Le Japon se rapproche dangereusement d'une épidémie de COVID-19

diamond princess infected

Le navire de croisière Diamond Princess est placé en quarantaine dans le port de Yokohama depuis le 4 février 2020. Texte en sous-titre : « Un passager d'une soixantaine d'années : “Chaque jour, de plus en plus de personnes sont déclarées positives. C'est risqué de sortir de notre chambre. » Capture d'écran de la chaîne YouTube Nippon TV.

 

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais, ndlt]

Le mois de février a vu le Japon se rapprocher dangereusement d'une épidémie de COVID-19 car le pays héberge désormais le deuxième plus grand nombre de cas confirmés dans le monde, après la République populaire de Chine.

En date du 17 février, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 59 cas confirmés et un décès [pdf] avaient été recensés au Japon pour l'épidémie du COVID-19, une maladie causée par la souche de coronavirus provenant de Wuhan, en Chine,  et identifiée en décembre 2019. Dans 33 des 59 cas, la contamination s'est faite en dehors de la Chine, ce qui signifie que la transmission interhumaine a déjà cours Japon.

Si Singapour affiche un nombre plus élevé de personnes contaminées que le Japon (75 au 17 février), les statistiques officielles de l'OMS pour le Japon ne prennent pas en compte les contaminations signalées sur le Diamond Princess, un bateau de croisière mis en quarantaine à quai dans le port de Yokohama depuis le 4 février.

Au 17 février, on dénombrait 454 cas confirmés de COVID-19 parmi les 3 700 passagers et membres de l'équipage du Diamond Princess. Alors qu'une quarantaine de 14 jours se poursuivait et qu'un nombre croissant de passagers se déclaraient malades bien qu'en isolement, des pressions ont été exercées sur le gouvernement japonais pour remédier à la situation.

Piège à touristes

Le 16 février, après l'évacuation des passagers les plus gravement malades, qui ont été pris en charge par les hôpitaux au Japon, certains ressortissants étrangers ont commencé à être rapatriés et transportés par avion vers leurs pays d'origine par leurs gouvernements respectifs.

Matthew Smith, un passager américain très suivi sur Twitter, a choisi de rester sur le bateau plutôt que de prendre le vol de rapatriement vers les États-Unis. Matthew Smith a expliqué qu'il avait choisi de rester en quarantaine à bord du Diamond Princess puisque les passagers américains du navire de croisière ayant testé positif pour le virus étaient “mélangés” avec des passagers en bonne santé sur le vol de rapatriement, augmentant ainsi le risque de contamination, ce qui serait contradictoire avec le principe de la quarantaine.

Matthew Smith a également souligné la détresse de l'équipage, exposé au virus pour répondre aux besoins des passagers depuis le 4 février, et qui sera probablement mis en quarantaine par la suite :

Je considère également que c'est la première étape du passage de la quarantaine des passagers restants, à celui de l'équipage lui-même.

Le 10 février, certains membres indiens de l'équipage ont publié une vidéo sur Facebook demandant la libération du navire, affirmant qu'il y avait peu ou pas d'informations sur le nombre de leurs collègues qui avaient été contaminés.

diamond princess indian crew

Le 10 février 2020, les membres de l'équipage du Diamond Princess réalisent une vidéo suppliant le gouvernement indien de leur venir en aide. Texte en sous-titre : « On ne nous a pas communiqué le nombre de passagers ou de membres de l'équipage contaminés. » Capture d'écran de YouTube. La vidéo originale publiée sur Facebook est disponible ici

Retour sur la terre ferme

Entre-temps, la menace d'une épidémie potentielle au Japon a lentement fait son chemin. Le 13 février, une femme de 80 ans est décédée, devenant ainsi la première victime du COVID-19 dans le pays.

On constate un désaccord sur l'estimation du degré d'importance à donner au premier décès dû au coronavirus au Japon, au vu de la une des journaux aujourd'hui.

Ce sont les journaux Asahi et Sankei qui ont fait le plus fort. Ils ont sorti le grand jeu, avec un encadré blanc sur noir et une taille de police assez visible.

Le lendemain, le gouvernement japonais a constitué un comité spécial composé d'experts en maladies infectieuses pour faire face à la propagation potentielle du coronavirus. Au même moment, le ministre de la Santé Kato Katsunobu a déclaré que le Japon était entré dans une “nouvelle phase” de l'épidémie.

