Histoires de biryani : le biryani de Dhaka, des tables de la noblesse aux échoppes de rue

Un plat de biriyani : riz épicé, crevettes et un oeuf au centre.

Biryani aux crevettes. Photo par Jyothis via Wikimedia Commons, sous licence CC BY-SA 3.0.

Voici le troisième article de notre série « Histoires de biryani », consacrée à la culture culinaire commune de l’Asie du Sud. Dans cet épisode, nous partons à la découverte du biryani de Dhaka.

Sur le même sujet : Biryani Stories: Is Biryani the national dish of Pakistan? [en]

À Dhaka, capitale du Bangladesh, les bouchons permanents sur les artères principales ont un avantage : ils laissent le temps d’observer les gargotes de rue… L’arôme de leurs biryanis épicés, si populaires et faciles à trouver, est une véritable tentation !

L’intégration du biryani à la gastronomie bengalie n’a que quelques siècles. Au Bangladesh, ce plat pays situé dans le fertile delta du Gange-Brahmapoutre, la culture du riz existe depuis 5 000 ans. Nourri·e·s de ce riz venu de la terre et du poisson tiré des nombreuses rivières qui quadrillent leur région, les habitant·e·s du Bangladesh ont acquis un surnom proverbial : « les Bengalis riches en poisson et en riz ».

Sur le même sujet : Biryani Stories: In search of the origin of Biryani [en]

Au fil du temps et des diverses invasions, comme celle des Moghols, qui ont régné sur l’ensemble du sous-continent indien, de nombreux ingrédients sont venus se mêler à la tradition culinaire bengalie. La cuisine d’origine moghole, ou « cuisine mughlaï », fait partie de ce riche héritage. Son plat le plus emblématique : le biryani de Dhaka.

L’arrivée du biryani à Dhaka

En 1610, les Moghols font de Dhaka une capitale de province [en]. Les subedars, équivalents moghols des capitaines occidentaux, arrivent à Dhaka avec d’autres hauts dignitaires pour prendre en main l’administration locale. La plupart d’entre eux viennent de Lucknow, aujourd’hui en Inde, et sont accompagnés de leurs cuisiniers [bn]. Après le départ d’un grand nombre de subedars, quelques-uns de ces chefs restent à Dhaka et entretiennent la culture du biryani. En ouvrant leurs échoppes, ils permettent à la cuisine moghole de prospérer. Sa fusion avec la cuisine locale fait émerger des saveurs uniques, qui gagnent le cœur de la population, devenant partie intégrante de leurs habitudes alimentaires.

Echoppe servant du biriyani à Dhaka. Le magasin est couvert d'écriteaux en bangla, et de photos montrant les plats disponibles.

Le biryani, la marque de fabrique de Dhaka, la capitale du Bangladesh. Les échoppes servant ce plat sont omniprésentes dans la ville. Photo de পান্থ রহমান রেজা (Pantha).

Les marques de biryani à Dhaka

S’il fallait nommer quelques plats typiques de Dhaka, le kachchi biryani [en] (« biryani cru ») serait le premier de la liste. Dans n’importe quel événement, même en petit comité, le biryani est au menu du moment qu’un repas est prévu. À Dhaka, l'enseigne préférée des habitant·e·s est Hajir Biriyani [en], créée en 1939. Ce qui la rend unique : sa cuisson à l’huile de moutarde, qui remplace le « ghee » (le beurre clarifié traditionnel), et sa viande de chevreau.

Une autre enseigne célèbre à Dhaka pour ses biryanis est Jhunur Biryani [bn], avec sa recette au poulet. Shah Saheb’s Biriyani, Nanna Biryani [en] et Fakhruddin’s Kachchi [en] sont tout aussi populaires.

Lors de sa récente visite au Bangladesh, le youtubeur et vlogger cuisine canadien Trevor James [en] n’a pas tari d’éloges sur Hajir Biriyani et Nanna Biryani (vidéo en anglais, avec sous-titrage en anglais et bangla).

