- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

Inde : l'exécution extrajudiciaire de quatre violeurs présumés suscite un débat sur le fonctionnement du système judiciaire

Catégories: Asie du Sud, Inde, Dernière Heure, Développement, Droit, Droits humains, Femmes et genre, Gouvernance, Médias citoyens, Politique
[1]

Publicité célébrant les meurtres dans un journal. Traduction : Quatre d'entre eux ne sont plus. Combien en reste-t-il ? Le pays rendra justice. Image largement diffusée depuis la page Facebook “Indiens du capitalisme tardif”.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais.]

L'exécution extrajudiciaire de quatre violeurs présumés en Inde a suscité un vif débat entre ceux qui applaudissent le contournement de la lenteur du système judiciaire et ceux qui estiment que cela crée un précédent regrettable.

Le 27 novembre 2019, le Dr Priyanka Reddy [2] a été victime d'un viol collectif atroce et tuée [3] à Hyderabad. À peu près au même moment, une autre victime de viol a été brûlée vivante alors qu'elle se rendait à une audience dans un tribunal. Elle a finalement succombé à un arrêt cardiaque.

Avec la hausse du nombre de cas de viols dans tout le pays [4], le déferlement de rage a été massif et beaucoup ont exigé une réponse rapide [5], notamment des lois plus strictes et des actions contre les violeurs. Dans un discours à la Chambre haute du Parlement indien, la députée Jaya Bachchan a même recommandé de “lyncher les violeurs” [6].

Quelques jours après la découverte [7] des restes du corps du Dr Priyanka Reddy, la police d'Hyderabad a conduit les quatre accusés sur les lieux du crime pour la reconstitution des faits. Selon la police, les quatre hommes ont tenté de fuir la scène du crime et ont alors été abattus. Suite à cette actualité, les internautes se sont exprimés [7] sur les réseaux sociaux, témoignant d'une grande dissonance dans l'opinion publique [8].

“Décédés au cours d'un engagement”

Encounter killing [9]” (décès au cours d'un engagement), telle est la formule utilisée en Asie du Sud (en particulier en Inde et au Pakistan) pour décrire les exécutions extrajudiciaires commises par la police ou les forces armées. On estime [10] qu'Hyderabad a une longue histoire de telles exactions et la police a été critiquée à maintes reprises pour avoir fait office à la fois de juge, de jury et de bourreau. La Constitution indienne prévoit la protection des citoyens contre les agissements hors la loi.

No person shall be deprived of his life or personal liberty except according to the procedure established by law – Article 21 [11] of Indian Constitution

Nul ne peut être privé de sa vie ou de sa liberté personnelle si ce n'est en vertu de la procédure établie par la loi – Article 21 [11] de la Constitution indienne.

Dans le cas des quatre violeurs accusés, T. K. Arun écrit dans le journal The Economic Times que les droits fondamentaux des suspects ont été transgressés de manière caractérisée [12] par l'État à Hyderabad.

D'autres internautes se sont tournés vers les réseaux sociaux pour réclamer des mesures judiciaires appropriées selon les cas.

C'est scandaleux. Que sommes-nous devenus ? Quelle était la preuve qu'il s'agissait des bons coupables ? Disposons-nous d'informations sur les enquêtes et les éléments de preuve qui confirment bien qu'un crime a été commis ? Ils n'avaient peut-être même pas d'avocat, ils n'ont pas eu de procès. “Décédés au cours d'un engagement” et nous nous réjouissons ?

Narendra Modi (Premier ministre indien) a brillamment réussi à présenter l'Inde comme une grande puissance où le recours à la violence est une preuve de sa force.

Mais rappelons-le : court-circuiter votre propre système judiciaire et recourir à la violence de l'État contre vos propres citoyens ne sont que des preuves de faiblesse. #hyderabadpolice [15]

Ceci dit, une écrasante vague de soutien [8] à la police a qualifié “l'assassinat extrajudiciaire” de ces quatre hommes d'acte de représailles “légitime”.

Enfin oui, que ce jour soit le début d'une nouvelle ère où les enfants et les femmes se sentent en sécurité en vivant en Inde.
Une justice rapide comme celle-ci inspirera la peur dans les esprits corrompus,
Nos prières sincères ont été exaucées #hyderabadpolice [15]
Chapeau bas !

Un message fort de la part de la famille des Konidela ! ??
Fière d'être une femme !

J'applaudis la police de Hyderabad qui, en un rien de temps, a pris des mesures musclées et a puni comme il se doit les auteurs de ce crime. On ne devrait pas décourager la police. Des cas de fausses exécutions extrajudiciaires ont fragilisé la police du Gujarat par le passé. Dr Priyanka Reddy.

#WATCH [31] Hyderabad : Réaction des étudiantes lorsque l'information sur “l'assassinat extrajudiciaire” des suspects dans le meurtre et le viol d'une vétérinaire a été révélée.

Je pense que tous les pères, tous les parents, tous les frères de ce pays aujourd'hui approuvent la police de Hyderabad. Je les salue.
– Ashish Khetan (@AashishishKhetan)

A father in Kerala had to kill the rapist and murderer of his 13 year old daughter, coz a Kerala court let the rapist out on bail. The ‘juvenile’ in the #Nirbhaya [35] case is a free man with a sewing machine. In such a situation, how can one NOT be happy with the #encounter [36]?

— Shefali Vaidya (@ShefVaidya) December 6, 2019 [37]

Un père dans l'état du Kerala a dû tuer le violeur et meurtrier de sa fille de 13 ans parce qu'un tribunal l'a libéré sous caution. Le “mineur” dans l'affaire #Nirbhaya [35] est un homme libre avec une machine à coudre [38]. Dans de telles circonstances, comment ne PAS être satisfait de ce “décès au cours d'un engagement” ?
– Shefali Vaidya (@ShefVaidya)

D'après Times Now News [39], le père de la victime s'est confié :

It has been 10 days to the day my daughter died. I express my gratitude towards the police and government for this. My daughter’s soul must be at peace now.

Cela fait tout juste 10 jours que ma fille est morte. J'exprime ma gratitude envers la police et le gouvernement pour leur action. L'âme de ma fille doit reposer en paix maintenant.

Pour l'instant, le débat [40] entre des ripostes immédiates et un système judiciaire léthargique en est au point mort.