- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

Hong Kong : la liberté de la presse compromise par la police, qui restreint l'accréditation des journalistes

Catégories: Asie de l'Est, Hong Kong (Chine), Censure, Droits humains, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens, Advox
[1]

Copie d'écran d'une vidéo [2] réalisée par le journaliste Leung Pak-kin, tirée du média en ligne Rice Post.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais, ndlt.]

Le reportage suivant a été écrit par Kelly Ho et publié [3] à l'origine sur Hong Kong Free Press (HKFP), le 23 septembre 2020. La version remaniée suivante a été publiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Le 22 septembre, la police de Hong Kong a dévoilé [4] une décision controversée visant à redéfinir les « représentants des médias » en les cantonnant aux agences, journaux, magazines, stations de radio et de télévision homologués par le gouvernement, et « internationalement reconnus ». Résultat : les cartes de presse délivrées par les organismes locaux ne seront plus acceptées comme accréditation valide.

En vertu de la nouvelle politique, les journalistes indépendants, les journalistes des organes de presse étudiants, les réalisateurs de documentaires, les journalistes travaillant pour des médias locaux qui se sont pas enregistrés dans le cadre du « système gouvernemental d'information médiatique et d'actualités » (Government News and Media Information System, GNMIS), et les journalistes travaillant pour des médias étrangers qui ne jouissent pas d'une « reconnaissance et d'une réputation internationales », ne seront pas considérés comme des représentants des médias. Cela implique également que la police pourra les appréhender au cours de leurs reportages sur les zones de manifestation.

Les forces de l'ordre ont indiqué que la modification proposée du règlement général de la police, un ensemble de consignes destinées aux agents de police de Hong Kong concernant l'application de la loi, faciliterait le travail de la police sur le terrain ainsi que la rédaction de leurs rapports. Elle leur permettrait également d'identifier les membres de la presse et d'interdire aux journalistes « autoproclamés » l'accès aux lieux de manifestation.

Les nouvelles directives ont soulevé de nombreuses critiques parmi les journalistes [5], et huit syndicats et associations de presse ont déclaré que cette mesure « portait gravement atteinte à la liberté de la presse » dans la ville.

Ces groupes ont appelé la police à renoncer à ce qui, en pratique, s'apparente selon eux à un système d'accréditation, en soulignant que :

Police unilaterally made such a major amendment without discussion and consultations, destroying a relationship that was built over many years.

La police a procédé à une modification aussi radicale sans discussion ni consultation, brisant ainsi une relation bâtie sur de nombreuses années.

Les écoles de journalisme de sept universités locales ont également rendu publique une déclaration commune dans laquelle elles ont fait part de « réserves extrêmement sérieuses » sur la nouvelle politique proposée par les forces de police :

In our view, the police have every right to take action against anyone engaging in illegal activities; however, this proposed policy is in effect restricting the freedom of reporting. We are concerned that the new policy would amount to giving clear instructions to officers to disperse non-mainstream journalists who have done no wrong and are only exercising their right to gather information.

Nous estimons que la police a parfaitement le droit d'intervenir contre toute personne se livrant à des activités illégales ; cependant, la politique envisagée limite en réalité la liberté d'effectuer des reportages. Nous redoutons que cette nouvelle mesure ne se résume en des instructions claires aux policiers, les incitant à disperser les journalistes indépendants dont les activités sont inoffensives, et qui exercent simplement leur droit de collecter des informations.

Le Club des correspondants étrangers de Hong Kong (Hong Kong Foreign Correspondents’ Club, FCC) a déclaré que le nouveau système infligerait un « coup dur » aux journalistes indépendants et aux étudiants reporters, lesquels avaient livré des « reportages percutants » lors des troubles de grande ampleur survenus l'année dernière.

Huit temps forts du mouvement immortalisés par des journalistes indépendants et des étudiants

HKFP a analysé les moments clés des manifestations pro-démocratie de la ville, étalées sur une année [6], saisies par les pigistes et les médias étudiants.

De nombreuses séquences ont trouvé un rayonnement viral et ont été reprises par les médias locaux et internationaux. Les étudiants et les reporters indépendants ont souvent couru de grands risques personnels pour capturer des moments de protestation emblématiques, tout en étant peu récompensés, sans la protection assurée par les grands organes de presse, et en subissant le plus gros des actions de harcèlement de la part des forces de police. Voici quelques grands temps forts des manifestations traités par ces médias.

