Le système de santé bangladais s'épuise face à la COVID-19 et à l'augmentation du nombre de cas

Dans une chambre d'hôpital, trois lits sont connectés à des respirateurs.

Lits d'hôpital avec apport d'oxygène. Image par Silas Camargo Silão sur Pixabay, sous licence Pixabay.

L’article d'origine a été publié en anglais le 14 juin 2020. Certaines informations ont été mises à jour pour refléter l'évolution de la situation.

Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

Depuis dimanche 31 mai, après avoir levé au bout de deux mois [fr] le confinement national, le Bangladesh enregistre chaque jour un nombre record de morts dues à la COVID-19. Actuellement, les chiffres officiels montrent 87 520 cas confirmés et 1 171 morts [153 277 cas confirmés et 1 926 morts au 3 juillet, ndlt], bien que les chiffres réels puissent être plus élevés. Alors que de nombreux troubles et crises secouent le pays, le système de santé public est en grande difficulté [bn], échouant à stopper l'augmentation de la courbe de contamination par la COVID-19.

L'incompétence du système de santé public face à la pandémie

Le 9 juin, quand une cour de justice à distance, présidée par le juge Enayetur Rahim, s'est enquise des structures de santé du pays, le ministère de la Santé a communiqué les informations suivantes : en ajoutant à la capacité du public celle du secteur privé, il n'y a que 1 000 places en unité de soins intensifs pour une population totale de 165 millions d'habitants. D'après plusieurs articles [bn] parus dans la presse locale, 47 districts sur 64 ne disposent pas d'unité de soins intensifs. Avec l'augmentation du nombre de patients atteints de la COVID-19, ce déficit oblige de nombreuses personnes dans un état grave à repousser leur traitement.

La journaliste Shuprova Tasneem a déclaré sur Twitter :

Réponse du ministère de la Santé à la cour : il y a seulement 733 places en soins intensifs dans les hôpitaux publics. C'est la conséquence de décennies sous-financement, de mauvaise gestion et de corruption. Notre système de santé n'est pas en état de faire face à cette crise sanitaire.

Le 12 juin 2020, Maria Taha, une habitante de Chittagong, avait appelé à l'aide sur Facebook [bn], pour son père malade de la COVID-19 :

একটা icu কেউ manaz করে দিতে পারবেন
আমার আব্বুর জন্য

Est-ce que quelqu'un peut nous aider à trouver une place en soins intensifs pour mon père ?

Quelques heures plus tard, son message est mis à jour [bn] pour annoncer le décès de son père :

লাগবে না ICU. আর

Une place en soins intensifs ne sera plus nécessaire.

Le médecin Dr Atiqur Rahman a réagi à la situation [bn] de Maria Taha :

চট্টগ্রাম এ চিকিৎসা সংকট নিয়ে বেশ কয়েকদিন ধরেই নানান খবর পাচ্ছিলাম। দিন দিন তা যে আরও খারাপ/প্রকট হচ্ছে তার-ই নমুনা এই ঘটনাটি। না, এটি কোন বিচ্ছিন্ন ঘটনা নয়; এটাই স্বাভাবিক ও তিক্ত সত্য।

On recevait des informations par-ci par-là sur la crise de l'hôpital public à Chittagong à cause de la COVID-19. Cela devient de pire en pire chaque jour, et cet incident en témoigne. Ce n'est pas un cas isolé, c'est la nouvelle réalité et une triste vérité.

On constate également une pénurie d'oxygène pour les hôpitaux, car des gens aisés en font des stocks par crainte de la maladie, empêchant ainsi le système de santé public d'y avoir accès. Le Bangladesh dépendant fortement de l'importation pour le matériel médical et celle-ci ayant été temporairement mise à l'arrêt, cette pénurie de matériel permettant de dispenser de l'oxygène représente un sérieux défi. Fournir de l'oxygène est en effet l'une des principales méthodes pour traiter les patients atteints de la COVID-19.

L'internaute Masud Karim rapporte sur Twitter :

“Le prix de l'oxygène grimpe en flèche, les traders manipulent le prix de la bombonne et de sa location devant l'augmentation de la demande due à la crise de la Covid19″ écrit Kamrun Nahar.

Cependant, les patients atteint du coronavirus ne sont pas les seuls à souffir. Les autres patients non-atteints de la COVID mais souffrant de pathologies respiratoires se voient également refuser le traitement, de peur qu'ils soient des porteurs asymptomatiques.

