Polémique en Malaisie : quelles politiques pour contrer la circulation de « rumeurs » sur le coronavirus ?

La journaliste Wan Noor Hayati Wan Alias a été mise en examen après s'être exprimée sur Facebook au sujet du coronavirus le 26 janvier 2020. Capture d'écran tirée d'un reportage vidéo de Kini TV publié sur YouTube.

Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

L’article d'origine a été publié le 9 février 2020.

En Malaisie, la publication de contenus controversés liés au nouveau coronavirus (2019-nCoV) sur Facebook est passible d'une peine allant jusqu'à deux ans de prison, en vertu de la section 505 (b) du code pénal du pays, qui interdit la publication et la diffusion de rumeurs « susceptibles de susciter la crainte ou l'inquiétude du public ».

La journaliste Wan Noor Hayati Wan Alias a été accusée d'avoir posté trois messages sur Facebook qui contiendraient des rumeurs et des contenus racistes liés à la pandémie. Hayati a plaidé non coupable le 5 février, lorsqu'elle a comparu devant le tribunal de Kuala Lumpur, la capitale du pays.

Plusieurs organes de presse ont demandé l'abandon des poursuites, qualifiant l'action des autorités de répressive.

C’est une affaire complexe, puisque Hayati est une journaliste primée qui a écrit pour Berita Harian et le New Straits Times. Elle est également trésorière générale de l’Union nationale des journalistes de Malaisie péninsulaire (NUJM).

Alors que le procureur général Tan Sri Tommy Thomas n'a mentionné aucun cas particulier, son cabinet a publié le 5 février un communiqué indiquant pourquoi le gouvernement sanctionnera les personnes qui diffusent de fausses informations sur le virus :

Lies about the origins, scale and magnitude of the disease must not be permitted because they endanger public safety. That rumour mongering is repugnant to common decency is most pronounced at such times in our national life. The credibility of the internet as the pre-eminent source of news and information is therefore vital.

Les mensonges sur les origines, la portée et la gravité de la maladie ne doivent pas être autorisés car ils mettent en péril la sûreté publique. C'est à ces moments de notre histoire nationale que les rumeurs répugnent le plus aux bonnes mœurs. La fiabilité d'internet en tant que principale source d'information est donc essentielle.

Le NUJM a pris la défense de Hayati et a appelé le gouvernement à ne pas restreindre la liberté d'expression :

We believe that as a journalist she had the right to voice out her concerns to the members of the public … who are mainly not well informed by the government over the situation of the coronavirus outbreak.

Nous pensons qu'en tant que journaliste, elle avait le droit d'exprimer ses inquiétudes auprès du public… La plupart des gens sont mal informés par le gouvernement sur la situation de l'épidémie de coronavirus.

Certains ont fait remarquer que la défense de la NUJM était malavisée, tandis que d'autres ont qualifié ses publications d'irresponsables.

De son côté, le Centre pour le journalisme indépendant (CIJ, acronyme anglais) a rappelé aux autorités qu'il existe d'autres options pour contrer les déclarations qui ne reflètent pas les informations fournies par les agences gouvernementales :

We stress that legal remedies are just part of the many tools that can be employed to counter disinformation and misleading statements. A holistic and proportionate response would include having efficient and broad channels of information from the government and media, accessible and reliable means for the public to verify information and use of reporting facilities within social media applications for misinformation to be removed.

Nous soulignons que les recours juridiques ne sont qu'une partie des nombreux outils qui peuvent être utilisés pour contrer la désinformation et les déclarations trompeuses. Une réponse globale et proportionnée consisterait à la mise à disposition par le gouvernement et les médias de canaux d'information efficaces et à grande portée, de moyens accessibles et fiables pour permettre au public de vérifier les informations, et l'utilisation de moyens de signalement depuis les applications de réseaux sociaux pour éliminer la désinformation.

2/ Mon bref avis personnel est que même si je suis d’accord avec le fait que des restrictions sont nécessaires en temps de crise, il est cependant injustifié de soumettre quelqu’un au code pénal. Dans ce cas, les restrictions ne doivent pas nécessairement passer par des mesures punitives.

Dans un fil de discussion sur Twitter, la spécialiste malaisienne des médias Gayathry Venkiteswaran s'est exprimée sur la question et fait part de son inquiétude face à la réaction « disproportionnée » des autorités.

…we also need to look at the charges in the broader context – did all those who were arrested really bring about harm and were they influential enough to incite actions/panic? Maybe building confidence is more important than trying to nab people who share their content, even when some of these can be considered irresponsible. Let's not be too quick to validate sending people to prisons when there are real speech concerns that could be more harmful, and we need to find solutions for those.

…nous devons également examiner les accusations dans un contexte plus général – toutes les personnes arrêtées ont-elles réellement causé du tort et ont-elles eu suffisamment d'influence pour inciter à l'action/la panique ? Peut-être est-il plus important d'instaurer la confiance que d'essayer de coincer les personnes qui partagent leur contenu, même si certaines d'entre elles peuvent être considérées comme irresponsables. Ne soyons pas trop prompts à cautionner la détention de ces personnes alors qu'il existe de réels problèmes en matière [de liberté] d’expression qui pourraient être plus néfastes, et nous devons trouver des solutions pour celles-ci.

Hayati a versé une caution et s'est à nouveau présentée devant le tribunal le 11 mars.

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