Au Ghana, le COVID-19 nuit à l'apprentissage des étudiant·e·s en situation de handicap

Quand le COVID-19 a frappé le Ghana, beaucoup d'étudiant·e·s ayant des besoins spécifiques ont dû passer à l'apprentissage en ligne sur des plateformes numériques non adaptées. Photo d'un utilisateur de téléphone portable au Ghana par Amuzujoe, 22 juillet 2019, via Wikimedia Commons, sous licence CC BY 4.0.

Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais.

Malgré les multiples réformes de l'enseignement au Ghana, l'apprentissage scolaire des étudiant·e·s en situation de handicap est souvent négligé.

Depuis l'arrivée du coronavirus au Ghana, les chercheur·e·s examinent l'impact du virus sur les étudiants de la classe moyenne et du milieu rural. Cependant, personne ne s'est intéressé aux étudiant·e·s en situation de handicap et à leur apprentissage en ligne.

En passant à l'apprentissage en ligne, les étudiants malentendants et malvoyants ont dû faire face à des difficultés techniques, économiques et sociales.

À l'heure actuelle, les étudiants malentendants et malvoyants de bon nombre d'institutions de l'enseignement supérieur apprennent sur Zoom, Telegram et WhatsApp - des plateformes digitales non adaptées à l'enseignement à distance et aux besoins des personnes ayant des déficiences visuelles et auditives.

Beaucoup d'étudiants malentendants, qui ne disposent pas d'assistance technique comme les prothèses auditives, se sont retrouvés sans interprètes de langue des signes. Les personnes peu familières de la langue des signes ont aussi été particulièrement impactées. Quant aux étudiants malvoyants, ils n'étaient plus en mesure de recevoir l'aide de leurs amis voyants.

Lors d'une conversation avec Global Voices sur WhatsApp, Esinam Aleawobu, une étudiante malentendante de l’École normale presbytérienne d'Akropong, raconte son expérience d'apprentissage en ligne :

Sometimes some tutors will use audio instead of caption. But I am deaf, I can’t hear on audio. That means an interpreter is supposed to translate it for deaf people. I have to meet the interpreter through the Zoom app. But unfortunately, we can’t meet often due to network connection problems and some phone problems.

Parfois, certain·e·s enseignant·e·s utilisent la bande son au lieu du sous-titrage. Mais, comme je suis sourde, je n'entends rien. Un·e interprète est censé·e traduire pour les personnes malentendantes. Je dois rencontrer mon interprète sur Zoom mais malheureusement, cela n'arrive pas souvent à cause des problèmes de connexion et de téléphone.

Quand les professeur·e·s se sont rendu compte de la quantité importante de données consommées par les cours en ligne au format vidéo, ils ont cherché des alternatives moins coûteuses, comme les cours sur Powerpoint avec audio, qui incluent également le son et l'image. Au Ghana, 1 gigaoctet de données équivaut en moyenne à 10 cedis (1,72 dollar US).

Julius Yaw Klu, un étudiant malvoyant de l’École normale presbytérienne d'Akropong, ne peut pas facilement accéder aux cours en ligne avec son téléphone vieux de 4 ans, maintenant obsolète :

The problem that I faced with audiovisual is the same problem I have with the PowerPoint. Sometimes it takes about 30 minutes for me to be able to access the lecture. Sometimes I have to wait for the class to end so that I can borrow a computer and use it to access the lecture.

J'ai les mêmes problèmes avec les cours sous formats vidéo et PowerPoint. Il me faut parfois 30 minutes avant d'accéder à un cours. D'autres fois, je dois attendre la fin de la séance pour emprunter un ordinateur et accéder au cours.

Daniel Kwarko, un étudiant malvoyant de l’École normale presbytérienne d'Akropong, partage des préoccupations similaires :

Most of the documents we get, the phone can open it, but it cannot read it. And it is difficult for those of us who are visually-impaired. And sometimes you cannot find someone to read it for you. You cannot find someone to always be there to read your notes for you. The phones cannot read the PowerPoint and the slides but the laptop does all those functions. You can even use the laptop to convert documents so that they can be accessible for JAWS [a screen reader program].

Les téléphones portables peuvent ouvrir la plupart des documents que nous recevons mais ils ne peuvent pas les lire. C'est une situation difficile pour les déficients visuels. Nous ne pouvons pas toujours trouver quelqu'un pour nous lire des documents. Nous ne pouvons pas toujours trouver quelqu'un pour nous lire les notes. Contrairement aux téléphones portables, les ordinateurs peuvent lire les diaporamas Powerpoint. Ils peuvent même convertir des documents en langage compatible avec JAWS [un logiciel de lecture d'écran].

