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COVID-19: En Équateur, la communauté trans envisage des poursuites judiciaires contre l’État pour défaut d'aide d'urgence

Catégories: Equateur, Action humanitaire, Droits humains, LGBTQI+, Médias citoyens, COVID-19

Rashell Erazo à une marche pour les droits des LGBTQIA+ en 2018, brandissant une pancarte où on peut lire “Je ne veux pas mourir d'être trans”. Photo utilisée avec autorisation.

Cet article fait partie de notre dossier spécial [1] sur la fierté LGBTQIA+.

[Sauf mention, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en espagnol, ndlt]

En Équateur, la communauté trans survit grâce à la solidarité entre ses membres en cette période de pandémie, face au peu ou à l'absence de l’État. À la date de publication de cet article, l’Équateur [2] [fr] avait une moyenne de 56 000 cas confirmés [le pays dépasse aujourd'hui les 85 000 cas confirmés, ndlt] et 4 500 décès liés à la Covid-19 [5 700 à l'heure actuelle, ndlt], mais compte [3] malgré cela relancer les activités économiques du pays.

Depuis 2008, la législation équatorienne protège [4] de la discrimination les personnes de toutes les orientations et identités sexuelles. La communauté trans est tout de même confrontée à des situations “dramatiques”, comme le signale Rashell Erazo à Global Voices. Présidente de l’ALFIL [5], une association LGBTQIA+ équatorienne, elle est également la représentante nationale de Redlactrans [6] (abréviation de “réseau latino-américain et caribéen des personnes trans”). Elle estime que la communauté LGBTQIA+ entre dans la catégorie de “population prioritaire” selon la définition de plusieurs décisions [7] de la Cour Constitutionnelle du pays.

En outre, la Commission inter-américaine des droits de l'Homme (CIDH) a publié en avril 2020 un communiqué [8] appelant les États à garantir les droits des personnes LGBTQIA+ dans leur réponse à la pandémie de COVID-19.

Pour Rashell Erazo, l’Équateur n'aide pas cette population, et elle recherche à présent des moyens légaux d'attaquer l’État pour son manque d'assistance humanitaire. Elle témoigne ainsi de l'absence de réaction de l'État : dans la pratique, le Ministère de l'inclusion économique et sociale ( MIES), a l'obligation d'apporter une aide humanitaire à la communauté trans. Madame Erazo affirme avoir remis au MIES une liste de cent personnes trans se trouvant dans une situation d'extrême pauvreté, dans l'objectif de les voir inclu.e.s dans l'aide financière d'urgence [9] proposée à la suite de la pandémie : la somme de 120 $ distribuée à 950 000 personnes. Elles restent dans l'attente d'y avoir droit.

La solidarité est très importante dans la communauté trans équatorienne. “Certaines personnes parmi nous ont un niveau de vie plus élevé, qui leur permet de faire des dons de nourriture à nos camarades travailleuses du sexe,” explique-t-elle.

Global Voices a pu s'entretenir avec Rashell Erazo de la situation et des actions prévues pour la communauté trans en Équateur. Cet entretien a été édité pour des raisons de clarté et d'espace disponible.

 Carlos Flores (CF): Quelle est la situation de la communauté trans dans ce contexte de pandémie ?

Rashell Erazo (RE): Desde el 16 de marzo que comenzó el estado de excepción (vía decreto ejecutivo [10]) se podría decir que la pandemia ha venido a visibilizar más la invisibilización de la población trans. Esto en todos los contextos que nos engloban como la pobreza extrema y la supervivencia laboral (el subempleo), alrededor de lo que nosotras transitamos que son el trabajo sexual, la peluquería y labores manuales. Por decreto ejecutivo han sido consideradas como no esenciales y esto ha vulnerado cada uno de los espacios de supervivencia de la población trans, obligándonos a violar el decreto ejecutivo porque no era posible continuar [acatando al decreto], al cabo de un mes del estado de excepción, sin tener el sustento diario. Es dramático. Hay personas que dicen que todos estamos siendo comparados, pero no se puede comparar una población con un perfil de alta vulnerabilidad y exclusión que vivimos con el resto de población cisgénero y heterosexual.

Rashell Erazo (RE) : Depuis le début de l'état d'exception (par décret [10]) le 16 mars, on peut dire que la pandémie a mis en lumière l'invisibilité des personnes trans. Nous sommes en toutes circonstances en situation de grande pauvreté et d'emploi précaire et de sous-emploi, car les emplois autour desquels nous gravitons sont le travail du sexe, la coiffure et les emplois manuels. Du fait de ce décret, nous avons été considérées comme non-essentielles, ce qui a fragilisé tous les moyens de survie de la communauté trans, nous obligeant à ne pas respecter le décret parce qu'il n'était plus possible de le suivre, au bout d'un mois d'état d'exception, sans avoir de quoi survivre au quotidien. C'est dramatique. Il y a des gens qui disent que tout le monde est dans une situation comparable, mais on ne peut pas comparer une population aussi vulnérable et marginalisée que la nôtre avec le reste de la population cisgenre et hétérosexuelle.

CF: A la fin du mois de mars dernier, Guayaquil a été fortement touchée [11] par la pandémie. Comment la communauté trans fait-elle face à cela ?

