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Chroniques du COVID-19 depuis Wuhan : un hommage au Dr Ai Fen, lanceuse d'alerte

Catégories: Asie de l'Est, Chine, Catastrophe naturelle/attentat, Censure, Liberté d'expression, Médias citoyens, Santé, COVID-19
Deux petits chiens se promènent seuls dans la cour d'une résidence, devant une barrière bleue de quarantaine.

Des chiens se promènent dans la cour. Photo de Guo Jing, reproduite avec permission.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en chinois, ndlt]

La chronique ci-après est la dixième d'une série de « journaux intimes » rédigés par la cinéaste indépendante et universitaire féministe Ai Xiaoming [1] et l'activiste féministe Guo Jing [2]. Toutes deux vivent à Wuhan, l'épicentre de la pandémie de COVID-19. Vous trouverez ci-après la première [3], la deuxième [4], la troisième, [5] la quatrième [6], la cinquième, [7] la sixième [8], la septième [9], la huitième [10] et la neuvième [11] partie de la série [fr].

Ce dixième volet a été rédigé entre le 9 et le 10 mars 2020. Les originaux de ces « journaux intimes » sont disponibles en chinois sur Matter News.

Guo Jing : 9 mars 2020 [12]

昨天接到一个热线的咨询,求助者在北京做教育培训的工作,过年回老家后因为疫情各地都实施了交通管制。2月7日,公司要求大家复工,她就没能回到北京。她有电脑,也可以在家线上办公,但公司部门经理认为她不具备办公条件,没有给她安排工作,而是按照请假处理。
3月6日,部门经理跟她讲:“要么回北京工作,要么离职。”她3月7日就回了北京,结果第二天公司又要求她申请离职。公司其他人暂时没有遇到跟她类似的情况。
有个在旅游行业工作的朋友最近工作也受到了疫情的影响。她的公司1月的工资都没有发,据说要到5、6月再发,2月就没有工资。公司还准备遣散员工,说等疫情过去再召员工回去。
疫情期间,全国一度都处于封锁的状态,湖北之外也有很多员工无法及时回到上班的城市,企业也因为停工而没有盈利。
有住户发了一个图到群里,图里是几种菜拼成的小人,有土豆、胡萝卜、白萝卜、青椒、包菜等,图上写着“解封之后,再也不想吃这几种菜了”。看来任何方面的单调和重复都容易让人厌倦。
我想起曾跟朋友讨论过一个问题“如果以后只能选择吃一种食物,要吃什么”。备受欢迎的是土豆和豆子。我选择的是土豆,土豆容易饱腹,可以有很多做法,也好吃。封城后,我存了一些土豆,不过一直都还有青菜吃,就还没有开始吃土豆。

La hotline m'a appelée hier. L'appel provenait d'une personne travaillant dans le secteur de l'éducation à Beijing qui, rentrée chez elle pendant le Nouvel An chinois, a été victime de restrictions de circulation dues à la pandémie. Son employeur lui a alors demandé de reprendre le travail le 7 février mais elle n'a pas pu rejoindre Beijing. Elle est équipée d'un ordinateur et peut travailler à domicile. Cependant, le chef de service a refusé tout travail à distance et ne lui a assigné aucun travail. Les jours sont décomptés comme des congés non payés.

Le 6 mars, le chef de service lui a annoncé : “Soit tu rentres à Beijing et tu travailles, soit tu démissionnes”. Elle est revenue à Beijing le 7 mars mais le lendemain, son entreprise lui a signifié sa démission. Aucune autre personne de son entreprise ne se retrouve dans une telle configuration.

Une amie exerçant dans le secteur du tourisme a récemment été affectée par la pandémie. Son entreprise n'a pas versé son salaire en janvier et février derniers. Il semblerait que l'entreprise ne versera les salaires qu'en mai ou juin et qu'elle envisage de licencier du personnel. Ils seront rappelés au travail après la fin de la pandémie.

Au cours de la pandémie, le pays tout entier a été entièrement paralysé. Hormis Hubei, un grand nombre de salariés n'a pas pu retourner en ville où ils ont un emploi. De nombreuses entreprises ont été incapables de dégager des bénéfices du fait de la clôture du marché.

Un habitant de notre quartier a transmis une photo à notre groupe. Sur la photo, on peut voir une poupée constituée de légumes tels que des pommes de terre, des carottes, des navets blancs, des poivrons et des choux. Le message de la photo précise : “Je ne souhaite plus manger ces légumes une fois le confinement levé”. Les populations sont lasses de leur routine quotidienne répétitive.

Un jour, j'ai lancé une question à mes amis : “Si vous deviez choisir un seul aliment pour le restant de votre vie, que choisiriez-vous ? Ce sont les pommes de terre et les haricots qui ont remporté le plus de suffrages. J'ai choisi les pommes de terre. Les pommes de terre remplissent l'estomac, elles sont délicieuses et se cuisinent de différentes façons. J'ai stocké quelques pommes de terre que je n'ai pas encore consommées puisque les légumes verts restent disponibles.

