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Au Mozambique, la victoire électorale du Frelimo rejetée par l'opposition

Catégories: Mozambique, Élections, Médias citoyens, Politique

Filipe Nyusi lors de la campagne électorale de 2014. Photo: Wikimedia Commons CC BY-SA 2.0 [1]

Le 15 octobre, les Mozambicains ont élu un nouveau président, les députés de l'Assemblée nationale, les gouverneurs de province et les députés des assemblées provinciales.

Le président sortant Filipe Nyusi du parti Frelimo [Front de libération du Mozambique] a été réélu [2] [pt] avec 73% des voix, contre 21,88% pour Ossufo Momade du principal parti d'opposition, la Renamo [Résistance nationale mozambicaine]. Le Frelimo a également obtenu 184 des 250 sièges du législatif monocaméral et tous les 10 gouverneurs de province.

Toutes les provinces ont donné une victoire globale au Frelimo, y compris la Zambézie et la Nampula où il avait perdu lors d’autres élections.

Le Conseil constitutionnel du Mozambique n'a pas encore officialisé les résultats.

Le 21 octobre, la Renamo a déclaré qu’elle” n’acceptait ni ne reconnaissait” les résultats des élections, selon la radio Deutsche Welle. Dans un communiqué, son comité politique a déclaré:

Considerando que alguns eleitores traziam consigo boletins de voto já assinalados a favor do partido Frelimo e do seu candidato antes de entrar na sala de votação, o partido Renamo considera que houve fraude semelhante àquela em que estudantes se apresentam na sala de exame com cópias de guias de correcção.

Face a isto, a Renamo distancia-se dos resultados que estão sendo anunciados pelos órgãos de comunicação social, por não corresponderem à vontade do eleitorado

Considérant que certains électeurs ont apporté avec eux des bulletins déjà marqués pour le Frelimo et son candidat avant d'entrer dans la salle de vote, la Renamo juge qu'il y a eu fraude de la même manière que si des étudiants venaient dans la salle d'examen munis de copies des cahiers de corrections.

Dans ces conditions, la Renamo prend ses distances par rapport aux résultats annoncés par les médias, car ils ne reflètent pas la volonté de l'électorat.

Selon un article [3] [pt] de la radio Deutsche Welle, le président de la Renamo a également appelé “tous les Mozambicains à ne pas accepter la grande fraude électorale [et] à exiger la libération immédiate et sans condition de tous les membres de la Renamo arbitrairement détenus au cours du processus électoral”.

Le MDM, un autre parti d'opposition, a également publié une déclaration rejetant les résultats :

O MDM não aceita os resultados que estão sendo publicados, por estes não reflectirem a vontade dos moçambicanos. Nem em sociedades civilizadas se admite este tipo de eleição.

Le MDM n'accepte pas les résultats publiés car ils ne reflètent pas la volonté des Mozambicains. Dans les sociétés civilisées, ce type d'élections n'est pas admis.

Le Président réélu et le Frelimo ont publiquement remercié [4] [pt] les électeurs pour leur participation:

Obrigado a todos pelo apoio!

Este domingo, acompanhamos a divulgação dos resultados das eleições gerais e das Assembleias Provinciais pela Comissão Nacional de Eleições (CNE).

Estivemos atentos em todo o País em escutas colectivas. Eu e milhares de camaradas juntamos-nos na Escola Central do Partido, na cidade de Matola, Província de Maputo.

Vamos continuar a aguardar pela homologação dos resultados pelo Conselho Constitucional para no próximo ciclo continuarmos, com a nossa visão de trabalhar para um Moçambique próspero, equitativo e justo.

Merci à tous pour le soutien !

Ce dimanche, nous avons suivi la publication des résultats des élections générales et des assemblées provinciales par la Commission électorale nationale.

Des milliers de camarades et moi étions ensemble à l'école centrale du parti à Matola, dans la province de Maputo.

Nous continuerons d'attendre que le Conseil constitutionnel ratifie les résultats pour le prochain mandat et poursuivons dans notre vision d'œuvrer pour un Mozambique prospère, équitable et juste.

