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Que se passe-t-il au Chili ? Les hashtags d'une mobilisation sociale inédite en Amérique latine

Catégories: Chili, Manifestations, Médias citoyens, Politique
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Illustration de Biker Blue utilisée avec son autorisation.

Le 18 octobre, le Chili a surpris le monde entier lorsqu'en moins de 48 heures un mouvement de protestation à Santiago a conduit au déploiement de l'armée dans les rues et à l'incendie de huit stations de métro dont on ne sait toujours pas à ce jour qui sont les auteurs. Nous rassemblons ici les hastags des discussions et des informations qui nous permettent de suivre ce qui se passe dans les rues des villes chiliennes. [2]

Explosion sociale au Chili : face aux protestations de la population dues à la hausse du prix du ticket de métro, le président Piñera décrète l'état d'urgence et envoie les chars de l'armée pour réprimer la population. C'est très sérieux ! Les Forces en lutte pour le peuple chilien ! Piñera, tu pues la dictature !

Dans le scénario latino-américain actuel, où le Chili faisait figure “d'oasis” [7], et dont il semblait exclu, les mesures controversées prises par le gouvernement ont provoqué une rapide escalade de la violence qui a attiré l'attention internationale. Des incendies, des barricades, des pillages ont eu lieu dans tout le pays et il y a eu aussi la déclaration de guerre du président le troisième jour des manifestations, contrée par le #YoNoEstoyEnGuerra (Je ne suis pas en guerre) [8] du général chargé de l'état d'urgence [9], une mesure qui n'avait pas été décrétée depuis la dictature et qui a ravivé le stress post-traumatique chez les personnes âgées.

Le président du Chili déclare “qu'il est en guerre” contre ses propres concitoyens et il se montre entouré par les forces armées. Cette phrase, ainsi que cette photo, réveillent l'écho funeste de la dictature et de la répression. Et il le sait pertinemment; ce n'est pas une gaffe.

Images inquiétantes depuis #Valparaíso [12], soumise au couvre-feu. C'est très douloureux de voir le #Chile [3] avec des militaires qui patrouillent dans les rues, alors que la population manifeste son ras-le-bol social. Chili résiste.

Les plaintes de l'Institut national des Droits de l'homme pour des cas de tortures ont dépassé dans les dix premiers jours de manifestations toutes celles de 2018. En neuf ans d'existence, cette organisation a intenté un total de 319 procédures contre les carabineros de Chile [fr] [16] (police chilienne) pour des cas de torture et à reçu 33 plaintes pour tortures sexuelles. En 2019, en seulement 19 jours, elle a lancé 145 poursuites et reçu 17 plaintes.

[Dernière mise-à-jour] Voici les chiffres recueillis directement par l'INDH à partir des observations des manifestations, des postes de police et des hôpitaux de jeudi 17 octobre à lundi 18 novembre 16h30.

#Le Chili viole les droits de l'homme #Piñera viole les droits de l'homme #Bachelet est une partie du problème

Le gouvernement de Piñera, disons-le haut et fort, a assassiné, fait disparaître, violé, réprimé et a commis des centaines de crimes. Pas la peine de déclassifier les archives pour le confirmer, il y a des preuves, comme la détention d'observateurs des droits de l'homme hier à Viña :

L’épidémie de lésions oculaires [25] dues à des décharges de chevrotines a fait en 20 jours autant de victimes qu'en 12 mois de manifestations des gilets jaunes en France. Au 15 novembre, ce chiffre était de 230 [26].

#Chili viole les droits de l'homme #Stop aux balles à air comprimé #Le Chili s'est réveillé #Le Chili ne se rend pas #Nous ne sommes pas en guerre #Le Chili proteste. Stop aux balles en caoutchouc !!!

Par ailleurs, des accusations constitutionnelles [35] de crimes contre l'humanité ont été lancées, ainsi que des appels d'alerte de l'UNICEF et d'institutions publiques pour agressions, menaces et mauvais traitements envers des mineurs.

Énergique intervention de Patricia Muñoz (défenseur des droits de l'enfant) face à la Commission interaméricaine des droits de l'homme à Quito. “Il ne me semble pas du tout raisonnable que le Chili ose parler de dommages matériels sans engager une réflexion au sujet des droits de l'homme.”

Malgré les tentatives du gouvernement pour atténuer la crise avec un nouveau programme social (#NuevaAgendaSocial [40]) et des remaniements ministériels, le thème récurrent #PiñeiraDictador [41] (Piñera dictateur) du début de la mobilisation est réapparu quatre semaines après sous la forme #UnMesDeDictadura [42] (Un mois de dictature). Parmi les causes de la colère de la population figurent l'espionnage gouvernemental, la participation de l'armée aux incendies et aux pillages [43], les éloges que leur a adressés le président et le peu d'intérêt porté aux victimes, mais aussi les mesures telles que #AcuerdoPorLaPaz [44] (Un accord pour la paix) qui n'ont pas entraîné le retrait de l'armée des rues ni la fin de la répression de manifestations pacifiques comme #DeLaQuintaALaMoneda [45] [marche pacifique de 98 kms jusqu'au palais présidentiel à Santiago].

Maintenant, il serait bon de savoir si les poursuites contre les activistes sociaux révélés par les #PacoLeaks [Fuites sur les flics chiliens par des hackers proches des Anonymous] ont été ordonnés par le ministère de l'Intérieur ou s'il s'agissait d'un “programme personnel” des carabiniers. Cette version de “l'ordre social” ne peut être considérée comme naturelle. Il n'est pas normal de poursuivre l'activisme social !

