Des prix à la hausse et de lourdes taxes menacent la pérennité d'un art séculaire au Pendjab indien

Rajesh, un sculpteur sur bois, photographié dans son atelier. On voit derrière lui des pièces en cours de confection et des machines.

Rajesh, sculpteur sur bois. Photo gracieusement fournie par le site Kirrt.

Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais, ndlt.

Les arts décoratifs de la sculpture sur bois et de l'incrustation développés à Hoshiarpur, dans la région de la Doaba située dans l'État indien du Pendjab sont connus dans le monde entier depuis des siècles. Cependant, la protection des bois rares pour des raisons écologiques ainsi que l'introduction de pratiques bureaucratiques complexes visant l'exportation ont radicalement changé la profession. Alors que la sculpture sur bois devient moins lucrative, le métier commence à disparaître, laissant de nombreux artisans sans solution viable pour l'avenir.

Hoshiarpur est située dans les contreforts de l'Himalaya et abrite l'art de la marqueterie depuis plusieurs siècles.

La marqueterie de Hoshiarpur au Pendjab est une technique décorative consistant à insérer des morceaux de divers matériaux tels que l'os, la coquille et le bois dans l'objet de base en bois pour former des motifs. D'origine persane, les motifs se retrouvent dans les meubles et objets décoratifs du Pendjab. #Artisanat d'Inde

[images] Une table de marqueterie et des coffrets richement ornés dans le style de Hoshiarpur au Pendjab.

Les antiquités incrustées d'ivoire provenant d’Hoshiarpur sont prisées dans les maisons de ventes aux enchères non seulement en Inde mais aussi à l'étranger. Après l'instauration de l'interdiction du commerce de l'ivoire, les artisans se sont tournés vers l'os, le métal et l'acrylique, que l'on peut voir dans les versions modernes des créations artisanales.

Tant par le passé que maintenant, les artisans préfèrent la haute qualité du palissandre indien (bois de rose indien [fr]), qui est considéré comme plus solide et résistant au gauchissement.

La demande croissante en bois de rose sur le marché chinois ayant suscité des plaintes concernant la disparition massive de cet arbre dans les forêts d'Amérique latine, le palissandre a été inscrit sur une liste de marchandises réglementées en 2017. Cette pénurie de bois a fait grimper le coût des produits de marqueterie, entraînant une baisse de la demande locale et une plus grande dépendance à l'exportation.

Des miroirs sur pied, des sièges et une table avec des ornements en marqueterie.

Meubles et objets créés à l'aide de la technique de la marqueterie. Photo gracieusement fournie par le site Kirrt.

Dans le même temps, le gouvernement indien a créé son propre certificat de conformité international appelé Vriksh [pdf], lequel atteste que le bois utilisé dans la fabrication des objets artisanaux est obtenu légalement auprès de filières responsables. Néanmoins, l'obtention du certificat a davantage alourdi les formalités, ce qui a poussé les intermédiaires du commerce du bois à augmenter les prix. Ce phénomène combiné à une hausse des taxes gouvernementales conduit au déclin progressif du nombre d'artisans du bois dans la région.

Le site Web du gouvernement du district d’Hoshiarpur évalue le nombre d'artisans en activité entre 100 et 150 et constate que la rareté du palissandre menace la survie du métier.

Le site Web Kirrt, partenaire de Global Voices, est une galerie en ligne qui rapporte des histoires sur des artisans de la région du Pendjab. En 2018, Kirrt a présenté un portrait de Rajesh, un sculpteur sur bois de Hoshiarpur, qui décrit l'évolution de la profession au fil des ans :

All the craftsmen, who knew the art of carving patterns in wood and shading them, has passed away. I’m one of the last two artists left in the business. Kapurthala is known for its unique furniture with ivory inlay. But when the government banned the ivory, we started using acrylic sheets to maintain the white colour. [..]

In 1911, my grandfather went to England as part of a team to do wooden work in English homes. We still possess the certificate he got back then. I was 10 when I held the shading pencils for the first time. [,,] I never excelled at school. My family decided to take me off the school and teach me the family profession.

Tous les artisans, qui connaissaient l'art de sculpter des motifs dans le bois et de les ombrer, sont décédés. Je suis l'un des deux derniers artistes restants dans le secteur. Kapurthala est connue pour ses meubles uniques décorés d’ivoire incrusté. Mais lorsque le gouvernement a interdit l'ivoire, nous avons commencé à utiliser des feuilles d'acrylique pour conserver la couleur blanche. […]

En 1911, mon grand-père faisait partie d'une équipe qui s'est rendue en Angleterre pour travailler le bois dans des maisons anglaises. Nous avons toujours le certificat qu'il a reçu à l'époque. J'avais 10 ans quand j'ai eu mes premiers crayons à dessin. […] Je n'ai jamais été très fort à l'école. Ma famille a décidé de me retirer de l'école et de m'enseigner les ficelles de l'affaire familiale.

A gauche, un homme, concentré, perfore une planche à l'aide d'une perceuse. A droite, un meuble en marqueterie est présenté au milieu d'une salle de vente.

Sculpteur sur bois au travail. Photo gracieusement fournie par le site Kirrt.

Rajesh explique qu'il s'agit d’une profession peu rémunérée :

But even after all this hard work, I didn’t achieve much. I’ve never been able to save a cent from this job. My daily wage is just 300-400 (US$ 4-6) Rs. which is barely enough to sustain everyday life.

Mais même après tout ce travail acharné, je n'ai pas particulièrement fait fortune. Ce travail ne m'a jamais permis d'économiser un seul sou. Mon salaire quotidien s'élève seulement entre 300 et 400 roupies (entre 4 et 6 dollars), ce qui est à peine suffisant pour joindre les deux bouts au quotidien.

Il parle des défis auxquels de nombreux artistes sont confrontés :

By complaining so much I am not blaming the shopkeeper who has hired me, his position isn’t any better. Furniture worth lakhs is lying in the store waiting for customers. Our products don’t have local customers, they are expensive for the locals. Most of the sale happened overseas but now the government has imposed so much tax on exporting and you have to submit (a lot of) paperwork for all the material used in a product.

En me plaignant autant, je ne blâme pas le commerçant qui m'a engagé. Sa position n'est pas plus enviable. Les meubles qui valent plusieurs lakhs (des centaines de milliers de roupies) jonchent le sol du magasin en attendant les clients. Les acheteurs de nos produits ne sont pas locaux, les produits sont trop chers pour eux. La majeure partie de la vente avait lieu à l'étranger, mais maintenant le gouvernement a imposé tellement de taxes sur les exportations, et on doit soumettre de la paperasse (beaucoup de paperasse) pour tous les matériaux utilisés dans un produit.

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