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En Papouasie-Nouvelle-Guinée, le personnel infirmier en grève pour dénoncer le manque de protection face au COVID-19

Catégories: Océanie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Médias citoyens, Santé, Travail, COVID-19
Une infirmière prend le pouls d'une patiente. [1]

Une salle de soins du centre de santé Susa Mama, à l'hôpital général de Port Moresby, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Photo de Ness Kerton pour AusAID, via Flickr [1], sous licence CC BY 2.0.

Tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais, ndlt.

L'Association des infirmières et infirmiers de Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG) a organisé le 26 mars 2020 un sit-in afin de protester [2] contre le manque de mesures et d'équipements les protégeant contre le COVID-19.

Le gouvernement papouasien a décrété le 23 mars dernier un confinement [3] d'une durée de deux semaines afin de contenir la propagation de ce nouveau coronavirus, à l'origine de la maladie potentiellement mortelle du COVID-19. À l'heure de la rédaction de cet article, la Papouasie-Nouvelle-Guinée ne compte qu'un seul cas confirmé de COVID-19, mais les autorités ont identifié [4] 3 000 « personnes à risque », dont 2 230 sont étroitement surveillées. La Papouasie-Nouvelle-Guinée compte près de neuf millions d'habitants.

L'Association des infirmières et infirmiers de PNG s'est inquiétée [5] dès le 6 mars du fait que la plupart des hôpitaux ne disposaient pas des chambres d'isolement nécessaires au traitement des patients atteints du COVID-19 et a déploré l'inadéquation des mesures de santé publique prises pour contrôler la propagation de la maladie.

À la suite de l'annonce du confinement, le syndicat infirmier a à nouveau fait part [6] de son inquiétude quant à l'absence de formation adaptée et de mécanismes au niveau local pour lutter contre la maladie.

Le groupe a réclamé [7] auprès du gouvernement qu'il fournisse au personnel infirmier des équipements de protection individuelle, des indemnités de risque et de déplacement, des rations alimentaires ainsi qu'une assurance.

Suite à l'échec des négociations, le groupe a déclenché des grèves [8] à l'hôpital général de Port Moresby, au sein de l'Autorité sanitaire du District de la capitale nationale ainsi qu'à l'hôpital psychiatrique public de Laloki, situé en dehors de Port Moresby.

Lors d'un point presse, l'Association des infirmières et infirmiers de PNG a expliqué [9] cette décision :

Staff safety is paramount and those in authority must put themselves into our shoes and understand exactly why we are doing this.

La sécurité du personnel est primordiale, et ceux qui détiennent l'autorité doivent se mettre à notre place pour comprendre les raisons qui nous poussent à faire cela.

Gibson Siune, le secrétaire général de l'association, a fait part [10] des revendications portées par le personnel infirmier :

Our human resource is at risk and as professionals, we are conducting a sit-in protest so that the health authority and government face us and negotiate in a professional manner.

We want more than lip-service from the authorities that our services are valued and personal protection is guaranteed before we go back to work.

Nos ressources humaines encourent des risques et en tant que professionnel·le·s, nous menons ce sit-in de protestation afin que les autorités sanitaires et le gouvernement viennent nous rencontrer et négocier de façon professionnelle.

Les belles paroles des pouvoirs publics ne suffisent pas, nous voulons que nos services soient réellement reconnus et que notre protection personnelle soit assurée avant de retourner travailler.

Les infirmières de notre plus gros hôpital de Papouasie-Nouvelle-Guinée manifestent car elles n'ont aucune directive claire et adaptée, manquent de masques, de blouses, de lunettes de protection, de chambres d'isolement, la liste est longue. Ok… où irons-nous donc si nous perdons nos infirmières ?

La Papouasie-Nouvelle-Guinée, une nation au leadership réactif
La proactivité ? Ils n'ont jamais dû en entendre parler.
Alors que PMJM [le Premier ministre papouasien, James Marape] annonce que nous sommes prêts à lutter contre le virus, les infirmiers et les docteurs ne disposent pas d'équipement de protection individuelle et la plupart des professionnel·le·s de santé ne sont pas du tout familiers de ce nouveau virus

Le journal The Post-Courier a publié un éditorial [14] exhortant les autorités sanitaires à mettre en place les réformes nécessaires :

The threat by PNG Nurses Association to pull out its 4,000 nurses during this global pandemic is frightening and must be addressed immediately.

This is an emergency and the government has elevated the status from Health to that of a security issue. Use your authority as the principal Health advisor and demand that these funds [are used] and training be carried out immediately.

La menace de l'Association des infirmières et infirmiers de PNG de rappeler ses 4 000 membres en pleine pandémie mondiale est terrifiante et doit être traitée immédiatement. […]

Nous nous trouvons dans une situation d'urgence et le gouvernement a élevé le niveau de menace de « risque sanitaire » à « risque sécuritaire ». [S'adressant à l'actuel ministre de la Santé, Paison Dakulala] Usez de votre autorité en tant que principal conseiller en matière de santé et exigez que ces fonds [soient utilisés] et que des formations soient déployées sur-le-champ.

La Division du Travail et des Relations Industrielles a déclaré la grève légale [10]. Dans le même temps, le gouvernement papouasien a assuré au personnel infirmier que des mesures de protection seraient mises en place à travers le pays.

Cette grève est révélatrice des craintes partagées par le public sur le niveau de préparation [15] du gouvernement face à la pandémie du COVID-19. En plus de devoir gérer l'impact social et économique d'un confinement de deux semaines, le système de santé du pays est déjà en proie à de lourdes difficultés financières.

Le journaliste Scott Waide s'interroge [16] sur l'ironie de pratiquer la « distanciation sociale » dans un pays touché par d'importantes inégalités :

Why didn’t we invest in the health system and build it up for our people? Maybe, just maybe, one day we might need to use it. That day has come.

Here is another piece of irony for you. The safest places in PNG right now are the villages where up to 70 percent of health facilities are closed because of lack of funding and lack of medicines.

Hundreds of villagers have been in ‘self-isolation’ for decades. They don’t have to maintain ‘social distancing.’

Pourquoi n'avons-nous pas investi dans un renforcement de notre système de santé au bénéfice de nos concitoyen·ne·s ? Qui sait, peut-être en aurions-nous besoin un jour ? Ce jour est arrivé.

L'ironie ne s'arrête pas là. Les endroits les plus protégés de Papouasie-Nouvelle-Guinée à l'heure actuelle sont les villages, où 70 % des structures sanitaires ont été fermées pour raisons financières et par manque de médicaments.

Des centaines de villageois·es pratiquent « l'auto-isolement » depuis des décennies. Nul besoin de se soucier de maintenir une « distance sociale ».

Consultez le dossier spécial de Global Voices sur l'impact mondial du COVID-19 [17].