le récit mondial sur Ebola

Les ravages causés par Ebola dans les pays africains ont généré une panique et une hystérie mondiales en 2015 lorsque deux patients sont décédés aux États-Unis, un en Espagne et un en Allemagne. Gaby‐Fleur Böl, chercheuse à l’Institut fédéral pour l’évaluation des risques à Berlin, en Allemagne, a identifié [16] d’autres cas en Espagne, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie et en Suisse. A cette époque, une infection était considérée comme une condamnation à mort en raison de l'absence de traitement efficace.

Comme le Dr. Böl l'a affirmé [16], le taux de mortalité élevé du virus Ebola et “la couverture médiatique parfois exagérée” de l'épidémie ont provoqué l'hystérie dans le monde entier.

Cette opinion a été également corroborée par une étude de 2017 dans laquelle Hal Roberts, Brittany Seymour, Sands Alden Fish II, Emily Robinson et Ethan Zuckerman ont analysé [17] plus de 109 000 articles publiés dans les principaux médias nationaux et régionaux et les blogs américains entre juillet et novembre 2014, mettant l'accent sur la couverture Ebola.

Ils ont découvert que la couverture du virus dans les médias et les blogs aux États-Unis avait atteint trois sommets distincts “aux alentours des 27 juillet, 28 septembre et 15 octobre 2014″ :

On July 27, reports broke of the first infections of American doctors in Liberia. On September 30, media widely reported the infection of Thomas Duncan in Texas as the first infection on US soil. On October 12, Ebola coverage intensified with the first infection of a health care worker in the United States. After October 12, a series of other US infection-related events led to continuous coverage that gradually lessened in intensity over time.

Le 27 juillet, les premières infections de médecins américains au Liberia ont été rapportées. Le 30 septembre, les médias ont largement rapporté l'infection de M. Thomas Duncan au Texas comme la première infection sur le sol américain. Le 12 octobre, la couverture du virus Ebola s’est intensifiée avec la première infection d’un travailleur de la santé aux États-Unis. Après le 12 octobre, une série d'autres événements liés à l'infection aux États-Unis ont abouti à une couverture continue dont l'intensité a progressivement diminué au fil du temps.

Les médias américains ont peut-être couvert le virus Ebola de manière si intensive en raison de la présence de la maladie aux États-Unis. De plus, avec une armée de réseaux numériques plus interconnectés, l'épidémie d'Ebola s'est amplifiée davantage en Europe et aux États-Unis.

Cependant, il reste à voir si la découverte par un Africain de la République démocratique du Congo d'un remède contre cette épidémie “africaine” bénéficiera de la même couverture qu'en 2017.