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Australie: un rapport critique sévèrement la présence de présentateurs majoritairement blancs pour les journaux télévisés et les émissions d'actualités

Catégories: Océanie, Australie, Arts et Culture, Ethnicité et racisme, Média et journalisme, Médias citoyens, Peuples indigènes
Seven Sunrise Breakfast show promotion 2016 [1]

Promotion de l'émission Seven Sunrise Breakfast en 2016 – capture d'écran vidéo provenant de YouTube

[Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient à des pages en anglais, ndt]

Un nouveau rapport de l'organisation Media Diversity Australia met en évidence la prédominance [2] des présentateur·rice·s, des commentateur·rice·s et des journalistes d'origine anglo-celtique dans les journaux télévisés nationaux d'information et d'actualité. Les personnes anglo-celtiques [3] sont celles qui ont des origines britanniques et irlandaises.

Leurs recherches [4] ont examiné 81 émissions d'information et d'actualité diffusées par la télévision d'accès libre sur une période de deux semaines en janvier 2019, comprenant 270 présentateur·rice·s, commentateur·rice·s et journalistes.

Prédominance anglo-celtique

Environ 75% des présentateur·rice·s, commentateur·rice·s et journalistes sont d'origine anglo-celtique contre 58% de l'ensemble des Australiens. 6% des présentateur·rice·s, commentateur·rice·s et journalistes sont d'origine aborigène ou non-européenne contre 24% de la population générale.

Très peu de personnes d'origine non-européenne ou aborigène apparaissent dans les émissions de télévision au petit-déjeuner. L'un des présentateurs les plus renommés, le présentateur Karl Stefanovic de Today Show [5] de Nine Network, se sentant clairement sous-représenté, a posté un message sur Twitter :

Je ne suis pas certain de la différence nécessaire pour être considéré différent, mais je suis d'ascendance yougoslave, allemande et britannique avec pour nom de famille Stefanovic. On avait l'habitude de m'appeler « l'étranger » à l'école. Je suis fier de mes origines. Je suis pratiquement sûr qu'elles sont diversifiées et c'est quelque chose que Nine a toujours soutenu.

— Karl Stefanovic (@karlstefanovic) Le 16 août 2020 [6]

La tempête qui a déferlé sur Twitter après le message de Karl Stefanovic a été abordée [7] en détail par le Special Broadcasting Service [8] (SBS) [fr], qui est détenu par l'État et a l'obligation de fournir des services médiatiques multi-langues et multi-culturels. SBS World News est concernée par le sondage mais pas leurs programmes de Télévision nationale autochtone [9] (NITV).

Voici une des réponses plus modérées à Stefanovic sur Twitter :

Je suis d'origine serbe (mes deux parents sont Serbes), et je suis fier de mon ascendance, mais nous sommes blancs. Personne ne peut nous regarder et affirmer que nous sommes
« ethniques », nous n'avons pas fait face aux problématiques d'être jugés sur la base de la couleur de notre peau. L'étude fait allusion à ceci, nous ne sommes pas concernés.

— Dany Savovic (@d818581dany) Le 17 août 2020 [10]

Sunrise [11], la matinale de la chaîne Seven Network un concurrent du Today Show, a fait face aux critiques sur les réseaux sociaux à la suite de la publication de l'article [12] news.com.au auquel Karl Stefanovic avait répondu.

L'universitaire Susan Carland semblait se réjouir d'avoir publié cette image extraite de l'article :

Cette légende pic.twitter.com/WLmVmdmdFh [13]

— Susan Carland (@SusanCarland) Le 17 août 2020 [14]

[Description de l'image: photo des présentateur·rice·s de l'emission Sunrise à côté d'une personne déguisée portant un costume de vache. En dessous la phrase: Les vaches sont mieux représentées sur Sunrise que la diversité culturelle des Australiens. Photo: Seven Network ]

Le métissage, un obstacle à la carrière

Dans le cadre des recherches, plus de 300 journalistes de télévision ont répondu au sondage en juin 2020 examinant leur perception de la diversité culturelle. Plus de 70% des participant·e·s ont évalué la représentation des hommes et femmes de diverses cultures dans l'industrie des médias comme étant faible, voire très faible. En outre, 77% des sondé·e·s d'origines diverses estiment que le fait d'avoir des origines culturelles diverses constituait un obstacle à l'avancement de la carrière. « On entend par diversité culturelle l'ethnicité d'une personne et l'origine ancestrale ».

