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De la prison à l'exil : entretien avec l'activiste vietnamienne Tran Thi Nga

Catégories: Asie de l'Est, Viêt-Nam, Censure, Droits humains, Gouvernance, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens, Politique
Image de Tran Thi Nga aujourd'hui, accolée à une photo en noir et blanc lors de son arrestation. [1]

L'ancienne prisonnière politique Tran Thi Nga évoque les effets que peut avoir l'incarcération sur les femmes et les enfants. Source : capture d'écran issue de la vidéo YouTube mise en ligne par The 88 Project.

Cet article [2] est issu de The 88 Project, un site d'informations indépendant sur le Vietnam. Il est republié par Global Voices dans le cadre d'un accord d'échange de contenus.

[Tous les liens renvoient vers des contenus en anglais, ndlt.]

The 88 Project a eu l'opportunité d'interviewer l'ancienne prisonnière politique Tran Thi Nga [3], qui revient pour eux sur son expérience carcérale et sur les conséquences que peut avoir la prison sur les femmes et leurs enfants.

Tran Thi Nga a été libérée [4] de prison en janvier 2020 et immédiatement forcée de s'exiler aux États-Unis. Elle avait alors purgé environ un tiers de la peine de neuf ans qui avait été prononcée à son encontre en raison de son activisme en faveur des droits fonciers et des travailleurs.

Dans la vidéo ci-dessous, Tran Thi Nga évoque les répercussions psychologiques qu'ont eu son arrestation et son emprisonnement sur ses jeunes enfants. Son plus jeune fils avait à peine quatre ans lorsqu'il a vu sa mère être arrêtée par la police dans leur propre maison. Lorsque le mari de Tran Thi Nga a été amené au commissariat pour y être interrogé, leur fils de six ans a lui aussi été détenu et même séparé de son père. Les enfants ont par la suite été confrontés à des discriminations à l'école ainsi que des difficultés pour rendre visite à leur mère en prison. Cette dernière ayant été transférée dans un établissement à 1 000 kilomètres du domicile familial, les autorités se sont souvent servi des droits de visite comme moyen de pression pour tenter obtenir d'elle des aveux de culpabilité.

L'activiste poursuit en exhortant la communauté internationale à s'engager en faveur des droits des femmes et des enfants et à remédier aux injustices et aux mauvais traitements subis par les prisonnières aux mains des autorités vietnamiennes.

Tran Thi Nga est la quatrième prisonnière politique à avoir bénéficié d'une libération anticipée en échange d'un exil forcé ces dernières années, après Nguyen Van Dai [5] (en juin 2018), Le Thu Ha [6] (en juin 2018) et Nguyen Ngoc Nhu Quynh [7] (en octobre 2018).

Tran Thi Nga était auparavant travailleuse migrante à Taïwan, où elle a été confrontée à de nombreuses injustices. À son retour au Vietnam, elle s'est mise à défendre les droits des travailleurs migrants et s'est engagée en faveur d'une démocratie multipartite et des droits des femmes. Elle est également devenue militante pour les droits fonciers et a manifesté contre les confiscations de terres par les autorités au sein de sa communauté.

À au moins deux reprises, elle a été agressée physiquement [8] à cause de son activisme : en mai 2014, des voyous à la solde du gouvernement l'attaquent et lui brisent un bras et une jambe ; puis en août 2015, elle est violemment malmenée par la police cherchant à l'extirper d'un bus.

Tran Thi Nga a été arrêtée [9] à son domicile dans la province de Ha Nam le 21 janvier 2017 pour avoir mis en ligne des vidéos et des écrits considérés comme « propagande contre l’État ».

Elle a ensuite été détenue au secret jusqu'à son procès [8] en juillet 2017. Ce dernier n'a duré qu'une seule journée, et sa famille et ses soutiens n'ont pas été autorisés à assister à l'audience. Elle a été condamnée à neuf ans de prison et cinq ans d'assignation à résidence.

L'équipe de The 88 Project est heureuse de savoir Tran Thi Nga libre et enfin réunie avec son mari et leurs jeunes enfants.

Néanmoins, nous souhaiterions souligner que la libération anticipée de Tran Thi Nga ne devrait pas être considérée comme un signe d'assouplissement de la situation des droits humains au Vietnam. Les libérations anticipées ont été rares ces dernières années, et les prisonniers politiques en ayant bénéficié ont tous dû quitter leur pays. Celles et ceux qui refusent de partir restent derrière les barreaux et s'exposent ainsi à davantage de harcèlement.

Retrouvez l’interview [1] complète (en vietnamien, avec sous-titrage en anglais et en français) :