Les manifestations de Beyrouth à l'honneur sur une carte montrant la contestation en processus vivant de ‘fabrique de la ville’

La carte dessinée par Antoine Atallah montre comment différents groupes de manifestants ont occupé l'espace pour mener différentes sortes d'activités. Reproduite avec autorisation.

Les manifestations qui balaient le Liban depuis le 17 octobre 2019 ont débuté en réaction à l'annonce de nouvelles taxes par le gouvernement. Elles ont évolué depuis en un rejet du modèle économique et politique qui a permis aux élites locales de conserver leur mainmise sur le pays depuis la fin de la guerre civile en 1990. Unis par-dessus les communautés religieuses, les classes sociales et les sexes, les protestataires ont marqué une importante victoire le 29 octobre avec la démission du Premier ministre Saad Hariri.

Depuis, les manifestations sont amplement médiatisées au Moyen-Orient et au-delà dans la presse, en photos et en vidéo. Et maintenant, sur une carte qui sort de l'ordinaire. Tout récent ajout au narratif du mouvement, c'est une représentation cartographique des manifestants par Antoine Atallah, un architecte, urbaniste et militant environnement libanais.

Manifestation à Beyrouth le 19 octobre 2019. Photo de Shahen Araboghlian via Wikipedia, CC BY-SA 4.0

Pourquoi a-t-il choisi cette forme particulière ? Atallah explique :

Maps are important additions to the visual “magma” we're being exposed to because they allow us to summarize, reflect and put things in perspective. An outer, zoomed out, snapshot makes them more obvious”.

“Les cartes sont des ajouts importants au “magma” visuel auquel nous sommes exposés, parce qu'elles nous permettent de synthétiser, réfléchir et mettre les choses en perspective. Un arrêt sur image extérieur, en zoom arrière, les rend plus évidentes.”

Et qu'est-ce qui l'a motivé à faire un tel travail ? Sa réponse :

“It’s the fact that for the first time since the beginning of the civil war and the subsequent Solidere takeover, people were given a chance to claim their right to the city in an area that was taken away from them. It's an extremely inspiring moment, where “city-making” can be observed live. I felt that mapping this process is extremely important since the current occupation is fleeting and precarious, can shift and change or disappear suddenly”.

C'est le fait que pour la première fois depuis le début de la guerre civile et la prise de contrôle subséquente de Solidere, les gens ont reçu une chance de revendiquer leur droit à la ville dans une zone qui leur a été enlevée. C'est un moment extrêmement inspirant, où le “faire-ville” peut être observé en direct. J'ai senti que cartographier ce processus est d'une extrême importance car l'occupation actuelle est fugace et précaire, elle peut changer ou soudain disparaître.”

Atallah fait référence à la société par actions Solidere, étroitement liée au Président de l'époque Rafiq Hariri et qui a commencé en 1994 à reconstruire et embourgeoiser cette partie de la ville à coup de restaurants et boutiques chics à l'intention des riches Libanais et touristes du Golfe.

Après 24 heures à peine de circulation sur les médias sociaux, la carte prend de l'ampleur parce qu'elle illustre les besoins essentiels de nombreux habitants. Atallah commente :

Lebanese people have appropriated the voids of the city center to create the function they need: to discuss, to rest, to eat and have fun for free or for cheap, to dance. This is a lesson to everyone who underestimated people's awareness, maturity and capacity to be space builders, to be creators of function and meaning, to be actors of a collective project” . 

“Les Libanais se sont approprié les vides du centre-ville pour créer les fonctions dont ils ont besoin : discuter, se reposer, manger et s'amuser gratuitement ou à bon marché, danser. Ceci est une leçon pour tous ceux qui ont sous-estimé la conscience, la maturité et la capacité à être des constructeurs d'espace, des créateurs de fonction et de sens, des acteurs d'un projet collectif”.

A propos de ses espoirs pour l'avenir, Atallah conclut :

“The challenge comes from the political system which has imposed itself for 30 years and maintains wide leverage and huge power. In fact, the main challenge comes from asking a parliament which is against us, to compose a government that will be against them. The equation is complex and challenging. But I also trust the collective intelligence that's been displayed in all those weeks of revolution. It will surely prevail and nothing will ever be the same again”.

Le défi provient du système politique qui s'est imposé depuis 30 ans et maintient une large capacité d'influence et une énorme puissance. En fait, le principal défi est celui de demander à un parlement qui est contre nous, de composer un gouvernement qui sera contre eux. L'équation est complexe et provocatrice. Mais je fais aussi confiance à l'intelligence collective déployée dans toutes ces semaines de révolution. Elle l'emportera sûrement et rien ne sera plus jamais pareil.”

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