Fractures et hémorragies internes : les méthodes “irresponsables et aveugles” de la police hongkongaise dénoncées par Amnesty

Police anti-émeute de Hong Kong. Photo de May James/HKFP.

Cet article de Jennifer Creery a initialement été publié sur le site de Hong Kong Free Press (HKFP) le 20 septembre 2019. Il est reproduit sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenus.

Un nouveau rapport de l'organisation non-gouvernementale (ONG) Amnesty International [fr] révèle que la police hongkongaise aurait fait preuve de méthodes brutales et de représailles violentes [fr] lors de la répression des manifestations de cet été, à l'origine de blessures telles que des fractures et des saignements internes.

Le rapport, qui se base sur trente-huit entretiens avec des personnes arrêtées, des professionnels de la santé et des avocats, ainsi que sur des séquences vidéo, détaille une « tendance inquiétante » de pratiques illégales par la police durant les quinze semaines de manifestations, un comportement qui, selon Amnesty, relève selon certains cas de torture. Nicholas Bequelin, directeur pour l'Asie de l'Est à Amnesty International, a déclaré :

The Hong Kong police’s heavy-handed crowd-control response on the streets has been live-streamed for the world to see. Much less visible is the plethora of police abuses against protesters that take place out of sight. The evidence leaves little room for doubt — in an apparent thirst for retaliation, Hong Kong’s security forces have engaged in a disturbing pattern of reckless and unlawful tactics against people during the protests.

Le monde entier a pu voir la réaction brutale de la police de Hong Kong, filmée et diffusée en direct, pour contrôler la foule dans les rues. En revanche, bien moins visibles sont les très nombreuses violences policières touchant les manifestants qui se sont déroulées à l’abri des regards. Les preuves laissent peu de place au doute. Dans une soif évidente de représailles, les forces de sécurité de Hong Kong se sont livrées à une pratique inquiétante qui se traduit par des méthodes illégales et brutales contre les citoyens lors des manifestations.

Parmi ces méthodes illégales, l'ONG cite un usage excessif de la force, des passages à tabac, des arrestations arbitraires, des traitements dégradants et un accès retardé aux soins médicaux et à un avocat, et identifie les forces spéciales (surnommées les « rapaces ») comme les principales responsables de ces violations.

Plus de mille quatre cents personnes ont été arrêtées durant cet été riche en manifestations à Hong Kong, déclenchées par un projet de loi sur l'extradition (retiré depuis) qui aurait permis le transfert vers la Chine de personnes considérées comme fugitives. Face à l’ingérence de Pékin et aux allégations de violences policières, entre autres, les manifestations se sont peu à peu muées en troubles à l'expression parfois violente.

Carte des arrestations survenues dans le cadre des manifestations documentées par Amnesty International entre juillet et septembre 2019. Données issues de Open Street Map, HKGISK. Photo : Amnesty International.

Sur les vingt-et-une personnes arrêtées interviewées par Amnesty International, dix-huit ont déclaré avoir dû être hospitalisées à cause des mauvais traitements qu'elles ont subi, dont trois ont passé plus de cinq jours à l'hôpital.

« Je ne pouvais plus respirer »

Un homme a rapporté à Amnesty que, lorsqu'il a refusé de répondre à une question lors de son arrestation dans les Nouveaux Territoires au mois d'août, des officiers de police l’ont roué de coups et ont menacé de lui casser les mains s’il essayait de se protéger. Il est cité dans le rapport :

I felt my legs hit with something really hard. Then one [officer] flipped me over and put his knees on my chest. I felt the pain in my bones and couldn’t breathe. I tried to shout but I couldn’t breathe and couldn’t talk.

J’ai senti quelque chose de très dur me frapper aux jambes. Puis, un [policier] m’a retourné et a appuyé ses genoux sur ma poitrine. J’ai senti la douleur dans mes os et je ne pouvais plus respirer. J’ai essayé de crier, mais je ne pouvais ni respirer ni parler.