Les recettes traditionnelles de biryani à la viande sont à base d’agneau, de chevreau, de bœuf ou de poulet, mais au pays des « Bengalis riches en riz et en poisson » [en], on le cuisine aussi aux crevettes ou même au poisson-chat. Il existe également des biryanis végétariens : la marque Hajir Biriyani les vend habituellement enveloppés dans des emballages en feuilles de jaquier.

Le biryani de Dhaka et ses variantes

Le biriyani de chez Hajir Biryani, placé sur un papier et enveloppé d'une feuille de jaquier.

La marque Hajir Biryani vend habituellement ses plats enveloppés dans des emballages en feuilles de jaquier. Photo par Vinegarymass911 via Wikimedia Commons, sous licence CC BY-SA 4.0

Il existe deux préparations de base pour le biryani. Pour un pakki biryani, la viande et le riz sont cuisinés séparément, puis superposés par couches pour être rôtis. Pour un kacchi biryani, la viande de mouton ou de chevreau est marinée pendant une nuit dans un mélange de yaourt et d’épices, puis placée au fond d’une grande marmite. Elle est ensuite recouverte de pommes de terre et de viande, et le couvercle de la marmite est scellé avec de la pâte pour rendre celle-ci étanche. Viande, pommes de terre et riz cuisent ensemble à feu doux, selon la technique du dum-pukht [cuisson à l’étouffée, ndlt] [en], qui permet au plat de conserver tous les arômes naturels de ses ingrédients.

Sur son blog « Guruchandali », Sukanta Ghosh décrit une caractéristique spéciale du kacchi biryani [lien mort, ndlt] :

বিরিয়ানী তৈরীতে নাকি তেঁতুল কাঠের আগুন লাগে- আগুনের আবার নাকি পরত থাকে । আধুনিক যন্ত্রে তাপ মেপে নয় – বিরিয়ানী তৈরী হয় আগুনের রঙ দেখে ।

La tradition recommande de faire mijoter le biryani sur un feu de bois de tamarin, et l’on dit que le feu, comme le plat, forme des couches. Pas besoin d’ustensiles modernes, comme un thermomètre, pour mesurer la température : un bon chef fait cuire son biryani en regardant les couleurs des flammes.

Il ajoute :

বিরিয়ানী রাঁধতে গেলে নাকি চাল ভিজিয়ে রাখতে হয় দুধের মধ্যে সারারাত। সেই দুধে একটু কেশর মেশানো থাকবে । আর যে পাত্রে বিরিয়ানী হবে সেই পাত্রের নিচের তলে তেজ পাতার একটা লেয়ার দিয়ে রাখতে হবে।

Pour faire un biryani, il faut faire tremper le riz dans du lait pendant une nuit, après avoir ajouté un peu de safran dans le lait. Le fond de la marmite qui va servir à faire cuire le plat doit être tapissé d’une couche de feuilles de laurier.

Mariage et biryani

Les rituels traditionnels des mariages au Bangladesh sont certes intéressants, mais leurs repas fastueux en demeurent la principale attraction. Sans biryani, dit-on, un mariage n’est pas conclu, et des mariés se sont déjà disputés car ce plat incontournable était absent du menu. Le kachchi biryani est la variante la plus souvent servie lors de ces fêtes.

Sur le même sujet : Mariages au Bangladesh : les temps changent, le menu aussi

Voici quelques recettes dégustées à cette occasion (vidéo en bangla, sans sous-titrage) :

Le biryani, plus qu’un repas

Pour les Bangladais·es, le biryani est l’autre nom de l’amour. Ils ne s’en lassent jamais ; la richesse de ses ingrédients et de ses épices en fait un plat satisfaisant, qui remplit facilement l'estomac. Le prix Nobel de littérature Rabindranath Tagore disait de ce lui : « Je t’ai aimé des centaines de fois, de cent manières différentes ! »

Un tweet de Hasib Gazi fait écho à ce sentiment :

La mer, un biryani, un délicieux thé : je n’ai besoin de personne d’autre dans ma vie !

Si cet article vous a mis en appétit, venez à Dhaka et savourez un biryani !

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