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Inde : des défenseurs de la langue santali lancent le premier magazine en ligne

Catégories: Asie du Sud, Bangladesh, Inde, Népal, Cyber-activisme, Good News, Langues, Médias citoyens, Technologie, Rising Voices
La page d'accueil du magazine Birmali, en santali. Le logo et le design sont de couleurs vives, dans des tons bleu et rose. [1]

Page d'accueil du magazine en ligne Birmali. Capture d'écran du site internet du magazine [2] (usage loyal).

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en santali, ndt.]

Des défenseurs de la langue santali [3] [fr] de l'État d'Odisha, à l'est de l'Inde, ont récemment mis en ligne le tout premier magazine dans cette langue. Bien que les 7,6 millions de locuteurs natifs aient déjà connu d'autres types de publications en ligne, le magazine Birmali [4] est le tout premier du genre.

Le magazine Birmali a été lancé pour commémorer le 116e anniversaire de Pandit Raghunath Murmu [5] [en], également connu sous le nom de « Guru Gomke », l'inventeur du Ol chiki [6] [en], le système d'écriture de la langue santali. Avant l'invention du OI chiki en 1925, le santali était une langue orale translittérée dans les alphabets latin, devanagari, odia et bengali. Le santali a été ajouté à la huitième annexe de la Constitution indienne [7] [en], ouvrant ainsi la voie, en 2011, à son accession au statut de langue officielle au Jharkhand [8] [en] et au Bengale-Occidental [9] [en]. Cependant, en tant que langue, le santali reste confronté à de nouveaux défis, comme le souligne Shikha Mandi [10] [en], première présentatrice radio en langue santali en Inde :

[..]The problem is lies in this — everyone tells me that they don't understand when I speak in my mother tongue. If everyone starts making Bangla or Hindi or English their own, even Santhalis themselves will forget their own language.[..]

[…] Le problème réside dans le fait que des gens me font savoir qu'ils ne comprennent pas ce que je dis dans ma langue maternelle. Si tout le monde commence à s'approprier le bengali, l'hindi ou l'anglais, même les Santals finiront par oublier leur propre langue […].

Les Santals [11] [en] font partie des plus de 700 communautés autochtones. La majorité vit en Inde mais cette population est également présente au Bangladesh, au Népal et au Bhoutan. D’après le recensement de 2011 [12] [en ; pdf], les 104 millions de personnes autochtones représentent 8,6 % de la population totale de l'Inde.

…@Naveen_Odisha tout premier magazine santali en ligne birmali publié sur https://t.co/LKCQo310uy [16] par @BaskeyFagu1 @Ramjit_Tudu @ashwanimurmu en commémoration du 116e anniversaire de Pt. Raghunath Murmu.

[image] Capture d'écran de la page d'accueil du magazine en ligne Birmali.

Subhashish Panigrahi de Rising Voices (RV) a contacté, via Facebook Messenger, trois rédacteurs du magazine BirmaliAshwani Banjan Murmu [22][en], Fagu Baskey et Ramjit Tudu [23] [en] – afin de recueillir leur vision du magazine.

Rising Voices (RV) : Parlez-nous davantage de Birmali. Pourquoi avez-vous lancé ce magazine en ligne ?

Fagu Baskey: Birmali is the first-ever online magazine in Santali. The Santali people have very little access to the Santali literature when they can now access the world's knowledge online. So we started working on bridging this gap. Just like a printed magazine, Birmali includes essays, poetry, stories, book reviews, entertainment news and even a special section for children's literature.

Fagu Baskey (FB) : Birmali est le tout premier magazine en ligne en langue santali. Les Santals ont très peu accès à la littérature santaline et éprouvent beaucoup de difficultés à accéder aux informations mondiales en ligne. C’est dans le souci de résoudre ce problème que nous avons lancé le magazine. Tout comme un magazine imprimé, Birmali comprend des articles, des poèmes, des histoires, des critiques d’ouvrages, des rubriques de divertissement et même une section spéciale dédiée à la littérature pour enfants.

RV : Quel est l'état des lieux actuel du santali et des publications en santali ? Qu'en est-il des publications en ligne ?

