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La construction du premier temple hindou à Islamabad se heurte à l'opposition

Catégories: Asie du Sud, Pakistan, Arts et Culture, Droit, Droits humains, Ethnicité et racisme, Gouvernance, Manifestations, Médias citoyens, Politique, Religion
Le temple est peint dans des tons chatoyants, orange, jaune et rouge. [1]

Le temple Umarkot Shiv Mandir à Umarkot, État du Sindh, Pakistan. Image par Harish Chander [1] via WIkipedia, sous licence CC BY-SA 4.0 [2].

L’article d'origine [3] a été publié le 14 juillet 2020.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais, ndlt.]

Le 24 juin, le secrétaire parlementaire aux droits humains, Lal Chand Malhip, a participé à la cérémonie d'inauguration [4] des travaux de construction du premier temple hindou à Islamabad. Cependant, dès le début du chantier, les murs de l'enceinte ont été vandalisés par des islamistes [5] [fr] et des pétitions ont été déposées contre le temple par un groupe d'ecclésiastiques [6].

Condamnation par des groupes religieux

Sur les quelque 221 millions de personnes [7] vivant au Pakistan, plus de 96 % sont musulmanes [8] et environ 1,85 % sont hindoues [9] [pdf] [selon les chiffres officiels du gouvernement], contestés par le Conseil des hindous du Pakistan, qui affirme que la population hindoue est beaucoup plus importante [10].

Selon l’Evacuee Trust Property Board, un organisme du gouvernement pakistanais chargé notamment de la gestion des lieux de culte hindous et sikh, il y a environ 1 300 temples dans le pays [11], dont seulement 30 sont considérés comme actuellement fonctionnels. La construction de ce nouveau temple est destinée à fournir aux quelque 3 000 membres de la communauté hindoue [12] d'Islamabad un lieu pour leurs cérémonies religieuses, leurs mariages, leurs derniers rites et leur crémation.

Fin juin, le Premier ministre pakistanais Imran Khan a approuvé une subvention de 100 millions de roupies [13] (598 000 dollars US) pour la construction du temple Shri Krishna Mandir [14]. La décision de construire le temple à Islamabad a été fortement critiquée. Le président de l'Assemblée du Pendjab [15], Chaudhry Pervaiz Elahi, s'est opposé à cette décision [16] bien qu'il soit associé à la coalition au sein du gouvernement. Jamia Ashrafia [17], un établissement d'enseignement religieux de premier plan à Lahore, a publié une déclaration qualifiant la construction d'anti-islamique et émis une fatwa (décret religieux) contre celle-ci. Le mufti Muhammad Taqi Usmani, un expert en jurisprudence islamique, a ajouté que le problème n'était pas la construction du bâtiment, mais l'origine des fonds [18].

L’Autorité de développement de la capitale [19] (Capital Development Authority, CDA) d'Islamabad [une entreprise publique de services à la municipalité] a arrêté la construction [20] le 4 juillet 2020, indiquant que les plans devaient être approuvés en conformité avec le code du bâtiment. Pendant ce temps, un groupe de fondamentalistes islamiques a vandalisé les murs de l’enceinte du temple [21], scandé des slogans religieux et récité l’azan (l'appel à la prière) sur le site destiné à la construction du temple.

Le mur d'enceinte du temple a été détruit et maintenant un homme dit l'Azan sur le site.
Cela n'a rien à voir avec les excuses des taxes, etc. C'est du sectarisme envers les hindous.

Donnez aux autres ce que vous demandez vous-mêmes !

L'Islam prêche la tolérance. #LesHindousSontIlsDesPakistanaisDeSecondeZone

[vidéo] Un homme vêtu de blanc fait retentir l'appel à la prière musulman sur le site destiné à la construction d'un temple hindou à Islamabad.

La Haute Cour d'Islamabad a rejeté les requêtes d'un groupe de religieux musulmans [25] et a renvoyé l'affaire au Conseil de l'idéologie islamique [26] (CII), un organe constitutionnel créé en 1962 pour guider l'État sur la manière de gérer le pays conformément aux injonctions du Saint Coran et de la Charia. Lorsque l'État a besoin de conseils juridiques sur des questions islamiques, il s'adresse au CII.

