L'Algérie persiste à réprimer la contestation et emprisonne les journalistes

Manifestation anti-gouvernementale à Alger le 6 juillet 2019. Crédit photo : Farah Souames, utilisation autorisée.

Plus d'un an après le début du mouvement protestataire réclamant à travers toute l'Algérie des réformes politiques et économiques, le pouvoir continue à recourir aux tactiques répressives pour réduire au silence les voix critiques et les journalistes couvrant les manifestations. 

Le 15 mars, un tribunal d'Alger a refusé la remise en liberté du journaliste Sofiane Merrakchi, en détention depuis septembre 2019.  

Sofiane Merrakchi est un journaliste indépendant qui travaille pour des médias étrangers parmi lesquels la télévision de Beyrouth Al Mayadeen et la chaîne d’État qatarie Al Jazeera. Il est accusé d'infraction au code des Douanes pour ‘’soustraction aux autorités douanières lors de l'importation de matériel de diffusion’.’ 

Selon le CPJ (Committee to Protect Journalists, Comité pour la protection des journalistes), il encourt entre deux et sept ans de prison et une amende de la valeur du matériel. 

Selon Reporters sans Frontières (RSF) :

Sofiane Merrakchi journaliste et correspondant de la chaîne Al Mayadeen mais aussi producteur pour plusieurs chaînes étrangères dont France 24 et RT en Algérie a été arrêté le dimanche 22 septembre par la gendarmerie, qui a opéré une perquisition dans ses bureaux à Alger. L’ancien journaliste de la radio publique algérienne est soupçonné par les services de sécurité d'avoir filmé une manifestation pour le compte de la chaîne Al Jazeera, dont la couverture des manifestations qui secouent le pays depuis plusieurs mois est constamment remise en cause par les autorités. Sofiane Merrakchi doit être présenté ce jeudi 26 septembre devant le procureur de la République.

Dans une déclaration publiée le 5 mars, le collectif Journalistes Algériens Unis (JAI) décrit les charges contre Merrakchi comme un ‘’prétexte’’ pour ‘’le faire taire’’ : 

Son arrestation, survenue dans un contexte de mise au pas totale des médias audiovisuels publics et privés, ciblait de manière précise son libre exercice du métier de journaliste. L’accusation d’infraction au code des douanes et d’utilisation d’un appareil de diffusion en direct – que toutes les chaînes TV utilisent en Algérie – dont il fait l’objet n’est qu’un prétexte pour punir le journaliste et le faire taire.

Le blogueur et reporter indépendant Abdelmoundji Khelladi est quant à lui en prison depuis octobre 2019. Des policiers en civil l'ont arrêté dans la ville de Constantine pendant qu'il couvrait une manifestation. Il est accusé d’ ”atteinte aux intérêts et à l'unité de la nation’.’

Jusqu'à son arrestation, Khelladi informait et commentait activement à propos la politique, de la situation socio-économique et des manifestations en Algérie, sur son blog et les canaux de médias sociaux, YouTube et Facebook. Il risque deux mois de prison, et le verdict est attendu le 1er avril.

Depuis le début des manifestations, les autorités algériennes ont intensifié leur répression des libertés d'expression, de presse et d'internet. Le pouvoir recourt aux restrictions d'accès aux réseaux et aux plateformes de réseaux sociaux, arrête des journalistes et impose des limitations à la couverture médiatique des manifestations.

Le mouvement contestataire, [qui s'est donné le nom de Hirak, en arabe “Mouvement”], débuté le 22 février 2019, lorsque le président d'alors Abdelaziz Bouteflika annonça sa candidature à un cinquième mandat, ne s'est pas arrêté après sa démission le 3 avril 2019.

Les Algériens ont en effet continué à descendre dans les rues pour protester contre la corruption, le chômage et l'élite politique du pays, même après l'élection présidentielle du 12 décembre, considérée par les contestataires comme une tentative de maintenir l'ancien régime aux manettes.

Ancien premier ministre et allié de Bouteflika, Abdelmajid Tebboune a remporté cette élection et a été investi président le 19 décembre 2019. Le 5 janvier 2020, lors de son premier conseil des ministres, M. Tebboune a demandé au gouvernement de respecter la liberté de la presse. Les atteintes n'en continuent pas moins. 

Le 7 mars, le journaliste Khaled Drareni était arrêté pendant qu'il couvrait une manifestation à Alger. Motif : “rassemblement non autorisé”. Il a été relâché le 10 mars après avoir été mis en examen pour ‘’atteinte à l'unité nationale’’ et placé sous contrôle judiciaire. Il a reçu interdiction de sortir du pays et risque dix années d'emprisonnement.

Drareni est le créateur du site d'information en ligne Casbah Tribune. Il est également correspondant de TV5 Monde et de RSF. Il couvre de façon extensive les manifestations contre le régime depuis leur début en février 2019. Il subit le harcèlement répétitif des autorités à cause de son travail.

Le lendemain de sa remise en liberté, il a promis de poursuivre son travail parce que ”le journalisme n'est pas un crime.” Le 25 mars, il twittait qu'un tribunal a rejeté sa requête de mettre fin à son contrôle judiciaire. 

Chaque vendredi depuis le 22 février 2019, les Algériens sont dans les rues de tout le pays pour manifester contre le régime. Sauf le 20 mars : les protestataires ont décidé de rester à la maison pour freiner la propagation du coronavirus.

Militants et protestataires algériens prennent cependant soin de souligner que leur mouvement de protestation n'est pas fini : il n'est que suspendu pour l'instant à cause de la situation sanitaire. Dans l'intervalle, le gouvernement algérien ne montre aucun signe d'allègement de sa répression.

Le 24 mars, l'opposant politique Karim Tabbou a été condamné à un an de prison et 50.000 dinars algériens d'amende (environ 360 euros) pour avoir critiqué le rôle de l'armée algérienne dans des vidéos publiées sur la page Facebook de son parti, a écrit Amnesty International.

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