Ai Xiaoming : 10 mars 2020 [12]

这里,就要说到湖北浠水县洗马镇代收“火神山”医院参建人员隔离费的问题。这个事件由工人晒出镇里的代收单据而起,两天内引起诸多媒体报道,形成一个舆论热点。它也把疫情发生以来一直潜伏着的、令被隔离人员耿耿于怀的隔离费用问题引入了公共讨论。
洗马镇收隔离费这件事,从数额上说起来,真不算多。
先说工资:两位工人参建火神山医院,他们的工资分别是按每日800元和1200元发放,这已经领取到手。
当隔离结束时,镇政府要求工人支付隔离期间酒店住宿和餐饮费用,每人每天150元。那么,隔离14天,每人应交2100元,两人共交4200元。
在迫不得已支付隔离费时,工人这边支付方留下了一句尖锐的批评:非法收取隔离费。
从镇政府的角度来说,他们并未另出新规。收取这笔费用,依据是浠水县政府的通告:“隔离期间所有费用全部自理”
由于舆论高压,结果是洗马镇负责隔离点的副镇长被免职处理。代收费用已于37日退还。
从镇政府的角度来说,他们并未另出新规。收取这笔费用,依据是浠水县政府的通告:“隔离期间所有费用全部自理”
由于舆论高压,结果是洗马镇负责隔离点的副镇长被免职处理。代收费用已于37日退还。
现在要说的就是,两位工人各自得回了自己的2100元钱。可是,在这场疫情中那么多被隔离、被强制遣返的人,他们额外支付的隔离、遣返成本怎么算?
我想特别强调的是,洗马镇的收费退费事件实际上包含了各地政府从现在到疫情后续必须处理的重大问题,那就是因参与防疫而增加的隔离成本。它究竟应该由个人承担,还是由政府买单?
举例来说,外地来汉支援抗疫的医护人员,回去家乡城市时,按理也要隔离。那么,他们隔离期间的食宿费用,是从个人收入中扣除,还是由国家支付?
对待抗疫人员以及需要隔离的所有人员,都应该免费,以保障隔离效果。并且,应该立即明令禁止,各省市地区以及居民小区巧设名目,以抗疫为名,驱逐从疫区返城返乡人员或者实施惩罚性隔离收费;使他们流离失所,尤其是加重低收入人群负担,令其生活难以维持。

Je voudrais parler du gouvernement de la ville de Ximazhen, dans le comté de Xishui, située dans la province de Hubei, qui a demandé aux ouvriers ayant collaboré à la construction de l'hôpital sur site [Huoshenshan Hospital], de payer leur mise en quarantaine.

Tout a commencé lorsque deux travailleurs ont publié leurs factures sur Internet. Suite à un reportage dans les médias locaux, la publication de l'article a suscité beaucoup d'attention au cours des deux jours suivants. Elle a également déclenché un débat public sur la question des frais de quarantaine – une question délicate pour de nombreuses personnes concernées par la quarantaine.

La somme facturée par le gouvernement de la ville de Ximazhen est relativement peu élevée.

Voyons d'abord leur rémunération. Le salaire quotidien des deux ouvriers de la construction de l'hôpital sur site était de 800 RMB et 1nbsp;200 yuans respectivement (environ 113 à 170 dollars US). Au terme de leur mission et de la période de quarantaine, le gouvernement local les a invités à régler leurs frais de logement et de nourriture durant leur quarantaine. Ce montant atteignait 150 yuans RMB (21 dollars US) par jour. On leur a demandé de régler 2nbsp;100 yuans RMB (296 dollars US) pour les 14 jours de quarantaine. À eux deux, ils ont déboursé un total de 4nbsp;200 yuans RMB (593 dollars US).

Lorsque ces travailleurs ont été contraints de rembourser leur quarantaine, ils ont formulé des observations cinglantes à l'intention des autorités : la loi sur la quarantaine est illégale.

Les autorités municipales ne faisaient que suivre les règles. Ils ont facturé ces personnes sur la base de l'avis officiel du gouvernement du comté stipulant leur obligation de payer pour leur quarantaine.
Néanmoins, réagissant à l'indignation publique, le maire adjoint de la ville de Ximazhen, responsable de la gestion de la quarantaine, a été démis de ses fonctions. La taxe de quarantaine a été restituée aux deux travailleurs le 7 mars.

Je tiens à dire ceci : tandis que les deux travailleurs ont recouvré leurs 2nbsp;100 yuans RMB, que dire des factures acquittées par les autres travailleurs forcés d'être mis en quarantaine ou rapatriés ? 

Ce sur quoi je voudrais insister est le remboursement des frais de quarantaine par la ville de Ximazhen, correspondant au coût du contrôle de la pandémie. La question suivante est de déterminer si cette gestion des coûts de la pandémie incombe aux personnes mises en quarantaine ou au gouvernement ? Note : actuellement, les personnes sont tenues de régler leur frais de quarantaine.