Cet homme a par la suite été hospitalisé pendant plusieurs jours pour une fracture et une hémorragie interne. Il raconte également qu'un policier lui a ouvert les yeux de force et a dirigé le faisceau d’un pointeur laser dedans, lui demandant : « Tu n’aimes pas pointer ça sur les gens ? »

Les pointeurs lasers ont beaucoup été utilisés lors des manifestations pour agacer les policiers, et en août 2019, ces derniers ont arrêté un leader estudiantin pour possession d'armes offensives après avoir trouvé dix pointeurs lasers dans son sac.

Un autre homme ayant subi plusieurs fractures au bras lors de son arrestation en août a immédiatement demandé à être emmené à l’hôpital, mais a dû patienter cinq heures en détention avant qu'on ne l'y conduise.

Deux autres personnes entendues par Amnesty décrivent avoir eu les poignets ligotés dans la rue et avoir dû inhaler des gaz lacrymogènes pendant un long moment.

Des porte-paroles de la police ont nié à plusieurs reprises ces allégations de mauvais traitements, arguant que les officiers avaient fait un usage minimal de la force et fait preuve d'une grande retenue lors des manifestations.

Lors d'une conférence de presse tenue récemment, le surintendant en chef des relations publiques de la police Tse Chun-chung a affirmé que le rapport d'Amnesty International n'était pas assez contextualisé :

Those missing links, they basically did not mention clearly about the social environment in Hong Kong in recent months. I must re-emphasise that we are facing an unprecedented challenge to the rule of law.

Police are duty-bound to enforce the law impartially in these situations. Given this social environment, where a large number of radical protesters break the law recklessly, it is increasingly difficult for Police to enforce the law.

Il manque des liens, en fait ils n'ont pas parlé clairement de l'environnement social à Hong Kong ces derniers mois. Je me dois de rappeler que nous faisons face à une remise en question sans précédent de l’État de droit.

Dans ces situations, la police a l'obligation de faire respecter la loi de manière impartiale. Étant donné le contexte social, où un grand nombre de manifestants radicaux enfreignent la loi de façon irresponsable, il est de plus en plus difficile pour la police de faire respecter la loi.

En amont de la sortie du rapport, Nicholas Bequelin déclarait néanmoins que les violences documentées par Amnesty étaient une violation claire des textes internationaux relatifs aux droits humains :

Time and again, police officers meted out violence prior to and during arrests, even when the individual had been restrained or detained. The use of force was therefore clearly excessive, violating international human rights law.

Given the pervasiveness of the abuses we found, it is clear that the Hong Kong Police Force is no longer in a position to investigate itself and remedy the widespread unlawful suppression of protesters. Amnesty International is urgently calling for an independent, impartial investigation aimed at delivering prosecutions, justice and reparation, as there is little trust in existing internal mechanisms such as the Independent Police Complaints Commission.

La plupart du temps, les policiers ont agi avec violence avant et pendant les arrestations, même lorsque la personne était contrainte ou détenue. L’usage de la force était donc clairement excessif et bafouait le droit international relatif aux droits humains.

Face à la récurrence des atteintes aux droits humains relevées, il est clair que les forces de police de Hong Kong ne sont plus en position d’enquêter elles-mêmes sur la répression illégale et généralisée exercée contre les manifestants ni d’y remédier. Amnesty International demande la tenue d’une enquête indépendante et impartiale visant à engager des poursuites, à rendre justice et à accorder des réparations, car la population ne fait guère confiance aux mécanismes internes existants tels que la Commission indépendante chargée des plaintes contre la police.

Les manifestations anti-extradition à Hong Kong se sont transformées depuis juin 2019 en un mouvement pro-démocratie appelant le gouvernement à assumer ses responsabilités face à l'ingérence croissante de Pékin. Pour plus d'information sur les manifestations, retrouvez le dossier spécial de Global Voices. [en]

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