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Rejet historique de l'implantation d'une mine de charbon par un tribunal australien au nom du changement climatique

Catégories: Océanie, Australie, Droit, Economie et entreprises, Environnement, Médias citoyens, Sciences
Hunter Valley coal [1]

Mine appartenant au groupe Rio Tinto sur le Mont Thorley, dans la Vallée de l'Hunter 2014 – Photo partagée sur Flickr par Lock the Gate Alliance sous license CC by 2.0

[Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais, ndlt.]

Un tribunal australien a pris la décision sans précédent de rejeter le projet d'une nouvelle mine de charbon à cause de son impact sur le changement climatique. Le projet de mine Rocky Hill [2] devait voir le jour près de Gloucester en Nouvelle-Galles du Sud, dans la vallée de l'Hunter. Brian Preston, le président du Tribunal foncier et de l'environnement de la Nouvelle-Galles du Sud a indiqué que l'implantation d'une mine à ciel ouvert serait “malavisée”.

Il conclut [3] :

The construction and operation of the mine, and the transportation and combustion of the coal from the mine, will result in the emission of greenhouse gases, which will contribute to climate change.

La construction et l'exploitation de la mine, ainsi que le transport et la combustion du charbon entraîneront l'émission de gaz à effet de serre, contribuant ainsi au changement climatique.

Les membres de Groundswell Gloucester [4], un groupe activiste local, se réjouissent de cette décision. Elaine Johnson, avocate spécialiste de l'environnement, a exprimé leur joie sur Twitter:

“La salle d'audience bondée a salué dans le calme le verdict du juge Preston par des embrassades et des poignées de main. Un des opposants à la mine a même fondu en larmes.”

Quel privilège de partager ce moment avec les militants @EDONSW [5] et @GGlo2422 [6]https://t.co/L3nZbh3hS2 [7]

— Elaine Johnson (@ElaineEDO) 8 Février 2019 [8]

Avocats, lobbyistes, universitaires, écologistes et économistes ont réagi en ligne sur les répercussions de cette décision historique. L'activiste environnemental John Englart a résumé ainsi sur Twitter:

La position sur le charbon et le #changement climatique [10] du Tribunal foncier et de l'environnement de la Nouvelle-Galles du Sud en #Australie [9] a envoyé une onde de choc planétaire: les habitants de Rocky Hill ont utilisé la loi pour stopper l'implantation d'une mine de charbon. Qu'est-ce que le contentieux climatique? Via ⁦@p_hannam [11]https://t.co/1JG3vk33fW [12]

— John Englart EAM (@takvera) 16 Février 2019 [13]

Justine Bell-James, universitaire en droit de l'environnement, a analysé le futur des contentieux climatiques dans The Conversation, et conclut [14]:

It is hard to predict whether his decision will indeed have wider ramifications. Certainly the tide is turning internationally – coal use is declining [15], many nations have set ambitious climate goals under the Paris Agreement, and high-level overseas courts are making bold decisions in climate cases [16].

Il est difficile de prédire l'impact de cette décision. Nous assistons à une mobilisation internationale – l'utilisation du charbon est en déclin [15], bon nombre de pays ont fixé des objectifs climatiques ambitieux dans le cadre de l'Accord de Paris, et de hautes instances étrangères prennent des décisions courageuses en matière de climat [16].

L'économiste John Quiggin a également étudié les implications à long-terme [17] de cette décision:

[…] miners will sooner or later face demands for compensation for the damage caused by climate change.

The strongest case will be against mines that have commenced operation after the need to leave remaining reserves in the ground was already clear. Anyone considering investing in, lending to or insuring such mines should be prepared for more decisions like Rocky Hill.

[…] les exploitants de mines devront tôt ou tard faire face aux demandes d'indemnisation liées aux dégâts causés par le changement climatique.

Les réactions les plus sévères seront à l'encontre des mines mises en service après la prise de conscience de l'importance de préserver les réserves souterraines. Toute personne qui veut investir, octroyer des crédits, ou assurer des exploitations minières doit se préparer à des décisions comme celle de Rocky Hill.

Herbert Smith Freehills, une entreprise internationale de services professionnels, offre ses conseils pour ‘bénéficier d'opportunités tout en limitant les risques’. Elle conseille [18] à ses actuels et futurs clients:

Proponents seeking consent for new projects, or modifications of existing projects, with ‘material’ greenhouse gas emissions across all industries in NSW should carefully assess climate change impacts, particularly if the proposal is not ‘carbon neutral’.

Dans tous les secteurs industriels de Nouvelle-Galles du Sud, les promoteurs de projets, ou ceux qui souhaitent modifier des projets en cours, doivent minutieusement évaluer les impacts du changement climatique, surtout si les projets en question ne sont pas ‘neutres en carbone’.

Le même jour, l'éminent cabinet juridique australien, Corrs Chambers Westgarth, plaide une cause similaire [19]:

Future proponents will need to seriously consider the decision, as will banks and others who would traditionally invest in or support coal and other fossil fuel-dependent industries.

It is possible that the increasing recognition of causative links between fossil fuel developments and climate change could pave the way for future compensation claims of the kind now being seen in the United States.

Les futurs promoteurs devront sérieusement considérer leurs décisions. Les banques, les acteurs qui traditionnellement investissent dans l'industrie du charbon ou la soutiennent, ainsi que toutes autres industries dépendantes des énergies fossiles devront faire de même.

La plus forte prise de conscience des liens de causalité entre énergies fossiles et changement climatique pourrait ouvrir la voie à des demandes d'indemnisation similaires à celles déjà observées aux Etats-Unis.

Malgré tout, des climato-sceptiques sur internet contestent les arguments scientifiques et se rallient aux médias grand public, comme ceux gérés par Rupert Murdoch:

Ergas critique ouvertement la grotesque décision rendue concernant la mine de Rocky Hill, qui soutient que la crainte du changement climatique (théorie toujours discutable) est un argument suffisant pour refuser l'exploitation d'une mine de charbon: https://t.co/uVHyUDwSiL [20]

— Andrew Deakin (@andrewl5059) 22 Février 2019 [21]

Dans le même temps, Glencore [22], une compagnie minière internationale située en Suisse, annonce qu'elle va plafonner sa production mondiale de charbon pour des raisons environnementales. Glencore est le plus important producteur de charbon en Australie.

Face à la pression des investisseurs, Glencore limite sa production de charbon  https://t.co/A6bqkmqviX [23] pic.twitter.com/dk6BBJIe3R [24]

— GR (@GasEnergyUnion) 20 Février 2019 [25]

Même si un recours en justice ou une disposition législative du gouvernement pourrait annuler le rejet de la mine, les risques de contentieux climatiques avec les grands émetteurs de gaz à effet de serre ne sont pas près de disparaître.