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En Angola, des manifestant⸱e⸱s réclament justice pour Sílvio Dala, un médecin décédé en garde à vue

Catégories: Cyber-activisme, Droit, Manifestations, Médias citoyens
A Luanda, une foule de manifestants portent des masques noirs en protestation contre la mort suspecte d'un médecin en garde à vue. Au centre, un homme porte une croix noire.

Manifestation à Luanda en réaction à la mort du médecin Sílvio Dala. Sur les pancartes, on peut lire les slogans suivants : « Je suis Sílvio Dala » ; « Dr Sílvio Dala mort innocent » ; « Ils ont tué Sílvio Dala, ils ont tué les médecins ». Photo par Simão Hossi, sous licence CC-BY 3.0 [1].

Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en portugais.

Le 12 septembre, des centaines d'Angolais⸱es sont descendu⸱e⸱s dans la rue à Luanda, à Benguela et dans d'autres villes de 15 provinces à travers le pays, pour protester contre les violences policières.

Les manifestations ont éclaté dans le sillage d'un mouvement de contestation en réaction à la mort de Sílvio Dala, un médecin de 35 ans qui a perdu la vie le 1er septembre alors qu'il se trouvait en garde à vue [2].

Selon les autorités, Sílvio Dala sortait de sa voiture au centre hospitalier pédiatrique David Bernardino, dont il est le médecin-chef, lorsqu'il a été interpellé par des agents de police pour non-port du masque.

Le médecin a ensuite été acheminé vers le commissariat de Catotes, dans le quartier de Rocha Pinto, à Luanda, où il aurait commencé à présenter des signes de fatigue. « Il s'est alors évanoui, provoquant une chute spectaculaire qui lui a occasionné de légères blessures au niveau de la tête », selon un rapport officiel de la police [3], qui affirme également que Sílvio Dala serait décédé alors que des agents de police le transportaient vers un hôpital.

Le Syndicat des médecins conteste cette version des faits. Lors d'un entretien pour Voice of America, le président de ce syndicat, Adriano Manuel, a déclaré que les explications des autorités étaient contradictoires [4], ce qui favoriserait la thèse de mauvais traitements.

Dans un article publié sur Deutsche Welle [5], Adriano Manuel explique que « la cause du décès avancée par la police n'est pas la bonne. Quiconque est médecin et a étudié la médecine sait que ce n'est pas cela qui a causé la mort de Sílvio. » Ce même article cite une source du ministère de l'Intérieur qui affirme que les conclusions de l'autopsie, effectuée en présence du parquet, excluent l'hypothèse d'une agression.

Le Syndicat des médecins a déclaré son intention d'entamer une procédure judiciaire contre la police. Dans le même temps, le gouvernement angolais a annoncé la création d’une commission d'enquête [2] en collaboration avec le ministère de la Santé pour éclaircir les faits.

Pour les manifestant⸱e⸱s présent⸱e⸱s le 12 septembre, la version de la police concernant la mort de Sílvio Dala ne tient pas debout. Sur les pancartes brandies lors des manifestations de Luanda, qui se sont déroulées sur plusieurs sites à travers la ville, on peut lire : « Assez de morts, ils sont payés pour protéger, pas pour tuer ».

En plus des slogans « Je suis Sílvio Dala », « Ils ont tué Sílvio Dala » et « J'exige que justice soit faite », certain⸱e⸱s manifestant⸱e⸱s demandaient la démission du ministre de l'Intérieur, Eugénio Laborinho. Les marches étaient organisées par le Syndicat des médecins ainsi que divers collectifs et plusieurs organisations de la société civile.

Deux femmes portent une grande bannière lors d'une manifestation contre les violences policières à Luanda.

Manifestation à Luanda en réaction à la mort du médecin Sílvio Dala. Sur la bannière, on peut lire : « Je suis Sílvio Dala, le médecin mort au commissariat de police. » Photo par Simão Hossi, sous licence CC-BY 3.0 [1].

Lors d'une manifestation à Luanda contre les violences policières, des manifestants tiennent de grandes bannières en mémoire de Silvio Dala.

Manifestation à Luanda en réaction à la mort du médecin Sílvio Dala. Photo par Simão Hossi, sous licence CC-BY 3.0 [1].

Depuis le début de la pandémie en Angola, plusieurs interventions policières violentes [6] [fr] ont été répertoriées, dont certaines ont coûté la vie à des citoyen⸱ne⸱s lors de la verbalisation de manquements aux mesures restrictives [liées au COVID-19].

Dans une déclaration pour l'agence de presse portugaise Lusa [7], le rappeur Brigadeiro 10 Pacotes, de son vrai nom Bruno Santos, a demandé la démission d'Eugénio Laborinho ainsi qu'une meilleure formation des agents de police, dans le but d'améliorer leur conduite :

« La police est une institution qui doit s'assurer la confiance du citoyen. Aujourd'hui, nous vivons dans une terrible insécurité, de telle sorte que tous les citoyens qui ont affaire à la police ont peur. »

Une foule compacte de manigestants à Luanda. De nombreuses caméras immortalisent l'événement et tout le monde porte un masque.

Manifestation en réaction à la mort du médecin Sílvio Dala, à Luanda. Photo par Simão Hossi, sous licence CC-BY 3.0 [1].

Des nombreuses personnes ont manifesté leur révolte sur Facebook et Whatsapp. L'activiste et universitaire Nuno Álvaro Dala s'est exprimé sur son profil Facebook [8] :

A POLÍCIA NACIONAL É A RESPONSÁVEL PELA MORTE DO MÉDICO SÍLVIO DALA

As imagens são fortes e muito esclarecedoras. Temos todos de exigir que a justiça seja feita. A Polícia Nacional tem de pagar pelo crime que cometeu. Isto não deve ficar assim.

LA POLICE NATIONALE EST RESPONSABLE DE LA MORT DU MÉDECIN SÍLVIO DALA

Les images sont poignantes et très révélatrices. Nous devons tous exiger que justice soit faite. La police nationale doit payer pour ce crime qu'elle a commis. Nous ne devons pas laisser passer cela.

Isabel dos Santos, l'ancienne présidente du Conseil d'administration de la compagnie pétrolière nationale Sonangol et fille de l'ancien président José Eduardo dos Santos, a déclaré sur Twitter :

#JeSuisSilvioDala Une « manifestation pacifique et silencieuse » organisée par le Syndicat national des médecins d'Angola (SINMEA), annoncée pour samedi. Tous les professionnels de santé, les autres syndicats et la société civile sont invités [à protester] contre les violences policières pour honorer la mémoire de Sílvio Dala, à 12h30 sur l'esplanade de Mutamba.

[article en lien] Les Angolais descendent dans la rue [pour protester] contre les violences policières et pour que cessent les décès.

La violence de la police angolaise, qui a déjà fait plus d'une dizaine de victimes – dont un médecin – pendant la pandémie de COVID-19, est à l'origine de deux manifestations prévues pour samedi.

Sur Twitter également, Ale Alejandro s'est interrogé sur le rôle des influenceurs angolais dans cette affaire :

Lorsque George Floyd est mort, les soi-disant « influenceurs angolais » ont montré leur soutien au mouvement Black Lives Matter, mais nos frères influenceurs en question ne font rien concernant la mort du médecin Sílvio Dala !