Manifestations Black Lives Matter : Nicolás Maduro accusé d’incitation à la violence par des politiciens américains et vénézuéliens

Le président vénézuelien Nicolás Maduro, en costume cravate, place des écouteurs sur ses oreilles.

Le président vénézuelien Nicolás Maduro. Photo par Eneas De Troya via Flickr, sous licence CC BY 2.0.

Cet article, paru initialement le 1er juillet 2020, fait partie de notre dossier spécial sur le mouvement Black Lives Matter et le mouvement antiraciste.

Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

Pendant la première moitié du mois de juin, alors que des milliers de personnes marchaient pour soutenir le mouvement Black Lives Matter dans les grandes villes américaines, des photos et vidéos de manifestants agitant des slogans socialistes ou des drapeaux vénézuéliens aux États-Unis ont commencé à circuler.

Certains manifestants portaient des chapeaux ornés des couleurs du drapeau vénézuélien. D’autres portaient sacs et t-shirts à l’effigie du défunt président vénézuélien Hugo Chávez, ou à l’effigie de Che Guevara. Cela a conduit à des rumeurs (remontées jusqu’à l’administration Trump) selon lesquelles le président vénézuélien, Nicolás Maduro, serait lié aux manifestations.

Les manifestations ont débuté après le meurtre de George Floyd survenu le 25 mai à Minneapolis, dans le Minnesota, et se sont rapidement étendues aux 50 États. Si de moins en moins de personnes participent aux manifestations antiracistes, le mouvement continue de se répandre dans le monde. Des appels à ne plus financer les services de police et à déboulonner des statues historiques en rapport avec l’esclavage ou le colonialisme ont été lancés.

La rumeur selon laquelle Maduro était d’une manière ou d’une autre impliqué dans ces actes violents est arrivée aux oreilles de l’administration Trump, comme le rapporte le Miami Herald. Un haut responsable du gouvernement américain, qui a préféré rester anonyme, a confié au journal :

We are aware of efforts by individuals linked to America’s adversaries, including the illegitimate regime of Venezuela’s Nicolas Maduro, to instigate conflict, help incite violence, and divide Americans by exploiting peaceful protests.

Nous sommes conscients que certains individus ayant des liens avec les adversaires de l’Amérique, y compris le régime illégitime de Nicolás Maduro au Venezuela, mettent tout en œuvre pour créer des conflits, inciter à la violence et diviser les Américains par le biais de manifestations pacifiques. 

Le sénateur républicain Rick Scott a aussi fait part de thèses similaires et a affirmé que les États-Unis allaient enquêter sur tous les agents liés aux dictateurs latino-américains qui poussent au conflit dans le cadre des manifestations.

Selon certaines rumeurs, le régime de Maduro et d’autres dictateurs latino-américains soutiennent les instigateurs de violence qui opèrent lors de manifestations dans la région de Miami.

Nous ne le permettrons pas. Quiconque a des liens avec ces régimes qui incitent à la violence assumera les conséquences juridiques de ses actes.

Rick Scott n’a pas fourni de preuves pour étayer ses allégations à propos de leaders socialistes latino-américains ayant joué un rôle dans les actes de violence, pillages, et actes de vandalisme pendant les manifestations. Lors d’une conférence de presse, il a cité le reportage d’un journal de droite, Diario Las Américas [es]. La Maison-Blanche pour sa part a refusé de se prononcer sur « des informations ne provenant d’aucune source déclarée » ayant conduit à cette analyse.

L’opposition vénézuélienne est aussi persuadée de l’implication de Maduro

Pendant ce temps, Julio Borges, un leader du gouvernement parallèle vénézuélien, qui assumait le rôle de commissaire présidentiel aux relations extérieures, a aussi fait une déclaration similaire sur Twitter.

Le régime semble une nouvelle fois être à l’origine d’actes de déstabilisation en ce moment même aux États-Unis.

La dictature utilise les médias et des vandales organisés en groupe pour promouvoir la violence. Nous devons tout mettre en œuvre pour retirer le pouvoir à Maduro, car il constitue une menace pour la démocratie sur ce continent.

Le tweet arrive après que le très célèbre journaliste de Grayzone, Max Blumenthal [fr], souvent considéré comme un propagandiste au service du chavisme [fr] (le socialisme d’Hugo Chávez) a été photographié avec un t-shirt à l’effigie de Chávez lors des manifestations à Washington DC.

J’ai vu beaucoup de personnes parler de cette photo d’un homme vêtu d’un t-shirt à l’effigie de Chávez lors d’une manifestation à Washington DC hier soir. C’est Max Blumenthal du site d’information Grayzone que l’on voit sur la photo avec ce t-shirt alors qu’il filmait la manifestation.

Dolar Today, un média qui, fort de 3 700 000 abonnés, est l’un des plus grands tabloïds en ligne au Venezuela, s'est fait l'écho de l'analyse de Julio Borges.

C’ÉTAIT PRÉVU ! Le forum de São Paulo est-il derrière les troubles survenus à Washington DC ?

Le Forum de São Paulo [fr] est une conférence regroupant des partis politiques socialistes et d’autres organisations latino-américaines et caribéennes. Il a été créé en 1990 avec pour but de contrebalancer les politiques néolibérales.

L’opposition vénézuélienne fait également l’objet de critiques

Les accusations pesant sur les gouvernements socialistes étrangers, les rendant responsables des manifestations, polarisent de plus en plus la politique au Venezuela. Orlando Avendaño, rédacteur en chef du média de droite Panam Post, a critiqué Juan Guaidó [fr], qui a été reconnu président du Venezuela par les États-Unis et par d’autres pays, pour ne pas avoir ouvertement soutenu le gouvernement américain pendant les manifestations Black Lives Matter. Juan Guaidó s’était déclaré président en 2019 et avait été reconnu par plus de 50 pays.

Panam Post est anti-Maduro mais critique aussi le plus grand bloc de l’opposition dirigé par Guaidó, lui reprochant de ne pas avoir suffisamment exprimé son soutien envers les États-Unis.

L’existence d’un gouvernement temporaire d’opposition est conditionnée par le séjour de Trump à la Maison-Blanche. Les États-Unis sont, sans aucun doute, notre plus grand allié. Ces 2 dernières semaines, Trump a fait face à un pays à feu et à sang, aux prises avec des manifestants désireux de le renverser. Guaidó ne lui a pas exprimé le moindre soutien en retour. C’est inacceptable.

Toutefois, déclarer l’ingérence étrangère lors de soulèvements civils n’a rien de nouveau. Quand les protestations ont débuté au Chili après la hausse du prix des transports publics dans la capitale Santiago du Chili, le président Sebastian Piñera et les médias locaux ont annoncé la présence de nombreux manifestants vénézuéliens ; ce qui n’a rien d’étonnant puisque le Chili compte aujourd’hui environ 500 000 ressortissants vénézuéliens sur son territoire. Le journaliste John Bartlett compare des reportages portant sur ces deux mouvements historiques.

Même modèle, même bouc émissaire.

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