RE: Nosotros hemos tenido contactos fraternos con los grupos LGBTI, como Plan Diversidad o Casa de las Muñecas. Creo que la situación de las compañeras ha sido dramática. En principio tuvieron que resistir con todas sus fuerzas para acatar el Estado de Excepción por la gravedad que implica el azote de la pandemia y la proyección brutal de la curva de contagio. En Guayaquil hubo formas de solidaridad entre nosotras, ya que esperar que el Estado reconozca los convenios internacionales, como el exhorto de la CIDH indicando que en esta pandemia el Estado debe considerar a las poblaciones LGBTI como atención prioritaria, eso no ha ocurrido. No tenemos conocimiento que se haya registrado un alto número de compañeras que se hayan afectado. De hecho no podemos ni siquiera saber cuántas compañeras trabajadoras sexuales, no solo en Guayaquil sino en las principales ciudades, puedan estar contagiadas con Covid. El acceso a las pruebas es prácticamente nulo para la comunidad LGBTI.

RE : Nous avons eu de bons contacts avec les associations LGBTQIA+, telles que Plan Diversidad et Casa de las Muñecas ( en français: “la Maison de poupées”). Je pense que la situation de nos camarades est dramatique. Par principe, nous avons été jusqu'au bout de nos forces pour respecter l'état d'exception, parce que nous avons conscience du danger posé par le fléau de la pandémie et de la forte hausse de la courbe des contaminations. À Guayaquil, il y a eu une certaine solidarité entre nous, en attendant que l’État adhère aux accords internationaux, la CIDH demandent à l’État d'accorder une attention prioritaire aux personnes LGBTQIA+ durant cette pandémie, ce qui n'a pas été fait. Nous n'avons pas connaissance du nombre de cas comptabilisés parmi nos camarades, ce qui nous empêche, par conséquent, de savoir combien de nos collègues travailleuses du sexe, non seulement à Guayaquil mais aussi dans d'autres grandes villes, peuvent être contaminées par la Covid. L'accès aux tests est quasi-inexistant pour la communauté LGBTQIA+.

CF: Qu'avez-vous entrepris envers l’État afin d'obtenir la mise en place d'une politique spécifique, maintenant que l'on s'attend à ce que la pandémie dure encore plusieurs mois ?

RE: Se hacen acciones paliativas como entregar un kit de alimentos que a veces soluciona temporalmente el problema de alimentos de las compañeras, pero esa no es responsabilidad nuestra como organizaciones de la sociedad civil sino del Estado. Hay que estar muy claros que es el Estado el que tiene la responsabilidad por velar en el tema de ayuda humanitaria y de facilitar la subsistencia de las personas. Tenemos un alto índice de desempleo entre las que nos contamos las mujeres trans y que el Estado limite el derecho de poder realizar el trabajo sexual callejizado, pues, lógicamente estaríamos pensando en juntarnos con organizaciones que manejan el tema legal.

Podríamos estar articulando algún tipo de acción contra el Estado, primero, por mantener en la indefensión total a las poblaciones de atención prioritaria, no atenderlas, especificados en los lineamientos nacionales e internacionales. Si por estos 60 días que ha decretado el gobierno puede volver a recrudecerse el tema de la limitación de derechos, de movilidad y demás, nosotras creeríamos que podríamos optar por una demanda internacional ante la Corte Interamericana de Derechos Humanos porque es una evidente violación del derecho al trabajo, al alimento, a la movilidad. El Estado, y concretamente el Gobierno de Ecuador, no puede seguir ignorando a las poblaciones históricamente maltratadas y que seguimos en resistencia. Hay instrumentos legales que nos amparan.

RE : Nos actions sont palliatives, par exemple, nous distribuons des kits alimentaires, qui peuvent parfois résoudre temporairement la difficulté à se nourrir de nos camarades, mais ce n'est pas le rôle d'associations de la société civile comme la nôtre, c'est celui de l’État. Il faut être très clairs sur ce point: c'est à l'État de veiller à ce qu'une aide humanitaire soit assurée et à ce que les gens aient de quoi vivre. Nous avons un fort taux de chômage. Entre ce que nous rapportent les femmes trans et le fait que l’État limite le droit d'exercer le travail du sexe dans la rue, nous envisageons logiquement à collaborer avec des organismes travaillant dans le domaine du droit.

Nous pourrions organiser une forme d'action contre l’État, d'abord, parce qu'il maintient dans une impuissance totale les populations prioritaires sans fournir aucune des aides prévues par les directives nationales et internationales. Si pendant cette période de soixante jours décrétée par le gouvernement, le problème de la restriction des droits, de la mobilité, et autres, continue à se poser, nous envisageons sérieusement de déposer une plainte internationale devant la Cour inter-américaine des droits de l'Homme, pour violation manifeste du droit du travail, à l'alimentation et au déplacement. L’État, autrement dit le gouvernement équatorien, ne peut pas continuer à ignorer les populations historiquement mal traitées. Nous continuons notre résistance. Il y a des lois qui nous protègent.

Rashell Erazo lutte toujours, avec d'autres associations, pour que l’État remplisse son obligation de répondre aux besoins de la communauté LGBTQIA+ : “c'est l’État et la société qui nous rendent vulnérables. Nous ne sommes pas vulnérables par nature, c'est l’État qui rend une population vulnérable”, conclut-elle.