Le Frelimo dirige le Mozambique depuis la fin de la guerre civile et la mise en place d'une démocratie multipartite en 1992. Depuis lors, la Renamo n'a jamais accepté les résultats des élections. En 2014 et 2015, les tensions ont conduit à un nouveau conflit armé. Trois nouveaux accords [5] [pt] de paix ou de cessez-le-feu ont été signés depuis 1992.

En 2018, Afonso Dhlakama [6] [fr], le chef historique de la Renamo est décédé et le leadership actuel d'Ossufo Momade n'est pas accepté par une faction du parti.

Lire aussi: Afonso Dhlakama, le légendaire politicien et ex-guérillero du Mozambique est mort [6]

Les élections de 2019 se sont déroulées au milieu d'un conflit armé opposant des insurgés islamiques et des militaires dans la province de Cabo Delgado (nord du pays), qui a fait 200 morts [7] depuis 2017. Le climat d'insécurité a empêché environ 5 000 personnes de voter.

La plate-forme pour la transparence électorale, une initiative de suivi des élections menée par cinq organisations de la société civile, a signalé des irrégularités dans certaines procédures. Selon le journal O País :

O grupo de organizações da sociedade civil diz ainda ter detectado situações de enchimento de urnas nalguns pontos, detenções dos delegados de candidatura, mesmo quando estes gozam de imunidade.

A Plataforma de Transparência Eleitoral diz ainda ter encontrado dificuldades na credenciação dos seus observadores, tendo conseguido credenciar apenas 3,200 observadores, dos cerca de 7,000 pedidos para o efeito.

Le groupe d'organisations de la société civile a déclaré avoir détecté des cas de bourrage d'urnes dans certains endroits, des arrestations de surveillants des bureaux de vote, malgré que ceux-ci jouissaient d'immunité.

La plate-forme pour la transparence électorale a également déclaré avoir rencontré des difficultés pour accréditer ses observateurs, n'ayant réussi à en affecter que 3 200 sur les quelque 7 000 demandes d'accréditation.

[8]

La Plateforme de transparence électorale, à l'Université Eduardo Mondlane de Maputo. Photo de Dércio Tsandzana, 15 octobre 2019

L'Union africaine (UA), la Communauté des pays de l'Afrique australe (SADC), la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) et l'Institut pour une démocratie durable en Afrique (EISA) ont également envoyé des observateurs.

Les missions d'observation ont toutes indiqué [9] [pt] que les élections s'étaient déroulées dans le calme, à l'exception d'incidents violents survenus à Cabo Delgado qui ont empêché les gens de voter.

Les incidents survenus pendant la campagne électorale, notamment l'assassinat de militants et d'observateurs électoraux, ont été considérés comme isolés et n'ont pas porté atteinte à l'intégrité du processus. Selon l'agence de presse Lusa :

A missão da CPLP [Comunidade dos Países de Língua Portuguesa] considera que o ato de votação do passado dia 15 decorreu, na generalidade, em consonância com as práticas internacionais de referência.

A missão [da União Africana] observa que a transparência do processo foi assegurada, os partidos e observadores estavam presentes na votação.

Para a SADC as fases de pré-eleição e de votação foram conduzidas, no geral, de forma pacífica e ordeira.

La mission de la CPLP [Communauté des pays de langue portugaise] a estimé que le processus de vote du 15 avait eu lieu, d'une manière générale, conformément aux pratiques recommandées au niveau international.

La mission [de l'Union africaine] note que la transparence du processus a été assurée, les partis et les observateurs étant présents lors du vote.

