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À la manière de #BlackLivesMatter, les Indien·ne·s tentent de sensibiliser leurs concitoyen·ne·s grâce à l'action des médias sociaux autour de #DalitLivesMatter.
Ce hashtag a été utilisé pour la première fois en novembre 2014, peu de temps après que #BlackLivesMatter ne soit devenu incontournable. Cependant, depuis mai 2020, #DalitLivesMatter a suscité plus de réactions que pendant toute l'année 2019 (les réactions sont mesurées en fonction du nombre de messages ayant reçu 10 réponses ou plus, de messages similaires et, enfin, du nombre de retweets).
Le combat contre la subordination systémique et sociale des Afro-Américains a longtemps trouvé un écho auprès des Dalits, personnes issues de castes inférieures [fr] considérées et traitées comme « intouchables » en Inde. C'est en 1972 que se crée le groupe des Dalit Panthers, qui s'inspire de l'activisme social du Black Panther Party [fr].
Traditionnellement, en Inde, les Dalits se voient exclu·e·s de l'éducation, de la propriété foncière et de l'emploi. Bien que la constitution indienne bannisse la discrimination fondée sur la caste, les pratiques concernant le statut d'intouchable persistent chez plus de la moitié des familles de la classe supérieure. Les infractions mineures perpétrées par les Dalits sont passibles de sanctions allant de l’humiliation à la mort.
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Dans un article paru en 2020 dans le Journal of Business Ethics, et intitulé Comprendre les inégalités économiques à travers le prisme des castes, les auteur·e·s Hari Bapuji et Snehanjali Chrispal constatent :
the caste system influences every aspect of socioeconomic life in the Indian subcontinent and elsewhere, through prescriptions that prohibit and restrict actors in particular social arrangements….maintains socioeconomic inequalities through everyday practices and habits, such as last names, food habits, clothing styles, ceremonies, rituals and relationships.
En outre, le système des castes affecte tous les aspects de la vie socio-économique dans le sous-continent indien et ailleurs, au travers de réglementations prohibant et bridant les acteurs selon des modalités sociales particulières…. il maintient les inégalités socio-économiques au moyen de pratiques et de coutumes quotidiennes, tels que les noms de famille, les habitudes alimentaires, les styles vestimentaires, les cérémonies, les rituels et les relations.
En cas de discrimination, les Dalits ne disposent que de peu de recours. De nombreux témoignages démontrent que la police a un parti pris vis-à-vis des personnes dont l'appartenance à certaines castes est visible.
A Dalit boy was killed by boys from upper caste families after he prayed in a temple in Amroha, UP. Police is denying it rather suggesting it looks as a ‘fight’ between boys. This is how historically caste operates in India and continue to do today. #DalitLivesMatter pic.twitter.com/ufrCBzLTtB
— The Dalit Voice (@ambedkariteIND) June 9, 2020
Un jeune Dalit a été assassiné par des garçons de familles de caste supérieure, pour avoir prié dans un temple à Amroha, dans l'État d'Uttar Pradesh. Mais la police dément ce fait, arguant que ce meurtre est le résultat d'une “bagarre” entre garçons. Voilà le mode de fonctionnement historique des castes en Inde, et il est toujours en vigueur aujourd'hui.
— The Dalit Voice (@ambedkariteIND)[image] L'image, sur deux plans, montre un jeune garçon mort, enveloppé dans un sac en plastique et recouvert d'un linceul blanc. Des personnes prennent soin de lui et sont autour de lui. De larges feuilles vertes sont posées sur le corps du jeune garçon.
Ces faits divers sont corroborés dans un rapport [pdf], publié en 2019 par l'organisation à but non lucratif Common Cause et le Centre d'étude des sociétés en développement (Center for Study of Developing Societies), qui examine les préjugés de la police en Inde. Le rapport a constaté que 50 % des effectifs de police considèrent comme mensongères ou disproportionnées les atrocités commises à l'encontre des Dalits.
Selon un rapport de la Convention des Nations unies contre la torture [pdf], la partialité de la police se traduit sur le terrain par le fait que plus de la moitié des prisonniers indiens appartiennent à des groupes marginalisés et sont plus susceptibles que les autres de mourir en détention.
A total of 1,731 persons died in custody in India during 2019 which comprises almost five such deaths daily and most of the victims belong to the poor and marginalised communities including Dalit, tribal and Muslim.
– MuslimMirror#DalitLivesMatter #MuslimLivesMatter— Apurv Jyoti Kurudgikar (@ApurvKurudgikar) July 2, 2020
En 2019, 1 731 personnes ont trouvé la mort en détention en Inde, soit près de cinq décès par jour. La majeure partie des victimes sont issues des communautés pauvres et marginalisées, notamment les Dalits, les peuples autochtones et les musulmans.
— Apurv Jyoti Kurudgikar (@ApurvKurudgikar)
En raison du manque de protection policière, les Dalits restent à la merci des mœurs sociales anciennes selon lesquelles ils seraient « des inférieurs » et se situeraient au bas de l'échelle d'un système socio-économique stratifié.
Darbhanga, Ashok Paswan's daughter Jyoti Kumari went to the mango behind the adjacent house. Arjun Mishra caught sight of the Dalit girl while breaking the mango and caught her and killed her with a stone.
The terror of Brahmin litigants is increasing in Bihar.#DalitLivesMatter pic.twitter.com/RL5Okq14Qf— Apurv Jyoti Kurudgikar (@ApurvKurudgikar) July 2, 2020
La fille d'Ashok Paswan, Jyoti Kumari, est allée près du manguier situé derrière la maison voisine. Arjun Mishra a aperçu cette fille Dalit alors qu'elle coupait une mangue, il l'a alors attrapée puis assassinée avec une pierre.
Au Bihar, la terreur des plaignants brahmanes ne cesse de progresser.
— Apurv Jyoti Kurudgikar (@ApurvKurudgikar)[image] Gros plan sur le visage d'une jeune fille tuée à coups de pierre. Elle est étendue sur l'herbe. Le cou de la victime porte une blessure et ses yeux sont moirés. La victime porte un haut à fleurs.
L'épidémie de coronavirus a accentué ces difficultés pour les Dalits qui vivent dans un environnement surpeuplé et disposent d'un accès insuffisant aux services médicaux. Outre l'aggravation de leur marginalisation, la violence à leur égard s'est intensifiée.
On a reproché aux Indien·ne·s en faveur de #BlackLivesMatter de soutenir les luttes des Afro-Américain·e·s tout en se faisant les complices de la subordination de leurs compatriotes.
Indians’ support to #BlackLivesMatter is hollow and utterly useless if we don't talk about atrocities on Dalit lives here. We don't talk / outrage enough about this. #DalitLivesMatter https://t.co/sWm6w1DOfB
— V (@ivivek_nambiar) June 11, 2020
Si l'on ne parle pas des atrocités que subissent les Dalits, le soutien des Indien·ne·s envers #BlackLivesMatter est vide de sens et absolument sans intérêt. Nous ne parlons pas suffisamment de ce sujet.
— V (@ivivek_nambiar)[description vidéo] Des hommes défilent sur un chemin. Ils ont été tondus et portent leurs chaussures autour de leur cou. La vidéo est floue mais on devine que les hommes ont été battus.
Les Indien·ne·s ayant une forte conscience sociale combattent la sujétion des Dalits au moyen de programmes sur le long terme, tels que l'encouragement à la création d'entreprise et le développement de l’éducation. Comme le disait le docteur Bhim Rao Ambedkar [fr], visionnaire Dalit, la réforme sociale sera difficile, mais elle n'est pas impossible.