Redoutant la loi de sécurité nationale, les Hongkongais·es disent adieu à leur ville natale

Deux photos dans l'image. A gauche, trois personnes se tenant par la main : un homme, une femme et leur fille, de dos. A droite, un gros plan de trois mains enlacées, celle d'un homme, d'une femme et une main plus jeune, leur enfant.

Adieu à Hong Kong. Image extraite de Stand News [zh], reproduite avec autorisation.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais, ndlt.]

La version originale du reportage en chinois a été publiée sur Stand News. Traduit par Global Voices en anglais, et par la suite dans d'autres langues, il sera publié en quatre parties distinctes avec la permission de Stand News. Vous trouverez ci-après la première partie de la série.

Entre le 29 août et le 1er septembre, Stand News a interrogé ses lecteurs à Hong Kong, dans le cadre d’une série de sondages en ligne [zh], à propos des répercussions de la loi de sécurité nationale [fr] sur leur quotidien.

Plus de 2 580 personnes se sont exprimées – et environ 37 % ont révélé avoir envisagé de quitter Hong Kong avant même que le comité directeur du Congrès national du peuple ne fasse connaître sa décision d'appliquer la loi sur la sécurité nationale, le 21 mai. Depuis la promulgation de la loi, 76 % des personnes interrogées ont déclaré que leur souhait d'émigrer s'était intensifié.

Taïwan (32,3 %) est la destination la plus en vue pour une relocalisation, devant le Royaume-Uni (23 %).

L'image représente les résultats d'un sondage exprimées en pourcentage. Les questions écrites en blanc reposent sur un fond noir et les pourcentages sont inscrits en rouge.

Sondage réalisé auprès des lecteurs de Stand News sur les comportements à l'égard de l'émigration. Les questions sont les suivantes : 1) Avant la décision de Pékin de promulguer la LSN (le 21 mai), avez-vous envisagé d'émigrer hors de Hong Kong ? 37 % oui, 26 % ne sait pas, 37 %  non ; 2) Après l'annonce de la LSN par Pékin, votre désir d'émigrer a-t-il été modifié ? 76 % plus intense, 23 % identique, 1 % moins intense ; 3) Après l'annonce de la LSN par Pékin, avez-vous préparé votre émigration ? 26 % non, 47 % oui mais sans projet concret à ce jour, 6 % prévoit de partir d'ici un an, 21 % prévoit de partir d'ici 1 à 5 ans.

Depuis le 22 juillet, le gouvernement britannique a instauré une politique favorisant l'émigration des résidents de son ancienne colonie, en autorisant les détenteurs de passeports britanniques (d'outre-mer) de Hong Kong qui sont éligibles, ainsi que les membres de leur famille, à s'installer au Royaume-Uni pour y travailler et y étudier. Après cinq ans de résidence dans le cadre de cet accord, ils peuvent prétendre à la pleine citoyenneté.

Les candidatures seront acceptées à partir de janvier 2021, dans le cadre du nouveau régime d'immigration. Pour l'instant, cependant, les Hongkongais éligibles ont la possibilité de déposer une demande d'entrée au Royaume-Uni sur la base de « Leave Outside the Rules » (LOTR) [pdf] (traduction libre : Sortir du cadre réglementaire), directives accordant à l'immigration britannique un pouvoir d'appréciation, fondé sur des motifs humanitaires majeurs.

YM (pseudonyme) et sa famille, ont opté pour cette solution pour quitter Hong Kong. À leur arrivée au Royaume-Uni le 6 août, ils ont sollicité l'entrée via le dispositif « Leave Outside the Rules ». Avec une dizaine d'autres Hongkongais se présentant à l'entretien, ils ont été interrogés sur leur profession, leur situation financière et leur religion, et sur leurs parents et connaissances au Royaume-Uni.

Née dans les années 1980, YM occupait un poste de cadre dans une entreprise de relations publiques à Hong Kong, mais elle a choisi de quitter la ville avec sa famille en août 2019, au lendemain de la tristement célèbre attaque de la station de métro Prince Edward, au cours de laquelle la police anti-émeute a agressé aveuglément des passagers dans le but d'arrêter des manifestants.

Ils ont donc vendu leur appartement pour six millions de dollars hongkongais (environ 781 000 dollars américains) et ont séjourné dans un hôtel pendant six mois. Dans un premier temps, ils avaient prévu d'immigrer à Chypre, en y investissant 200 000 euros, mais ce projet a été suspendu en raison de l'épidémie de COVID-19. Lorsque le Royaume-Uni a introduit le nouveau programme BNO (British Nationals Overseas, Ressortissants britanniques à l'étranger), ils ont alors décidé de s'y installer.

À l'instar de dizaines de milliers d'autres Hongkongais, YM a joué un rôle actif, tout au long de l'année, dans les manifestations contre l'extradition vers la Chine. Elle a adhéré à plusieurs groupes Telegram et versé des dons à d'autres manifestants qui avaient besoin de s'équiper en matériel de protection. Trois des groupes Telegram dont elle faisait partie ont été supprimés suite à l'arrestation de leurs administrateurs.