Pour la SADC, les phases de pré-élection et de vote se sont généralement déroulées de manière pacifique et ordonnée

[10]

Les missions internationales d'observation se préparent avant une conférence de presse. Photo de Dércio Tsandzana, 17 octobre 2019

L'Union européenne (UE) a souligné [11] [pt] que le processus était gravement compromis par la méfiance entre les principaux acteurs, ainsi que par les inégalités des chances dans la compétition électorale ainsi qu'un douteux enregistrement des électeurs :

O processo eleitoral decorreu num ambiente polarizado e complexo, no qual a violência interpartidária foi prevalente, assim como desconfiança entre os principais partidos políticos e falta de confiança de que a administração eleitoral e os órgãos judiciais fossem independentes e livres de influência política.

Le processus électoral s’est déroulé dans un environnement complexe et polarisé, caractérisé par la violence entre militants, la méfiance entre les principaux partis politiques et le manque de confiance dans le fait que l’administration électorale et les organes judiciaires étaient indépendants et libres de toute ingérence politique.

[12]

La mission d'observation de l'Union européenne donne une conférence de presse. Photo de Dércio Tsandzana, 17 octobre 2019

Dans une déclaration [13][pt] du 8 novembre, la mission d'observation de l'UE (MOE UE) a de nouveau cité des irrégularités et a invité cette fois le Conseil constitutionnel à réagir :

A MOE UE recebeu informação credível e observou casos de intimidação de delegados dos partidos políticos. Os observadores da UE tomaram conhecimento de centenas de casos em que presidentes de mesas de votação expulsaram delegados e membros de mesa nomeados pelos partidos da oposição, muitas vezes com a assistência da policia. Muitos membros da oposição, quer delegados dos partidos, quer membros de mesa nomeados pelos partidos da oposição, que reclamavam durante o processo foram considerados pelas autoridades como estando a perturbar o processo eleitoral e foram retirados do local ou expulsos com a assistência da policia. Quando a policia esteve envolvida na expulsão de delegados dos partidos, a situação tornou-se por vezes violenta.

A MOE UE considera que a administração eleitoral deverá assumir a responsabilidade em esclarecer as irregularidades constatadas. A MOE UE está consciente de que os factos constatados constituem um esforço acrescido para o Conselho Constitucional que tem a oportunidade de dar resposta a algumas destas irregularidades durante a validação de resultados.

La MOE UE a reçu des informations crédibles et a observé des cas d'intimidation de délégués de partis. Les observateurs de l'UE ont été informés de centaines de cas où des présidents de bureaux de vote dans tout le pays ont expulsé des agents des partis de l'opposition et des agents électoraux désignés par les partis, souvent avec l'aide de la police.
De nombreux membres de l’opposition, qu’ils soient des agents du scrutin, des agents électoraux nommés par un parti ou des fonctionnaires électoraux nommés par le parti, qui ont soulevé des réclamations ont été considérés par les autorités comme perturbant le processus électoral et la police a été appelée pour les faire expulser ou arrêter. Lorsque la police était impliquée dans l'expulsion d'agents de partis, c'était parfois avec violence.

La MOE UE estime que l'administration électorale devrait se charger de clarifier les irrégularités constatées. La ME UE est consciente que les faits observés requièrent un effort supplémentaire pour le Conseil constitutionnel, qui aura la possibilité de réagir à ces irrégularités lors de la ratification des résultats.

Au cours de la campagne électorale, il y a eu des cas [14] [pt] où des journalistes ont été empêchés d'assister à des réunions.

En ce qui concerne la couverture journalistique, un journaliste qui a diffusé une émission de radio le 15 octobre a été menacé. Zito Ossemane a souligné sur Twitter :

Mon collègue, Tome Balança, a été agressé hier soir par des inconnus jusqu'à présent non identifiés pour son honnêteté et son professionnalisme le soir des élections. La résidence de Balança a été encerclée par ces individus qui l'ont torturé et proféré de nombreuses menaces.

Image: L'information d'un autre journaliste torturé et menacé arrive de Quelimane. Zito Ossumane, directeur de Radio Chuaba FM, une chaîne privée opérant dans cette ville de la province du Zambèzie, vient d’annoncer au correspondant de DW Africa, Sitoi Lutxeque, que des inconnus ont envahi la résidence du journaliste Tome Balança…