Selon ces étudiant·e·s, accéder à des ordinateurs modernes faciliterait grandement leur apprentissage en ligne.

Vers un enseignement inclusif

Au Ghana, la politique d'éducation inclusive [pdf] de 2015 « garantit un environment d'apprentissage sans barrières, où tous les élèves, y compris ceux ayant des handicaps, peuvent circuler en toute sécurité et librement, utiliser des locaux et participer à l'enseignement et à tous les aspects de la vie scolaire ».

Cependant, des études montrent qu'un enfant handicapé sur 5, entre 6 et 24 ans, « n'est jamais allé à l'école et celles et ceux qui y vont sont souvent stigmatisé·e·s et souffrent de discrimination. »

Malgré les efforts [pdf] pour rendre l'enseignement plus inclusif, les étudiant·e·s ayant des déficiences visuelles et auditives sont victimes d'une fracture numérique quant à l'apprentissage en ligne. Cette fracture les marginalise et accentue les inégalités du système de formation des enseignant·e·s au Ghana.

Lors d'un entretien téléphonique avec Global Voices, Mohammed Salifu, professeur et secrétaire exécutif du Conseil national de l'enseignement supérieur, a indiqué la mise en place de mesures pour répondre aux besoins des étudiant·e·s en situation de handicap :

We need to make sure that all the interventions we are making are actually tailored to their needs. So the college principals have been proactive in communicating to us. We are partnering with various organizations to address these interventions. These days there are global partners coming in to make submissions regarding how they can help. Even UNESCO [United Nations Educational, Scientific, and Cultural Organization] is trying to provide these funds to support special needs students. I wouldn’t say that we have comprehensively addressed all the issues, but we are working toward them.

Nous devons nous assurer que toutes nos mesures répondent à leurs besoins. Les directeurs d'établissements communiquent régulièrement avec nous. Nous avons des partenariats avec plusieurs organisations. Des partenaires du monde entier se manifestent pour apporter leur soutien. Même l'UNESCO [l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture] est à la recherche de fonds pour soutenir les étudiant·e·s ayant des besoins spécifiques. Je ne peux pas dire que nous ayons résolu tous les problèmes, mais nous y travaillons.

L'association « Transformer la formation des enseignants et l'apprentissage » (T-TEL), présente au Ghana, veille également à rendre l'apprentissage en ligne plus inclusif pour les déficients visuels et auditifs. Par exemple, elle fournit des crédits pour du matériel pédagogique en braille, la distribution de smartphones permettant l'accès à internet, et la mise à disposition d'outils de synthèse vocale.

Élargir l'accès à l'éducation

Selon la loi de 2006 relative aux personnes en situation de handicap, les bâtiments publics doivent être accessibles. Cependant, des études montrent que la plupart des bâtiments publics au Ghana ne sont pas adaptés.

Les établissements scolaires traditionnels ne peuvent pas accueillir les personnes handicapées et les quelques écoles spécialisées manquent cruellement de moyens et de ressources.

Selon un article publié par la Ghana Broadcasting Corporation (GBC), le manque de financements a conduit à une situation où l'école pour aveugles d'Akropong ne dispose de matériel pédagogique en braille que pour un élève sur trois, si bien que ceux-ci doivent se partager les manuels. Pour Simon Adedeme, le directeur du cycle primaire, c'est un frein à l'enseignement et à l'apprentissage.

Dans bon nombre d'établissements d'enseignement supérieur, les professeurs, administrateurs, et étudiants sont peu informés et manquent de moyens pour pallier à la marginalisation structurelle des étudiants en situation de handicap.

Beaucoup de personnes handicapées sont orientées vers des apprentissages professionnels ou autres types de travaux pratiques. Elles sont généralement dissuadées de s'ouvrir intellectuellement aux différentes branches de l'enseignement supérieur.

Sur les 46 écoles normales du Ghana, seulement trois sont des centres d'éducation inclusive où les personnes handicapées peuvent obtenir un diplôme universitaire de niveau licence (bachelor's degree) et se former au métier d'enseignant.

Le taux d'inscription des déficients visuels et auditifs dans ces trois établissements reste faible [pdf] en dépit de récents efforts pour améliorer les locaux et attirer plus de personnes handicapées vers une carrière dans l'enseignement.

Il est primordial de travailler en étroite collaboration avec les étudiant·e·s ayant des besoins spécifiques pour mettre en place et maintenir une bonne intégration et un bon accueil. Il nous faut travailler d'arrache-pied à l'élaboration [pdf] de politiques efficaces pour que les personnes en situation de handicap au Ghana ne soient plus mises à l'écart du système éducatif – aussi bien pendant qu'après la pandémie.

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.