Une photo des visages tristes du groupe de travail a été largement diffusée sur Twitter (l'auteur.e de ce cliché n'est pas indiqué.e) :

A look of despair on the faces of the coronavirus task force.

Le désespoir se lit sur les visages du groupe de travail sur le coronavirus.

Des événements importants au Japon sont annulés. Le 14 février, le plus grand salon de l'appareil photo du Japon a ainsi été suspendu en raison de l'épidémie. Le marathon de Tokyo a, quant à lui, fermé ses inscriptions, à l'exception des espoirs olympiques. Les frais d'inscription ne seront pas remboursés. D'autres événements, telles que les conférences du secteur des technologies, sont également ajournés.

Dans le même temps, l'industrie touristique japonaise, en plein boom, a été victime de l’interdiction de voyager imposée par le gouvernement chinois à ses citoyens.

Diverses informations nous parviennent concernant des annulations confirmées de réservations touristiques. Ce n'est probablement que la partie visible de l'iceberg.
Niigata – 3 000
Tochigi – 2 000
Kitakyushu – 2 200
Kurashiki – 1,200

Après que le ministre japonais de la Santé a conseillé aux gens “d'éviter les lieux publics“, les entreprises japonaises ont lutté contre l'épidémie à leur manière. Des employeurs tels que l'éditeur en ligne Cookpad et le fournisseur national de télécommunications NTT organisent le travail à domicile de leurs employés, une pratique quasi inédite au Japon.

Cependant, selon FNN News [ja], du fait de la relative rigueur des règles concernant les congés de maladie, certaines personnes touchées par le coronavirus peuvent être contraintes de prendre un congé sans solde, ou encore de se rendre au travail alors qu'elles sont malades.

Si un travailleur est victime d'une contamination par le coronavirus et doit s'absenter du travail, en vertu des restrictions préfectorales sur son lieu de travail (mises en place pour lutter contre le coronavirus), l'absence ne sera pas qualifiée “d'obligatoire selon les directives de l'employeur”. Ainsi, (dans ce contexte précis) les employeurs ne seraient pas tenus de verser aux travailleurs concernés leur salaire habituel. Cela signifie qu'une fois que votre congé payé est épuisé, vous serez contraint de reprendre le travail. C'est insensé !

Devant la menace d'une épidémie latente, la plus grande préoccupation du gouvernement japonais est de maintenir les Jeux olympiques d'été de 2020 à Tokyo, attendus pour le 24 juillet. Le Comité international d'organisation (CIO) et le gouvernement japonais affirment tous deux que les Jeux olympiques se dérouleront comme prévu, en dépit de la menace du coronavirus.

Par ailleurs, les pressions s'intensifient pour que le Japon ferme ses frontières aériennes et maritimes avec la Chine alors qu'il a jusqu'à présent été salué pour son soutien chaleureux à la Chine, contrairement aux États-Unis.

Après que les navires de la marine japonaise ont été refoulés de la Micronésie et des îles Marshall par peur de la contagion, Sato Masahisa, le ministre junior des Affaires étrangères du Japon, qui fait partie du groupe de travail COVID-19 au sein du gouvernement, et est connu pour être belliqueux et ultraconservateur, a suggéré qu'un débat d'urgence s'imposait sur une possible restriction des voyages vers le Japon en provenance de la Chine.

Le Japon est désormais perçu comme un “pays infectieux”. Beaucoup de gens penseront peut-être que cela relève de la foutaise, c'est désormais la réalité. Le Japon est traité comme ce bateau de croisière [refoulé à Hong Kong, en Thaïlande et au Cambodge]. Si nous ne réagissons pas devant cette situation, les Jeux olympiques de Tokyo en subiront certainement les répercussions. Il est peut-être un peu tardif de le souligner mais, en même temps que nous adoptons des mesures au niveau national, nous devons aussi envisager de toute urgence des restrictions sur les entrées de la Chine vers le Japon.

La plupart des Japonais, cependant, s'accommodent tant bien que mal du quotidien sous la menace d'une épidémie. Une femme, par exemple, a trouvé un moyen de porter un masque tout en gardant ses lunettes :

[…] Voici un moyen pour éviter que vos lunettes ne s'embuent lorsque vous portez un masque. […] C'est vraiment génial : il suffit de plier le haut du masque vers l'intérieur ! C'est une façon simple d'éviter la buée et c'est très confortable.

Consultez le dossier spécial de Global Voices sur l'impact du coronavirus de Wuhan [fr].

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