Avertissement : certaines des vidéos contiennent des scènes de violence choquantes.

6 septembre : la police anti-émeute agresse une adolescente

L'équipe estudiantine de reportage radiophonique de l'Université des sciences et technologies de Hong Kong (HKUST) a enregistré une séquence au cours de laquelle la police anti-émeute immobilise une jeune fille au sol alors qu'elle tente de fuir, lors d'une manifestation à Mong Kok, le 6 septembre.

La réaction de la police a provoqué l'indignation des groupes de défense des droits de l'enfant, lesquels ont exigé des excuses de la part des forces de l'ordre, même si la jeune fille n'a pas été arrêtée. La police a ensuite justifié son intervention en expliquant que les officiers avaient fait usage de la « force minimale nécessaire » pour maîtriser la jeune fille.

31 août : femme enceinte victime d'un gaz poivré administré par la police

Le site NineTeen Media a filmé une femme enceinte, visiblement victime du gaz poivré de la police, au cours d'une manifestation à Mong Kok, le 31 août. Studio Incendo, une agence indépendante publiant ses images sous licence Creative Commons, a aussi capturé des images l'incident, qui ont été largement diffusées.

1er juillet : un manifestant poignarde un policier

Le comité de rédaction de l'Union des étudiants de l'Université baptiste de Hong Kong a immortalisé une scène dans laquelle un manifestant poignarde un policier au bras, le 1er juillet, jour du 23e anniversaire de la rétrocession de la ville à la Chine. Des milliers de Hongkongais avaient défié l'interdiction de la marche émise par la police, et défilé entre Causeway Bay et Wan Chai, pour protester contre la loi de sécurité nationale votée par Pékin.

11 novembre 2019 : la police tire à balles réelles, à trois reprises, touchant un manifestant à Sai Wan Ho

La société Cupid Producer a filmé un officier de police tirant à bout portant à trois reprises, à balles réelles, sur deux manifestants à Sai Wan Ho, le 11 novembre 2019, lors d'une grève générale dans toute la ville. L'une des balles a atteint un manifestant, lequel a ensuite dû subir une ablation rénale et s'est vu retirer la moitié de son foie.

1er octobre 2019 : la police tire à bout portant à balles réelles sur un jeune de 18 ans

Le 1er octobre dernier, la télévision du campus de l'université de Hong Kong a réalisé un enregistrement choquant sur lequel la police tire à balles réelles sur un jeune manifestant de 18 ans, dans la ville de Tsuen Wan. L'adolescent, Tsang Chi-kin, qui semblait tenir un bâton à la main au moment où les coups de feu ont éclaté, a reçu une balle dans le poumon gauche. Il se trouvait dans un état critique et a subi une intervention chirurgicale pour retirer la balle, située à trois centimètres de son cœur.

1er octobre 2019 : le chaos de la Fête nationale dans une vidéo immersive

Thomas Broader, un pigiste de la HKFP, a tourné une vidéo à 360 degrés le 1er octobre 2019, offrant une vue d'ensemble de la crise urbaine. Ce jour-là, Hong Kong a été le théâtre de nuages de gaz lacrymogènes, de bombes à essence et de vandalisme, alors que les manifestants « pleuraient » la fête nationale chinoise.

31 août 2019 : la police prend d'assaut la station de métro Prince Edward

Le journaliste Leung Pak-kin, du site d'information en ligne Rice Post, a tourné une séquence vidéo à l'intérieur de la station de métro Prince Edward, le 31 août dernier, montrant la police en train de frapper les gens avec des matraques et d'utiliser du gaz poivré lors des arrestations. Selon les médias locaux, les journalistes et le personnel médical auraient été chassés de la station, ce qui a conduit à des rumeurs non vérifiées de morts civiles au cours de l'incident.

27 juillet 2019 : la police tabasse des manifestants à l'intérieur de la station de métro de Yuen Long

Un pigiste de la HKFP, souhaitant rester anonyme, a saisi des scènes chaotiques à l'intérieur de la station de métro Yuen Long, le 27 juillet 2019. Sur la séquence vidéo, des officiers de « l'Escadron stratégique spécial  » (Special Tactical Squad, STS) attaquent la foule alors que les manifestants actionnaient des extincteurs. Il semble que du sang ait coulé sur le sol.