Sur une photographie prise lors d'une manifestation, et largement diffusée en ligne, le visage de YM était identifiable ; outre son inquiétude de se voir prendre dans le collimateur des autorités, elle a déclaré à Stand News qu'elle était également préoccupée par la scolarité de sa fille, âgée de sept ans :

The patriotic education would turn her into ‘little pink’. What you learn in the textbooks would no longer be the truth. How could a government treat its young generation like this? In Hong Kong, it is a crime to be young. My daughter is now seven, after a few years, she will be in high school, what would become of her? I don’t want to see her getting arrested.

Cette éducation patriotique la changera en “Little pink” [qualificatif utilisé pour désigner les jeunes nationalistes chinois sur la Toile]. Le contenu des manuels scolaires ne correspondrait plus à la réalité. Comment un gouvernement pourrait-il infliger un tel traitement à sa jeune génération ? À Hong Kong, être jeune est un crime. Ma fille a maintenant sept ans, d'ici quelques années, elle sera au lycée, que deviendra-t-elle ? Je ne souhaite pas la voir se faire arrêter.

Aujourd'hui, YM et sa famille ont réussi à entrer au Royaume-Uni, dans le cadre du programme « Leave Outside the Rules », et ont lancé une page Facebook afin de fournir à d'autres Hongkongais des informations sur l'immigration au Royaume-Uni. En une semaine, la page a recueilli plus de 60 demandes de précisions.

YM et sa famille ont depuis fait le choix d'acheter une propriété au Royaume-Uni et ne projettent pas de se rendre à Hong Kong dans un avenir proche.

L'image représente les résultats d'un sondage sur les destinations désirées pour l'émigration par les Hongkongais, sous la forme d'un camembert, sur un fond noir.

Enquête auprès des lecteurs de Stand News au sujet de l'émigration. Taïwan et le Royaume-Uni sont les destinations les plus prisées pour les projets d'émigration.

Peter [pseudonyme], fonctionnaire, prévoyant de s'installer à Taïwan avec sa femme, a souscrit à un programme de migration dans le cadre duquel il investirait un minimum de 530 000 dollars hongkongais dans une start-up basée à Taïwan. Après cinq ans, il pourra demander le statut de résident permanent.

Son choix s'est porté sur Taïwan parce qu'il estime que le sort de Taïwan est étroitement lié à celui de Hong Kong. « Les deux régions chinoises sont en effet soumises à la tyrannie de la “Chine unique” », a-t-il expliqué :

Taiwan is near to Hong Kong; I can travel back to Hong Kong as frequently as possible. I can also join solidarity rallies in Taiwan and give support to the exile protesters there. In Hong Kong, the space for voicing out has shrunk.

Sachant que Taïwan est voisine de Hong Kong, je peux retourner à Hong Kong aussi souvent que possible. Je peux également me joindre à des rassemblements de solidarité à Taïwan, et apporter mon soutien aux manifestants en exil dans ce pays. À Hong Kong, les espaces d'expression se sont amenuisés.

Selon les autorités taïwanaises de l'immigration, l'île a octroyé [zh] 3 161 permis de séjour à des Hongkongais, au cours du premier semestre 2020. Ce chiffre représente une augmentation de 116 % par rapport à 2019.

Nombre de ceux qui ne prévoient pas d'émigrer – ou qui le veulent mais ne sont pas encore partis – ont transféré leurs épargnes sur des comptes bancaires offshore, dans la mesure où la loi sur la sécurité nationale donne à la police le pouvoir de geler les avoirs de toute personne faisant l'objet d'une enquête. Dans le sondage des lecteurs de Stand News, 55,8 % des personnes interrogées ont admis avoir songé à transférer leurs économies à l'étranger, et environ 27,8 % ont déjà transféré leur argent sur des comptes étrangers.

Monsieur Lam (pseudonyme), ingénieur de projet environnemental, a décidé de transférer ses économies sur un compte offshore en mai, peu après l'annonce de la mise en œuvre de la loi de sécurité nationale par Pékin. Il craignait que, comme la Chine continentale, Hong Kong ne restreigne les échanges de devises étrangères, ou que le rattachement de Hong Kong au dollar américain ne soit fragilisé par les sanctions américaines. Il a donc converti son pécule de 10 millions de dollars hongkongais en devises américaines et a transféré l'argent sur des comptes bancaires à Singapour.

Étant donné que monsieur Lam a déjà une cinquantaine d'années, il envisage de quitter Hong Kong dès qu'il prendra sa retraite. En tant que titulaire d'un passeport BNO, il pourrait notamment s'installer au Royaume-Uni, mais il a également songé à demander un visa de retraite pour la Thaïlande, puisque ce pays n'exige, comme condition de résidence, qu'un compte d'épargne d'une valeur de 200 000 dollars hongkongais.

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