À Hong Kong, des arrestations sans précédent de figures de proue du mouvement anti-extradition

Joshua Wong et Agnes Chow de Demosisto ont été arrêtés le 30 août. Image de The Stand News. Utilisée avec autorisation.

Alors que la République populaire de Chine s'apprête à célébrer un évènement majeur le 1er octobre pour le 70ème anniversaire de sa fondation [en], les pressions politiques en vue du rétablissement de l'ordre à Hong Kong se font plus fortes. Dans ce contexte, le gouvernement de la ville fait évoluer ses mesures de répression : il ne se contente plus d'arrêter des manifestants directement sur les lieux de mobilisation et s'en prend désormais plus largement aux militants et aux leaders du mouvement pro-démocratie.

Le 29 août, Andy Chan, le président du parti pro-démocratie interdit Hong Kong National Party [en], est placé en détention en pleine nuit alors qu'il s'apprête à prendre l'avion vers le Japon. D'après la police, M. Chan aurait été arrêté pour avoir participé à des émeutes et agressé un officier de police.

Le 30 août, Joshua Wong et Agnes Chow, deux étudiants et militants pro-démocratie membres de Demosisto, sont arrêtés et détenus pour avoir soutenu, organisé et participé à un rassemblement non autorisé devant le siège de la police de Wan Chai le 21 juin.

M. Wong est poussé dans un véhicule privé alors qu'il se dirige vers une station de métro à 7h30 puis escorté jusqu'au siège de la police de Wan Chai dans le centre de Hong Kong. Mme Chow quant à elle est arrêtée à son domicile, à Tai Po. Tous deux ont été libérés sous caution mais devront respecter un couvre-feu entre 23h et 7h, ainsi que se présenter à la police deux fois par semaine.

Le président de Demosisto, Ivan Lam, a aussi été accusé d'avoir incité à un rassemblement illégal. M. Lam est pourtant à l'étranger depuis le 28 août.

Althea Suen, l'ancienne présidente de l'association étudiante de l'université de Hong Kong, a également été arrêtée [en] le 30 août. Elle est soupçonnée d'avoir conspiré à provoquer des dégâts matériels en violation de l'Ordonnance sur les infractions pénales, ainsi que « d'être entrée ou restée dans les locaux de la Chambre » du conseil législatif le 1er juillet, une infraction à l’Ordonnance sur le Conseil législatif (Pouvoirs et privilèges).

La liste des détenus au 30 août comptait également un membre du conseil du district de Sha Tin, Rick Hui Yi-yu, et le député Cheng Chung-tai.

Toujours le 29 août, deux organisateurs des manifestations ont été attaqués par des individus appartenant probablement à la mafia hongkongaise. Jimmy Sham, le responsable du Front civique des droits humains (CHRF), une organisation au rôle central dans la campagne contre la loi d'extradition, a été attaqué par deux hommes masqués [en] armés d'un couteau et d'une batte de baseball. Si M. Sham a échappé à la soudaine attaque, son compagnon a été frappé avec la batte à plusieurs reprises et hospitalisé.

Avant cette attaque, plusieurs dizaines de personnes avaient organisé une manifestation devant le bureau d'un affilié du CHRF afin de protester contre la participation de l'organisation au mouvement anti-extradition. M. Sham leur avait fait face directement.

Chung Kin Ping, l'organisateur de la marche de Yuen Long du 27 juillet, a également été agressé [zh] par quatre hommes munis de barres de métal et de parapluies aux alentours de 16h le 29 août. M. Chung a par la suite été hospitalisé.

Les mesures de répression policière et les arrestations n'ont jamais empêché les manifestants d'organiser des activités contestataires par le passé. Presque chaque jour, des manifestations et rassemblements à plus petite échelle se tiennent dans différents districts. Très souvent, ces rassemblements pacifiques se soldent par des affrontements avec la police. Depuis le 12 juin, l'usage de gaz lacrymogène, de balles en caoutchouc et de projectiles en sachet est devenu courant lors des marches du week-end.

Le CHRF a fait une demande de permis à la police afin d'organiser un rassemblement le 31 août visant à exiger le démantèlement du nouveau cadre électoral de l'Assemblée nationale du peuple (ANP), le retrait complet de la loi d'extradition et une enquête indépendante sur les événements de la campagne anti-extradition. La plupart des manifestants soutiennent ces demandes.

Malgré cela, la police a rejeté leur requête le 28 août. Le rassemblement sera donc illégal et aboutira vraisemblablement à des violences et des affrontements dans la ville entière, la police ayant le droit d'arrêter quiconque y participe.

Possible déclaration d'un état d'urgence

Bien que la majorité des manifestants arrêtés ne soient affiliés à aucun groupe politique, les gouvernements chinois et hongkongais soupçonnent des forces politiques locales et internationales d'avoir manipulé le mouvement anti-gouvernement. Ainsi, après la formation le 24 août dernier de la chaîne humaine « the Hong Kong Way », un porte-parole affilié à Pékin a dénoncé l'acte symbolique [zh], le décrivant comme un « chemin empoisonné vers l'indépendance de Hong Kong » et appelant à une répression générale des forces pro-indépendance.

Trois jours plus tard, le 27 août, la cheffe de l'exécutif Carrie Lam, qui avait auparavant affirmé vouloir résoudre la crise politique par le dialogue, déclarait qu'elle ne pourrait pas accepter les demandes des manifestants et n'écartait pas la possibilité de déclarer un état d'urgence [en]. L'application de cette loi pourrait donner au gouvernement et à la police l'autorité d'arrêter des suspects, de prolonger les gardes à vue, de contrôler les transports, de saisir et de fouiller des propriétés privées, d'imposer une censure et de perturber les communications en bloquant par exemple des sites internet, entre autres.

Les plus hauts responsables du gouvernement ont discuté cette proposition en amont de la manifestation massive prévue pour le 31 août, date du cinquième anniversaire de la décision du Comité permanent de l’Assemblée nationale du peuple, qui impose depuis 2014 le filtrage des candidats [en] [en] à l'élection au suffrage universel du chef de l'exécutif de Hong Kong.

Sur les réseaux sociaux, le public s'est offusqué des arrestations massives et des attaques. Beaucoup soulignent cependant l'inefficacité de telles techniques d'intimidation dans un contexte où les manifestations s'organisent de manière décentralisée et sans dirigeant. Le tweet de @Lam Ching illustre l'attitude des citoyens pro-démocratie :

Tout ce que je peux dire de ces arrestations, c'est « You can't kill us all » [Vous ne pouvez pas tous nous tuer]. Peu importe combien d'entre nous vous arrêtez, je continuerai à descendre dans la rue. On va voir si vous avez le courage d'arrêter 2 millions de personnes.

En réponse aux actions de la police, plusieurs députés pro-démocratiques ont qualifié les arrestations de campagne d'intimidation et ont promis de se tenir aux côtés du peuple lors du rassemblement du 31 août.

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