Le ministère des Affaires religieuses a également demandé l'avis du Conseil de l'idéologie islamique [27] sur l'allocation de fonds provenant de l'argent des contribuables musulmans pour la construction du temple. Le président de la CII, Qibla Ayaz, a accusé réception de la lettre du ministère [28] et l'a transmise au département de recherche du Conseil afin que celui-ci formule un avis. La construction du temple ne peut commencer que si la CII rend une décision favorable.

Soutien à la construction du temple

Noor ul Haq Qadri, du ministère des Affaires religieuses et de l'Harmonie interconfessionnelle, a tweeté pour soutenir la construction du temple :

D’après l'histoire islamique, l'éducation et la Constitution du Pakistan, toutes les minorités sont libres de pratiquer leur culte avec la protection de l'État. Le Premier ministre Imran Khan ne les traitera pas comme l'Inde l'a fait avec ses minorités.

Lors d'un entretien téléphonique, Lal Chand Malhi [30], le membre de l'Assemblée nationale qui a présidé la cérémonie d'inauguration du temple, s'est fait l'écho de ce sentiment :

According to the constitution of Pakistan and the law of the land nothing can stop us from constructing the temple. The only issue at the moment is if it can be made from public money or not for which an application has been sent to CII. But if the response is in negative we will still construct it after collecting funds.

Selon la Constitution du Pakistan et la loi du pays, rien ne peut nous empêcher de construire le temple. La seule question qui se pose pour l'instant est de savoir si cette construction peut être réalisée avec des fonds publics ou non. Une demande dans ce sens a été envoyée à la CII. Mais si la réponse est négative, nous le construirons quand même après avoir collecté des fonds.

Selon l'érudit religieux Javed Ahmed Ghamidi [31], tous les Pakistanais paient des impôts et l'État construit des mosquées avec l'argent public. Le gouvernement devrait donc pouvoir utiliser les fonds publics pour construire également des lieux de culte pour d'autres religions.

Javed Ahmed Ghamdi sur la construction du temple hindou à Islamabad. Ici, il reconnaît le principe de laïcité des États-nations laïcs, au lieu de plaider pour une République islamique.

Khawaja Asif, membre du parti d'opposition Ligue musulmane du Pakistan, s'est adressé [34] à l'Assemblée nationale en rappelant les termes de la Constitution du Pakistan, notamment que l'égalité des droits s'applique « à tous les citoyens, indépendamment de leur caste, croyance et religion ».

Le Conseil des Oulémas du Pakistan [35] a critiqué ceux qui compliquent la question et a apporté son soutien [36] à la construction du temple, car la Constitution du Pakistan est claire sur les droits des musulmans et des non-musulmans vivant dans le pays.

Réactions sur les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux sont en effervescence depuis le jour où le Premier ministre a donné son accord pour la construction du temple. La décision a été saluée par certains, tandis que des groupes religieux se sont prononcés contre et que certains ont même menacé de tuer des membres de la communauté hindoue. Le hashtag #MandirTauBanega [37] (en français : le temple sera construit) cartonne sur Twitter.

La construction du premier temple hindou à Islamabad est une mesure bienvenue et louable de notre gouvernement. Le Pakistan appartient dans une mesure égale à chaque citoyen, indépendamment de sa caste, de sa croyance, de son appartenance ethnique ou de sa foi. #Templed'Islamabad

Une chaîne d'information privée a mené une véritable campagne contre la construction du temple. Lorsque la construction s'est arrêtée, la chaîne a publié un article déclarant que l'équipe était fière de sa victoire.

Il est révoltant et honteux que @92newschannel qualifie de victoire le fait que la CDA ait arrêté la construction d'un temple hindou. Tout simplement, #HonteàlaChaine92News de s'être rangée du côté du sectarisme et de l'encourager. C'est le Pakistan de [Muhammad Ali] Jinnah [homme politique connu comme le père de la nation pakistanaise [48]], pas le Pakistan des mollahs. #LeTempleSeraConstruit