Un grand nombre de professionnel·le·s de santé se sont déplacé·e·s jusqu'à Wuhan pour apporter leur aide et seront mis en quarantaine à leur retour. Qui va devoir financer leur logement et leur nourriture lors de la quarantaine ? Est-ce que ce sont eux qui doivent payer ou le gouvernement ?

À mon avis, les personnes contribuant à la lutte contre la pandémie et celles placées en quarantaine ne devraient pas être pénalisées, pour que les populations acceptent de se conformer aux mesures de quarantaine. En outre, les autorités locales devraient avoir interdiction d'expulser les personnes revenant des zones touchées par l'épidémie et de leur facturer des frais supplémentaires au titre de leur quarantaine. De telles mesures punitives pousseraient de nombreuses personnes, notamment les pauvres, à la rue. Ils ne pourront pas subvenir à leurs besoins.

Guo Jing : 10 mars 2020 [13]

发口肖子的人ai·芬医生也站了出来,她是把写着“SARS冠状病毒”的报告拍下来发给同学的人。今天人物发了对ai·芬的采访文章,看到的时候我就觉得文章可能会被删,就截了个图。
一开始,最先发布在人物上的文章被删,接着大家开始转发别的媒体转载的文章,很快转载的文章也都被删,就有人把文章做成PDF,供大家在微信里收藏后分享。一整天,朋友圈都被“发哨子的人”这篇文章刷屏。
这种集体默契的反抗不是第一次,也不会是最后一次。大家都知道有时候讲真话是不被允许的,是会受到惩罚的,可是依然有人勇于讲真话,人们也十分珍视讲真话的人,想尽办法传播真话。希望有一天人们不再为讲真话付出代价
今天阳光灿烂,好像昨天的阴冷一下子就变得有点久远了。小区的院子里又恢复了些许生机。
周先生也下楼遛狗,他的狗叫胖丁…我们又聊到了疫情,周先生说他有几个朋友出去旅游,现在想回却回不来,在外面一天要花掉八九百块的住宿费。他有两个朋友因为感染费盐去世的,一个四十多岁、一个八十多岁,现在都拿不到骨灰。
周先生说:“太突然了,他们得病一两周就死了,比得了癌症死得还快。”他还有个朋友的爸爸是疫情期间因为脑梗去世的,也见不到尸体。

Le docteur Ai Fen [14] [fr], lanceuse d'alerte sur le COVID-19, est intervenue. Elle a pris une photo des résultats du test du “coronavirus du SRAS” et l'a transmise à ses anciens camarades de classe. Aujourd'hui, en lisant l'interview du docteur Ai Fen dans le journal People Magazine en ligne, j'ai effectué une copie d'écran de l'article en question, parce que je craignais qu'il ne soit supprimé plus tard.

Lorsque l'article original a été supprimé, les internautes se sont mis à partager le même article suite à sa republication dans d'autres médias. Mais les articles republiés ont également été supprimés. Les internautes ont alors constitué des fichiers PDF de l'article pour pouvoir le sauvegarder sur WeChat et le partager avec leurs amis. Cet article intitulé The Whistle Distributor a circulé dans mes cercles amicaux tout au long de la journée.

Certes, ce n'est pas la première fois, et ce ne sera pas la dernière, que nous verrons ce type de résistance coordonnée. Nous sommes tous conscients que nous ne sommes pas autorisés à dire la vérité, sous peine d'être punis. Cependant, il existe encore des personnes suffisamment courageuses pour prendre la parole et nous les valorisons d'autant plus en nous efforçant de relayer leurs messages. Je souhaite qu'un jour nous ne soyons plus condamnés à payer le prix avoir dit la vérité.

Aujourd'hui, il a fait beau. Le froid d'hier est passé. Les habitants sont sortis dans la cour.
Monsieur Chou a aussi promené son chien dans la cour. Son chien s'appelle Panding. On a encore parlé de la pandémie. Monsieur Chou a déclaré que plusieurs de ses amis avaient quitté Wuhan mais ne pouvaient pas revenir maintenant et ce même s'ils le voulaient. Ils sont obligés de payer 800-900 yuans RMB (113 à 127 dollars US) par jour pour leur hébergement. Deux de ses amis ont perdu la vie après avoir été contaminés. L'un avait une quarantaine d'années et l'autre 80 ans. Leurs proches attendent encore de recevoir leurs cendres.

Monsieur Chou a déclaré : “Tout s'est passé si vite. Ils ont succombé deux semaines seulement après avoir été contaminés. Le processus est beaucoup plus rapide que le cancer”. Lors de la pandémie, un de ses amis a perdu son père des suites d'une attaque (AVC) et n'a même pas pu lui dire au revoir.

Consultez le dossier spécial de Global Voices sur l'impact mondial du COVID-19 [15][fr].