Par ailleurs, le rapport affirme qu'en juillet 2020, « 100% des directeurs d'actualité nationale de la télévision d'accès libre ont des origines anglo-celtique (et tous sont des hommes) ». Un rapport de 2018 est parvenu à la même conclusion en ce qui concerne la prédominance des chefs d'entreprise anglo-celtiques dans les salles de réunion, qualifiant la situation de : « Masculine, pâle, et vieillotte [15] ».

Deux des organes de presse, à savoir Seven et Nine, ont été critiqués pour leurs réactions [16] au rapport. Seven le considère comme un « travail en cours », alors que Darren Wick de Nine a répondu :

However, I don’t think simply counting surnames on TV is an effective way of addressing the issue or helps in finding practical solutions to these challenges.

Néanmoins, je ne pense pas que le simple fait de compter les noms de famille à la télévision soit un moyen efficace d'aborder le sujet ou aide à trouver des solutions pratiques à ces enjeux.

Selon Junkee [17] :

Clearly it’s change that’s sorely needed — but instead of committing to help improve things, they’ve both gone on the defence. They’re now being slammed for their victim-blamey response to the findings.

Il est évident que c'est un changement qui est grandement nécessaire —  mais au lieu de s'engager à contribuer à améliorer la situation, ils sont tous les deux sur la défensive. Ils sont maintenant sévèrement critiqués pour leur victimisation à la suite de la publication des conclusions.

Ce commentaire était typique de la critique :

Ceci est tellement hypocrite. Je suis Australien Libanais. J'ai postulé à des postes pour 7 et 9 et je n'ai jamais franchi ne serait-ce que l'étape d'entretien. Je suis titulaire d'un master de journalisme et j'ai obtenu quelques stages non-rémunérés dans des rédactions. https://t.co/r4enzbAM23 [18]

— Shane Bazzi (@shanebazzi) Le 17 août 2020 [19]

Une journaliste de STEM [20] [fr], Rae Johnston [21], est une femme autochtone :

J'ai eu l'habitude de produire et de présenter des séquences techniques sur la principale chaîne du matin. Lorsqu'ils ont réalisé que j'étais aborigène, ils m'ont demandé de parler de sujets relatifs aux affaires autochtones. Peu après mon refus, ils m'ont fait savoir qu'ils ne pouvaient plus payer mes honoraires de 250 $ par séquence. J'ai été remplacée par un homme blanc. https://t.co/DawdPYL6i5 [22]

— Rae Johnston (@raejohnston) Le 17 août 2020 [23]

La marche à suivre

Le rapport propose cinq recommandations pour améliorer la situation : plaider en faveur de la diversité; Ccollecter des données sur la diversité culturelle; fixer des objectifs pour accroître la diversité culturelle; reconnaître les bénéfices économiques d'un personnel plus culturellement diversifié; privilégier la diversité dans la méthode d'organisation pour le recrutement et la promotion.

SBS et l'autre chaîne nationale, la Australian Broadcasting Corporation [24] (ABC), ont pour obligation d'évaluer et de rendre compte de la diversité culturelle, mais ce n'est pas le cas des réseaux commerciaux.

Une journaliste de CALD (culturellement et linguistiquement diversifiée), Andrea Ho, était membre de la diversité d'ABC et du comité d'inclusion lorsqu'elle a été récemment licenciée [25]. Elle a envoyé un avertissement au vieux média sur la nécessité urgente de faire changer les choses :

D'importantes recherches de @MediaDiverseAU [26] aujourd'hui. Mais ne soyez pas surpris, nous les journalistes de CALD, cela fait des années que nous avons prévenu nos employeurs, que nous nous efforçons de changer le statu quo. Les audiences de CALD disposent de grandes possibilités désormais, voici donc votre ticket pour le changement – ou cela sonnera le glas #diversityinmedia [27] https://t.co/O7ASR48vOx [28]

— Andrea Ho (@Andrea_K_Ho) Le 17 août 2020 [29]

L'une des rédactrices du rapport, Usha M. Rodrigues, a exploré les conclusions sur The Conversation with Whitewash on the box [2] : comment un manque de diversité à la télévision australienne nous porte préjudice à tous :

L'étude a également examiné plus de 19 000 articles d'information et d'actualité provenant des réseaux métropolitains et régionaux de la télévision australienne d'accès libre, des émissions durant deux semaines en juin 2019. Il conclut que le manque de diversité est aussi reflété dans la création d'émissions de reportages, dans les questions qu'ils examinent et dans la façon dont ils les examinent.

Vous pouvez télécharger le rapport complet ici [24] [pdf].