Nigéria: un état en déliquescence – réalité ou perception?

Réfugiés nigérians dans le camp de Gagamari, région de Diffa, Niger. Ils ont franchi la frontière pour fuir les attaques de Boko Haram qui ont attaqué leur ville, Damassak, le 24 novembre 2014. Photo de l'utilisateur de Flickr Commission européenne DG ECHO. CC BY-ND 2.0

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais, ndlt]

L'indice des États en déliquescence 2019 classe le Nigéria au 14e rang des États les plus fragiles au monde et au 9e rang en Afrique.

Selon l'indice, le Yémen est l'état “le plus défaillant”, suivi de près par la Somalie, tandis que la Finlande a émergé comme l'État le plus stable.

L'indice des états fragiles, un rapport annuel du Fonds de réflexion pour la paix basé à Washington, DC, classe 178 pays “sur la base de 12 indicateurs mesurant les risques et vulnérabilités auxquels sont confrontés les pays”.

Sur les 15 pays les plus défaillants, 10 sont africains. Il s'agit notamment de la Somalie (deuxième), du Soudan du Sud (troisième), de la République démocratique du Congo (cinquième), de la République centrafricaine (sixième), du Tchad (septième), du Soudan (huitième), du Zimbabwe (dixième), de la Guinée (onzième ), du Nigéria (quatorzième) et du Burundi (quinzième).

Parmi les indicateurs de risque, on compte la sécurité, les griefs collectifs, le déclin économique et la fuite des cerveaux, la légitimité de l'État / les droits humains et l'état de droit, les pressions démographiques ainsi que le nombre de personnes déplacées ou réfugiées. Ces indicateurs évaluent “les risques d'effondrement des états” en mesurant “la vulnérabilité dans les situations de pré-conflit, de conflit actif et de post-conflit”.

En colère, les Nigérians se sont tournés vers Twitter pour exprimer leur point de vue sur le statut défaillant de leur nation :

Le Nigéria est un État en déliquescence wallahi avec une clique de personnes sans cœur comme dirigeants

Le Nigeria est un état défaillant!

Défaillant est même un euphémisme

# Nigérians, vous détestez voir ça, mais vous devez regarder ça!

L'insécurité au Nigéria

La Constitution nigériane de 1999 stipule que “la sécurité et le bien-être de la population doivent être l'objectif principal du gouvernement”. Cependant, la perte de vies humaines et de moyens de subsistance continue à exposer le Nigéria à un état d'insécurité.

Depuis 2011, les attaques de Boko Haram, le groupe djihadiste sévissant dans le nord-est du Nigéria, ont fait environ 37 500 morts, 2,5 millions de personnes déplacées et près de 244 000 réfugiés, selon le Bilan 2020 des conflits dans le monde, un rapport de veille du Council on Foreign Relations (CFR, Conseil sur les affaires étrangères).

Nombre total de morts dans les incidents impliquant Boko Haram. [Capture d'écran du CFR, 20 août 2018].

Les universitaires nigérians M. Edidiong Oko, M. Henry Ufomba et M. Washington Benjamin, de l'Université de Benue, dans le centre-nord du Nigéria, ont analysé la violence de Boko Haram dans le nord du Nigéria à partir de “l'angle d'analyse de l'échec de l'État”. Les universitaires ont déclaré que le succès opérationnel de Boko Haram reposait fermement sur “l'incapacité continue de l'État nigérian” d'assurer une sécurité adéquate qui garantisse la “prospérité nationale”.

En décembre 2015, le président Muhammadu Buhari avait déclaré que le Nigeria avait “techniquement gagné la guerre” contre les militants de Boko Haram, selon la BBC. Mais le 20 janvier des soldats nigérians ont été tués par les militants de Boko Haram à Monguno, dans l'état de Borno, au nord-est du Nigéria.

Outre les menaces provenant directement de Boko Haram, les abductions de la part des forces de sécurité et les enlèvements crapuleux sont également devenus la norme au Nigéria.

Kidnapping in Nigeria since 2015 (Screenshot from the BBC)

Enlèvements au Nigéria depuis 2015 (Capture d'écran de la BBC)

Dans une interview publiée dans le journal Vanguard le 18 janvier 2020, Chief Jide Awe, un politicien, jette une lumière cinglante sur la désignation du Nigéria comme un État en déliquescence. Chief Awe fait écho aux frustrations des habitants du sud-ouest du Nigéria face à la défaillance de l'infrastructure de sécurité :

I had been a victim of kidnapping because my brother was abducted by strange people here in Ekiti. We had to look for the money we didn’t have to pay ransom before he was released. Should we fold our arms and allow this to continue? They want to be kidnapping us so that we can be paying ransom to them, this will not happen.

J'ai subi les conséquences d'un enlèvement lorsque mon frère a été kidnappé par des inconnus ici à Ekiti. Nous avons dû chercher l'argent que nous n'avions pas pour payer la rançon afin qu'il soit libéré. Aurions-nous dû croiser les bras et laisser cela continuer ? Ils veulent nous kidnapper pour que nous leur payions une rançon, cela n'arrivera pas.

Droits humains et liberté d'expression

En 2019, l'incapacité du gouvernement nigérian à fournir des emplois et une sécurité adéquats aux citoyens a déclenché la condamnation de la part des internautes nigérians.

Comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement a déposé un projet de loi sur les médias sociaux à l'Assemblée nationale :

The proposed legislation — officially named the Protection from Internet Falsehood and Manipulation Bill 2019 — would allow Nigeria's government to cut off internet access or block specific social media platforms such as WhatsApp, Facebook and Twitter at its own discretion.

Le projet de loi - officiellement nommé le projet de loi 2019 sur la protection contre le mensonge et la manipulation sur Internet – permettrait au gouvernement nigérian de couper l'accès à Internet ou de bloquer des plateformes de médias sociaux spécifiques telles que WhatsApp, Facebook ou Twitter à sa seule discrétion.

Le projet de loi vise à bâillonner la liberté d'expression en ligne.

Comme prévu, les Nigérians ont été nombreux à protester :

“Je ne soutiendrai pas la suppression de l'outil le plus puissant pour la mobilisation des citoyens au 21e siècle par le biais d'un projet de loi malavisé sur les médias sociaux.”

Si le projet de loi sur les médias sociaux est adopté, il n'affectera pas seulement les journalistes. Le secteur des technologies en souffrira. Cette disposition spécifique ? signifie que les jeunes entrepreneurs qui s'identifient comme propriétaires ou hébergent des sites Web pour des plateformes d'information courent de grands risques.

Le Nigéria, avec une population estimée à 200 millions d'habitants et un produit intérieur brut de 376 284 milliards de dollars américains, est la plus grande économie d'Afrique. Cela signifie que ce pays d'Afrique de l'Ouest ne peut pas se permettre de succomber à l'insécurité car cela se répercuterait sur tout le continent.

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