Record de participation civique battu à Hong Kong avec 3 millions de votants aux élections locales

File d'attente devant un bureau de vote. Photo via the Stand News, utilisée avec autorisation.

[Article d'origine publié le 24 novembre] Trois millions d'électeurs de Hong Kong sont allés voter aux élections 2019 des conseils de district dimanche 24 novembre. La participation à 21h30 heure locale dépassait 69 % avec 2.853.608 votes. Selon les estimations à 22h30 quand tous les bureaux de vote avaient fermé leurs portes, le taux de participation allait encore monter de 2 à 3 % [il a atteint 71 %]. Un record absolu de participation dans toutes les élections de Hong Kong. En comparaison, le taux de participation aux mêmes élections de district de 2015 était de 47 %.

Le camp pro-démocratie est convaincu que plus haut monte le taux de participation, meilleure sera leur chance de remporter la majorité des 452 sièges aux conseils locaux. Un analyste des élections utilisant le big data a calculé un niveau participation à 70 % pour que le camp pro-démocratie gagne une majorité de sièges [NdT: Selon le journal South China Morning Post, cité par LeMonde.fr, les candidats pro-démocratie ont remporté 17 des 18 conseils de district, soit plus de 278 sièges].

Les chiffres de participation sont considérés comme un important indicateur d'opinion des citoyens dans la crise politique en cours déclenchée par les manifestations anti-extradition qui ont pris une forme massive en juillet 2019. Les Hongkongais déterminent [dans ce scrutin] leur choix entre les camps pro-ordre établi et pro-Pékin d'un côté et les candidats pro-démocratie de l'autre.

Si le camp pro-démocratie parvient à gagner la majorité du nombre total de 452 sièges de l'ensemble des conseils locaux, cela pourrait valoir aux démocrates 117 sièges supplémentaires au comité électoral désignant les candidat.e.s au poste de chef de l'exécutif et ainsi gagner un pouvoir de négociation de futures réformes politiques. Pour la première fois dans l'histoire, le camp pro-démocratie a mobilisé plus de 480 candidats se présentant à la totalité des 452 sièges.

Élections ‘les plus imprévisibles’ de Hong Kong

Le résultat de l'élection est le plus “imprévisible” des dernières années. Premièrement, l'establishment est accusé d'avoir soutenu aveuglément le projet de loi d'extradition. Deuxièmement, une large majorité de Hongkongais supportent de moins en moins le vandalisme et les perturbations associées aux manifestations anti-gouvernementales. Enfin, à l'intérieur du clan pro-démocratie, la division entre manifestants pacifiques et radicaux s'est creusée, ces derniers ne croyant pas ou plus à la démocratie représentative.

Avant le jour du vote, les internautes pro-démocratie avaient appelé à une trêve des manifestations sur les médias sociaux, y compris LIGHK, l'équivalent local de Reddit, LIGHK. Résultat, les élections se sont déroulées dans le calme dimanche.

Alors que chacun attend avec anxiété le résultat des élections les plus imprévisibles, explications rapides sur le système des élections de district et la dynamique politique en jeu.

Système d'élection des conseils de districts à Hong Kong et manipulation électorale

Hong Kong a 18 conseils de districts qui conseillent le gouvernement sur le développement des équipements et services publics.

A ce jour, les conseils de districts sont constitués de 452 membres élus et de 27 membres de droit en qualité de présidents de collectivités rurales. L'élection se fait selon un système du vote majoritaire à un tour par siège, et la Commission des affaires électorales étatique (EAC) a la charge de délimiter géographiquement le secteur de chacun des 452 sièges.

Comme les districts peuvent être assez petits, avec une dizaine de milliers d'électeurs, une minime différence de dessin des frontières de district peut affecter le résultat de l'élection. De fait, les pro-démocratie ont accusé l'EAC d’avoir redécoupé les circonscriptions pour cette élection.

Le système électoral est aussi favorable aux puissants partis pro-establishment, capables de soutenir des centaines de candidats faisant campagne dans la totalité des petits districts. Ainsi, les pro-establishment ont réussi à engranger 68 districts sans la moindre concurrence en 2015, simplement parce que les démocrates manquaient de moyens pour se présenter dans tous les 431 districts.

Ce qui fait que les pro-establishment remportent toujours une majorité de sièges aux élections de district. En 2015, sur les 431 sièges d'alors de conseillers de district, les pro-establishment en ont obtenu 299, presque 70%, tandis que les pro-démocrates en ont eu seulement 125. Même en 2003, après les millions de manifestants contre les lois de sécurité nationale, les démocrates n'avaient pu remporter que 151 sièges sur 400, car ils n'avaient eu les capacités d'en briguer que 226.

En monopolisant les conseils de districts pendant deux décennies, le camp pro-establishment a développé de solides réseaux de terrain, notamment parmi la population de retraités au moyen de services à la collectivité et de cadeaux. En 2018, sur les 3,81 millions d'électeurs inscrits, près d'un tiers — 1,23 millions — avaient plus de 60 ans, alors que le nombre d'électeurs de la tranche 18-30 n'atteignait pas 630.000.

Project Storm : la recherche d'une issue pacifique à la crise politique

Dans ce contexte, le camp pro-démocratie a imaginé des actions pour changer le scénario des élections locales. Benny Tai, le cofondateur du mouvement Occupy Central [en 2014], a proposé en 2017 une nouvelle initiative appelée Project Storm. L'idée de cette campagne politique : gagner une majorité de sièges aux élections de conseils de district de sorte que les démocrates puissent acquérir 117 sièges additionnels parmi les 1.200 composant le Comité électoral. Il pense qu'un tel résultat pourra générer une pression politique et obliger Pékin à réintroduire des réformes politiques moins restrictives.

A l'élection 2017 du chef de l'exécutif, les pro-démocratie contrôlaient environ 300 des 1.200 voix au comité électoral. Le comité pour l'élection du chef de l'exécutif est composé de représentants de divers secteurs : commerce et économie, catégories professionnelles, groupes religieux, politiciens du corps législatif et des conseils de districts.

Si certains groupes pro-démocratie ne croient pas à la politique représentative, ils sont avides d'expériences de démocratie participative à travers les conseils de district. D'où, première historique pour ce scrutin, la présence de candidats pro-démocratie dans chacune des 452 circonscriptions de district.

Malgré le système électoral défavorable au camp pro-démocratie, il reste un espoir de changement.

En effet, alors que le camp pro-establishment est dépendant du “vote de fer” de ses inconditionnels, les électeurs indécis sont plus enclins à voter pour les candidats pro-démocratie. Sans compter que les votants aux idées libérales sont impatients de voir des hommes et femmes politiques assumer un rôle prééminent afin de canaliser l'énergie des manifestants en unvmouvement politique plus pacifique et plus durable.

Et, enfin et non des moindres, les jeunes ont pris une place plus active dans la participation politique. Sur les 380.000 électeurs nouvellement inscrits en 2019, 48% ont entre 18 et 35 ans.

Les résultats seront annoncés le 24 novembre 2019. Le camp pro-démocratie espère obtenir une majorité de sièges et contribuer à trouver une issue pacifique à la crise politique actuelle. [Mise à jour au 27/11/2019 – NdT : les pro-démocratie ont remporté près de 90 % des 452 sièges].

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