Les marcheurs de Limache à La Moneda étaient devant le palais depuis même pas cinq minutes, en n'ayant provoqué aucune perturbation ni provocation, que les carabiniers les ont reçus à coups de canons à eau et de gaz lacrymogènes (“guanacos” y “zorillos”) en formation serrée. Belle référence Monsieur le ministre Blumel et Monsieur le Président de région Felipe Guevara.

Le Président Piñera a déclaré qu'il comprenait le peuple et a demandé pardon pour ne pas l'avoir fait avant. Néanmoins, le Chili vient de commander pour des millions de pesos de munitions anti-émeutes.

Malgré le fait que le gouvernement tente ouvertement de criminaliser la révolte et malgré le blocus sur l'information, la persistance des manifestations a introduit des questions embarrassantes dans le débat public et a révélé le profond malaise qui afflige l'une des nations les plus riches d'Amérique latine mais également l'une des plus inégalitaires : Le Chili est le seul pays au monde où l'eau peut être complètement privatisée et où les citoyens peuvent s'endetter lourdement pour accéder à des droits comme la santé, l'éducation ou la sécurité sociale, malgré les traités internationaux [53] dont il est signataire.

Quel bel article d'opinion que celui qui raconte l'expérience de vie de Ernesto Garratt. Lisez-la s'il vous plaît et j'espère qu'elle ouvrira les yeux de ceux qui ne veulent ni voir ni comprendre l'origine de cette crise au Chili.

Les événements qui ont débuté en octobre ont engendrés à la fois l'expression d'une certaine unité mais aussi de discorde au sein de la population. Il semble y avoir un accord autour de #NoMásViolencia [57] (Stop à la violence) mais un désaccord sur la question de savoir s'il s'agit d'un retour à la “normalité” ou de changements structurels et de la démission du président. Avec #FueraPiñera [58] (Piñera dehors !) et #FuerzaPiñera [59] (Piñera courage !) on souligne la responsabilité du multimillionnaire dans la crise de ces dernières semaines mais aussi son élection par des moyens démocratiques, malgré l'effondrement de son acceptation sociale à 13%. La ténacité de la révolte et sa forte polarisation prennent leur ancrage dans l'histoire du pays qui a subi il y a 46 ans une des dictatures les plus cruelles du monde, dont on retrouve des séquelles dans des films comme Massacre au stade [60], No [fr] [61], et La stratégie du choc [fr] [62].

Les supporters des principaux clubs de football se joignent aux manifestations au Chili, et arborent leurs couleurs en signe de solidarité sur la Plaza Italia. Habitués à se battre entre eux, aujourd'hui ils disent surmonter leurs différends en faveur du peuple chilien.

Et tous ces communistes anarchistes enragés, qu'est-ce qu'ils ont gagné avec tout ce qu'ils ont fait ? Ils ont amélioré leur vie de merde ? Quoi qu'ils fassent, ils seront toujours des ratés et des perdants. Les travailleurs et les PME chiliens touchés se remettront. Ces demeurés jamais !

Deux jours avant l'explosion de violence, Clemente Pérez, l'ancien directeur du métro de Santiago, a déclaré aux lycéens [69] qui avaient lancé #Evasion massive toute la journée [70] : “Les enfants, ça n'a pas marché. Vous n'avez pas gagné l'opinion publique. Même sur Twitter, où ce genre de mouvement obtient le plus de soutien, il n'y a rien”. C'était compter sans le fait que l'oasis était plutôt un iceberg dont l'explosion allait trouver un écho dans les mobilisations mondiales du moment.

Les actions parlent plus fort que les mots. Mon Laferte [fr] [75] n'a pas hésité pour les Latin Grammy Awards [fr] [76] de 2019.

Après plus de 30 jours de grève, débrayages et défilés massifs quasi quotidiens et incroyablement créatifs, le gouvernement chilien a annoncé un référendum en vue de rédiger une nouvelle constitution. Dans une #NuevaConstituciónParaChile (Nouvelle constitution pour le Chili) [77], c'est le retour des privilèges des élites elles-mêmes ou l'opportunité d'une nouvelle configuration du pacte social qui sont en jeu.

Incroyable la force du citoyen chilien ! En 22 jours de révolte ininterrompue résistant au terrorisme d'état, il a réussi à passer de l'abandon d'augmentation du ticket à un ordre du jour constitutionnel, non sans affronter la brutale résistance du gouvernement à céder.

Le Chili s'est réveillé.                                                                                                                                                                                                                                                               – Plebiscite pour une Assemblée constituante ✅
– Des salaires justes❌
– Education et santé publique et de qualité ❌
– Annulation de la dette❌
– Stop aux AFP❌
– Vérité, justice pour les violations des droits de l'homme ❌                                                                                                                                                                                                     La rue n'abandonne pas, le combat continue. On ne quémande pas les droits, on les revendique ✊?

Outre le fait que seule une partie du conflit dépend de la Constitution, ce qui se passe avec #ChileDespertó (le Chili s'est réveillé) [87] illustre la possibilité d'un peuple à exprimer sa volonté en dehors des urnes, tandis que #ConMilicosNoEsDemocracia (Avec des militaires, ce n'est pas un démocratie) [88] définit le rôle des droits de l'homme comme la condition préalable à toute démocratie. La fondation citoyenne #PlazaDeLaDignidad (Place de la dignité) [89] est aussi un rappel du fait que sans justice, il n'y a pas de paix.

Chili aux yeux du monde : Piñera accusé, Sept mille pesos, ça ne suffit pas ! Il y aura des conséquences.

*Texte collaboratif élaboré dans le cadre du semestre des droits de l'homme de l'ITESM (Institut de technologie et d'études supérieures à Monterrey, Mexique.