Ramjit Tudu: With official language status and a diaspora spread in India, Bangladesh and Nepal, there are many literary magazines, textbooks that are published in Santali from India. But there are only a few newspapers in print. Santali is poorly represented online. When it comes to web resources, one can find some linguistic resources that have been created by the Centre for Development of Advanced Computing [24] (C-DAC) and some content created by Vikaspedia [25]— both maintained by the Indian government. Besides these two, there is a Santali Wikipedia [26] which would probably be the only encyclopaedic resource in Santali online. We also have a Santali edition of publications like Global Voices [27] and StoryWeaver [28] (children's literature). Some of us are involved in an initiative called Olchiki Tech [29] which focuses on promoting Santali on digital and online platforms. There are two online news portals — Sar Sagun Patrika [30] and Santali News [31]— that are currently available.

Ramjit Tudu (RT) : Grâce au statut de langue officielle et à une diaspora répartie entre l’Inde, le Bangladesh et le Népal, de nombreux magazines littéraires et manuels scolaires sont publiés en santali de l'Inde. Mais il n'existe que peu de journaux en version imprimée. Le santali est peu représenté en ligne. En ce qui concerne les ressources web, il existe quelques ressources linguistiques créées par le Centre pour le développement de l'informatique avancée [24] (C-DAC) et quelques contenus créés par Vikaspedia [25] – tous deux gérés par le gouvernement indien. En plus de ces deux ressources, il existe une version en langue santali de Wikipedia [26] qui est sans doute la seule ressource encyclopédique en ligne en langue santali. Nous avons également une édition santali de publications comme Global Voices [27] et StoryWeaver [28] (littérature pour enfants). Certains d'entre nous sont impliqués dans une initiative baptisée Olchiki Tech [29] dédiée à la promotion du santali sur les plateformes numériques et en ligne. Deux portails d'information en ligne - Sar Sagun Patrika [30] et Santali News [31] – sont actuellement disponibles.

SP : Comment comptez-vous augmenter le nombre de lecteurs de Birmali ?

Ashwani Murmu: As an online publication gives us the freedom to not have any geographical boundaries, we aim to take Birmali to the Santals who are in India, and also in Bangladesh and Nepal, and even further. We are in contact with the Santali readers and writers outside India. New and emerging as well as well-reckoned writers need a platform to express [themselves]. Similarly, readers also need all forms of literature. We hope to provide that platform to Santali readers and authors for free of any charges, and by using social media to reach out to more readers. Our goal is to have our language at par with the majority languages.

Ashwani Murmu : Étant donné qu’une publication en ligne offre la liberté de briser les frontières géographiques, nous comptons mettre Birmali à la disposition des Santals vivant non seulement en Inde, mais aussi au Bangladesh et au Nepal, et même plus loin. Nous sommes en contact avec des lecteur⸱ice⸱s et écrivain⸱e⸱s Santals résidant à l'extérieur de l'Inde. Les auteurs, nouveaux et émergents, ainsi que celles et ceux qui sont reconnu⸱e⸱s, ont besoin d'une plate-forme pour [s'exprimer]. De même, le public a également besoin de toutes les formes de littérature. Nous espérons fournir gratuitement cette plateforme aux lecteur⸱ice⸱s et aux auteur⸱e⸱s Santals, tout en recourant aux réseaux sociaux pour élargir notre lectorat. Notre objectif est de placer notre langue au même niveau que les langues dominantes.

Le taux d'alphabétisation chez les Santals varie d'un pays à l'autre : de 48,30 % au Népal [32] [pdf] à environ 55 %en Inde (55,57 % dans l'État d'Odisha [33] [pdf] et 54,72 % au Bengale-Occidental [34] [pdf] – chiffres basés sur le recensement de 2011). Le faible statut économique [35] [pdf] constitue l'un des principaux obstacles à l'accès à l'éducation.

Birmali a encore un long chemin à parcourir pour gagner en popularité auprès des internautes qui lisent le santali. Avec environ 300 000 consultations de pages par mois [36] [en], Wikipedia en langue santali affiche un lectorat plus faible sur les appareils mobiles – ce qui signifie que de nombreux utilisateurs d’appareils mobiles ne lisent et n'écrivent pas encore en santali sur les plateformes mobiles. En Asie du Sud, les locuteur⸱ice⸱s de la langue santali sont en grande majorité des utilisateurs d'Internet mobile [37] [en ; pdf].

Note : En 2014 et 2015, l'auteur était employé par le Centre pour l'Internet et la société [38] [en] en tant que responsable d'un projet destiné à créer une police de caractères et un outil de saisie de texte pour la langue santali.