Des protections insuffisantes pour le personnel médical

Lire aussi : Bangladesh : les professionnel·le·s de santé aux prises avec la pénurie de moyens, la stigmatisation et les restrictions

Les médecins et le personnel médical en première ligne sont également victimes de la détérioration des systèmes de santé du pays. 1 169 médecins ont été contaminé·e·s depuis la deuxième semaine de juin 2020 et 35 sont décédé·e·s de la COVID-19.

Le manque d'équipements de protection individuelle (EPI) dans le pays expose d'autant plus les médecins et infirmier·re·s. Il n'y a pas de données disponibles concernant le nombre de professionel·le·s de santé sous traitement, en quarantaine ou contaminé·e·s, mais la gestion de ce problème s'annonce difficile.

“Les infirmier·e·s et les sage-femmes sont en première ligne contre la COVID19, et doivent donc se protéger, avoir accès à des EPI et à une véritable formation pour savoir les utiliser efficacement.” – Dr Dewan Emdadul Hoque, Fonds des Nations unies pour la population, Bangladesh.

Levée du confinement malgré le nombre croissant de contaminations

Malgré le nombre croissant de cas de COVID19, le Bangladesh a levé son confinement le 31 mai 2020. Les spécialistes estiment que l'augmentation du nombre de contaminations est due au respect peu strict des différentes phases du confinement, qui avait été qualifié de jours fériés.

Le 13 juin 2020, l'entrepreneur Nazmul Hossen Shwroz rapportait sur Facebook [bn] que le Bangladesh avait dépassé la Chine en nombre de cas de coronavirus confirmés :

♦️করোনা আক্রান্তের সংখ্যায় চীনকে ছাড়াল বাংলাদেশ..!

♦️গত বছরের ডিসেম্বরের শেষ দিকে করোনাভাইরাস মহামারী শুরু হয়েছিল চীন থেকে। সেই দেশটি একে একে ১৮টি দেশের পেছনে পড়ে গেল। এবার আক্রান্তের সংখ্যায় তাদের পেছনে ফেলল বাংলাদেশও।

Le nombre de personnes atteintes de la Covid-19 au Bangladesh dépasse celui de la Chine (se classant au 18e rang).

L'épidémie a démarré en Chine en décembre dernier. 18 pays du monde comptent à présent plus de personnes contaminées que la Chine.

Vers un confinement par région ?

Le 10 juin, Manzil Morshed, avocat à la Cour suprême, a déposé une requête au nom de l'avocat Mahbubul Islam, demandant un confinement strict à Dakha, afin de diminuer le nombre de contaminations.

Depuis le 9 juin 2020, le Bangladesh tente d'établir un système de confinement par région, attribuant à chacune un indice de vigilance rouge, jaune ou vert en fonction de l'importance du taux de contamination rapporté par la population locale, dans l'objectif de limiter la propagation du virus. L'observation de 40 cas pour 100 000 personnes entraîne une catégorisation de la région en rouge. Ces zones rouges sont mises sous confinement strict : interdiction de quitter son domicile et entrée interdite aux non-résidents.

Les camps de réfugiés surpeuplés de Cox's Bazar accueillant des Rohingyas sont également surveillés de près, le nombre de personnes testées positives au coronavirus ayant dépassé les 35, avec officiellement 5 morts environ.

Le réalisateur Shafiur Rahman rapporte sur Twitter :

Voici une liste des consignes à suivre dans la zone rouge d'Ukhiya. Cela concerne également les camps de réfugiés Rohingyas.

Cependant, la mise en œuvre de ce confinement par région s'annonce difficile, comme le montre le Dr Parvez Reza sur Twitter :

Un habitant de l'est de Rajabazar essaye de fuir la zone rouge, une zone mise en confinement strict pour ralentir la propagation du COVID-19.

[Traduction de l'image] L'est de Rajabazar a été désigné comme une zone rouge par le ministère de la Santé, qui a ordonné un confinement afin de limiter la propagation de la Covid-19. IL EST INTERDIT DE SORTIR !

Le comité national consultatif sur la COVID-19 a récemment conseillé d'étendre le confinement autant que possible à la majeure partie de la zone à risque pour limiter la propagation du virus. L’instauration complète du confinement par région devrait commencer à la mi-juin.

Soykat Bin Rahman, un internaute, explique sur Twitter :

Face à l'augmentation du nombre de cas et de morts du coronavirus au Bangladesh, le gouvernement s'organise pour confiner les zones à risque (zones rouges) et interdira toute entrée ou sortie de ces régions.

Dr. Ashikur Rahman estime que la situation au Bangladesh nécessite un confinement strict :

Le Bangladesh doit imposer un confinement strict avant que cette vague de Covid-19 ne se transforme en un tsunami. On ne peut plus attendre, des gens meurent dans les rues. J'espère et je prie pour qu'un changement de politique arrive.

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