Les deux seuls entraîneurs noirs de la première division brésilienne de football luttent contre le racisme

Roger Machado et Marcão, les seuls entraîneurs noirs de la première division brésilienne de football . Photo: l'Observatoire de la discrimination raciale dans le football /Utilisée avec permission

Lorsque le stade Maracanã a été construit pour la Coupe du Monde de football 1950 à Rio de Janeiro au Brésil, il aspirait à devenir un temple du football.Mais ces espoirs se sont écroulés quand le Brésil s’est incliné contre l’Uruguay en finale. Les Brésiliens furieux ont rapidement accusé le gardien Moacir Barbosa d’être le principal responsable de cette défaite. Un homme noir, transformé en bouc émissaire : les experts prétendaient que seuls les joueurs blancs étaient aptes à garder les buts.

Près de 60 ans après ce jour fatidique, le stade a été de nouveau le théâtre d’un moment mémorable pour le football brésilien. Le 12 octobre, avant le match opposant le FC Fluminense au EC Bahia, les entraîneurs des deux équipes, Marcão et Roger Machado, se sont serré la main et ont posé pour des photos tout en portant des t-shirts au logo de l'Observatoire de la discrimination raciale dans le football brésilien, une organisation qui surveille et combat la discrimination dans le sport. Les deux hommes sont les seuls entraîneurs noirs de la première division brésilienne de football, appelée “série A” et qui est composée de 20 clubs.

Le manque d'entraîneurs de football noirs est étonnant, compte tenu de la démographie du pays : plus de 55,8% de la population brésilienne est soit noire (9,3%) ou brune (46,5%).  Le Brésil était le plus grand importateur d'esclaves africains en occident entre les XVIe et XIXe siècles, ainsi que le dernier pays de la région à avoir aboli l'esclavage (en 1888).

Une fois de plus, nous portons le t-shirt de @ObRacialFutebol! Ça ne devrait pas être comme ça, mais le match marque la rencontre des deux seuls entraîneurs noirs de la série A

Lors d’une conférence de presse après le match, Roger Machado, qui avait déjà parlé de la discrimination dans le football, a expliqué comment le racisme structurel au Brésil est perpétué par ceux qui détiennent le pouvoir et les privilèges. Une vidéo de son discours est devenue virale sur les réseaux sociaux. Il a déclaré :

Para mim, essa é a prova que existe preconceito, porque é algo que chama a atenção. À medida que a gente tem mais de 50% da população negra e a proporcionalidade que se representa não é igual. Acho que a gente tem que refletir e se questionar. Se não há preconceito no Brasil, por que os negros têm um nível de escolaridade menor que os dos brancos? Por que a população carcerária, 70% dela é negra? Por que quem mais morre são os jovens negros no Brasil? Por que os menores salários são para os negros? E entre as mulheres brancas e negras, são para as negras? Por que entre as mulheres as que mais morrem são as mulheres negras? Há diversos tipos de preconceito. (…). Negar e silenciar é confirmar o racismo.

Pour moi, c'est la preuve qu'il existe des préjugés, car [cette rencontre] c’est quelque chose qui attire l'attention. Plus de 50% de notre population est noire, mais sa représentation est disproportionnée. Je pense que nous devrions y réfléchir et nous poser la question : s'il n'y a pas de préjugés au Brésil, pourquoi les Noirs ont-ils un niveau de scolarité inférieur à celui des Blancs ? Pourquoi 70% de notre population carcérale est-elle noire ? Pourquoi les jeunes noirs sont ceux qui meurent le plus au Brésil ? Pourquoi les Noirs ont-t’ils les salaires les plus bas ? Pourquoi les femmes noires sont-elles moins bien payées que les femmes blanches ? Pourquoi les femmes noires meurent plus souvent que les femmes blanches ? Il existe plusieurs types de préjugés. (…) Le nier et se taire, c'est confirmer le racisme.

Roger Machado, l'entraîneur de Bahia, a mis les choses au clair concernant le racisme au Brésil et il a déclaré soutenir les actions contre la discrimination raciale avant le match entre @ECBahia x @FluminenseFC

La séance photo a été suggérée par l'Observatoire de la discrimination raciale dans le football brésilien, une organisation créée par Marcelo Carvalho qui s'est entretenu avec Global Voices via WhatsApp :

Bonjour, @ECBahia et @FluminenseFC, nous avons un rêve ! Et si, lors du prochain match, les deux seuls entraîneurs noirs de la série A se rencontraient avec notre t-shirt? Les deux ont déjà abordé la question du racisme et ce sera une excellente occasion de faire avancer le débat. Qu’en pensez-vous ? #AssezDePréjugés

Carvalho a dit qu'il avait eu cette idée après que Fluminense a annoncé l’arrivée de son nouvel entraîneur Marcão le 4 octobre. Selon lui, plusieurs journalistes ont commencé à demander à l'Observatoire des informations sur les entraîneurs noirs des clubs de la première division au cours des cinq dernières années. Marcelo dit que la réponse est quatre, avec deux ou trois travaillant en même temps.

Lors de la Coupe du monde 2018 en Russie, il n'y avait qu'un seul entraîneur noir à la tête d'une équipe nationale: le Sénégalais Aliou Cissé, qui a également donné son avis sur le problème de la discrimination raciale.

Marcelo dit:

Como disse o Roger, chamou a atenção de todo mundo, da mídia esportiva principalmente, a presença dos dois treinadores negros. [Viram que] tem apenas dois e os dois iam se enfrentar. Isso não deveria ser um espanto, deveria ser normal.

Comme Roger l’a dit, le fait qu’il y avait deux entraîneurs noirs a attiré l’attention de tous, surtout des médias sportifs. [Ils ont réalisé] qu'ils n'étaient que deux et qu'ils vont s’affronter. Cela ne devrait pas être surprenant, ça devrait être quelque chose de normal.

L’année dernière, EC Bahia a accueilli le lancement du rapport 2017 de l’Observatoire, qui recensait 43 cas de discrimination cette année-là, soit une augmentation de 72% par rapport à 2016. C’était aussi la première année où Bahia, l’État brésilien qui abrite la plus grande population afro-brésilienne a enregistré un incident.

L'Observatoire a compté 39 cas de discrimination lors de championnats de football au Brésil de janvier à septembre 2019. Marcelo dit que ce qui explique cette augmentation est l'intolérance croissante de la société brésilienne face au racisme, ce qui pousse les clubs et les joueurs à s'exprimer. Il ajoute:

Acredito que o futebol brasileiro já vem prestando atenção na questão racial de uns dois anos para cá. Cada vez que a gente lança um relatório com o crescimento dos números de casos [de racismo], cada vez que a gente ganha mais visibilidade de mídia e consegue denunciar os casos, isso está gerando uma repercussão cada vez maior, entre jornalistas, torcedores e, talvez, jogadores também (estes a gente não tem certeza). Mas vem gerando uma conscientização no mundo do futebol.

Je pense qu'au cours des deux dernières années, le football brésilien a accordé plus d'attention aux problèmes raciaux. Chaque fois que nous publions un nouveau rapport qui montre une augmentation des cas de racisme, cela génère une couverture médiatique importante et sensibilise davantage les journalistes, les fans et peut-être les joueurs (pour les gens nous ne sommes pas si sûrs). Mais cela est en train de sensibiliser le monde du football.

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