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En Inde, les groupes marginalisés exclus de l'accès à l'information

Catégories: Inde, Droits humains, Gouvernance, Langues, Médias citoyens, Peuples indigènes, Technologie, Rising Voices
Field documentation in Goa, India (Veethika Mishra, CC-BY-SA 4.0) [1]

Collecte de données sur le terrain à Goa, en Inde. (Veethika Mishra, image sous licence CC-BY-SA 4.0)

Cet article a été initialement publié par Subhashish Panigrahi sur Yoti [2] [en] dans le cadre d'un programme de recherche sur l'identité numérique [3] [en]. Il a été modifié pour Global Voices.

Les programmes d'identité numérique [4] sont mis en avant pour leur capacité à rationaliser les démarches administratives et à améliorer l'efficacité des services publics. Cependant, en Inde et ailleurs dans le monde, ces programmes font émerger des questions sur les droits numériques et l'exclusion sociale, du fait des conséquences potentiellement énormes qu'ils peuvent générer dans la vie des personnes concernées.

L’Aadhaar [5] mis en place en Inde est un numéro d'identité unique à 12 chiffres pour l'obtention duquel les résidents doivent fournir leurs données biométriques et démographiques. Bien que la Cour suprême indienne n'ait pas encore approuvé une réforme de la Constitution qui rendrait l'Aadhar obligatoire pour tous les citoyens, divers services sociaux, de même que certaines institutions publiques et privées ont d'ores et déjà commencé à faire usage de l'Aadhar pour vérifier l'identité de leurs usagers. De potentielles atteintes aux droits humains ont été relevées, notamment vis-à-vis de la protection de la vie privée et de la sécurité des données [6] [en], et ce type d'identification a également été accusé d'être un instrument de surveillance massive [7] [en]. Les gens ordinaires sont confrontés à un grave déni de leurs droits : des enfants se sont par exemple vu refuser l'accès à un déjeuner gratuit [8] [en] à l'école s'ils n'étaient pas en mesure de présenter leur Aadhar.

Comment le citoyen lambda accède-t-il aux informations vitales fournies par le gouvernement indien? Que se passe-t-il si cette personne est soit locutrice monolingue d'une langue locale autre que la langue officielle de sa région, illettrée, déficiente visuelle, ou en position d'oppression systémique selon d'autres critères?

En vue de mener un travail de recherche sur l'accès à l'information publique en Inde à travers le prisme de l'exclusion sociale, des droits  des populations autochtones, des droits linguistiques, du handicap et des obstacles techniques, Subhashish Panigrahi a mené une série d'entretiens auprès de communautés marginalisées et d'autre parties prenantes (linguistes, activistes et experts techniques) fortement impliquées dans les discours sur l'identité numérique.

La diversité linguistique de l'Inde

Avec 705 groupes autochtones (environ 104 millions de personnes, soit 8,6% de la population selon le recensement de 2011) occupant 22% du territoire, l'Inde est le pays du monde qui compte le plus grand nombre [9] [en] de peuples autochtones. Ces communautés pratiquent plus de 419 langues différentes, dont la plupart existent seulement à l'oral. Par ailleurs, seules 22 des 780 langues parlées en Inde sont reconnues officiellement par la Constitution, ce qui leur permet d'être utilisées dans l'administration. Même si certains des locuteurs de ces 419 langues autochtones sont polyglottes, c'est loin d'être le cas de tous. Le site officiel de l'Aadhar (uidai.gov.in [10]) a été partiellement traduit dans 12 des 22 langues officielles, mais à ce jour il n'est accessible dans aucune langue autochtone.

L'article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme…reconnaît à toute personne le droit fondamental d'accéder à l'information dans sa langue.

L'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme [11], un document de 1948 rédigé par des représentants issus de cultures législatives diverses, reconnaît à toute personne le droit fondamental d'accéder à l'information dans sa langue.

Dans une interview récente, le Dr. Mandana Seyfeddinipur, une linguiste renommée qui dirige actuellement l’Endangered Languages Archive [12] [Archive des Langues en Danger] de la School of Oriental and African Studies (SOAS) à Londres, a déclaré que “on ne peut pas simplement envoyer une brochure dans une langue majoritaire pendant une urgence sanitaire.” Pour souligner ce point, elle a cité l'exemple des dix à douze mille personnes [13] [en] qui vivent dans une zone de 10 km2 dans la région du Fungom au nord-ouest du Cameroun et qui parlent environ neuf langues quotidiennement. Pour le Dr. Seyfeddinipur, la question de la création et de la mise à jour de contenus à l'attention du public doit se concentrer sur l'identification de la langue, autochtone ou majoritaire, qui sera comprise par chaque communauté d'une région administrative donnée.

Alors que l'Aadhar est en passe de devenir le document de référence pour la vérification de l'identité des personnes, à la fois pour le gouvernement et dans le secteur privé  [14][en], le site officiel ne contient actuellement aucun contenu audio destiné aux populations autochtones dont la langue n'est pas écrite et aux personnes illettrées. Cela ne représente pas seulement une barrière linguistique mais aussi un frein à l'accessibilité numérique. Il est important de noter que l'Inde est le pays au monde où réside le plus grand nombre de personnes déficientes visuelles [15] [en] (15 millions) alors que les lecteurs d'écran [16] qui permettent d'accéder en format audio à des informations textuelles n'existent pas dans la majorité des langues [17] [en].

Les recherches de terrain en Inde ont porté principalement sur ce fossé d'accessibilité linguistique et numérique.

Questions principales posées aux personnes concernées

Principales conclusions

Perspectives de recherche

De futurs projets de recherche pourraient porter sur les sujets suivants: