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Les survivants de l'Holocauste réclament de Facebook que le négationnisme soit considéré comme discours de haine

Catégories: Amérique du Nord, Europe Centrale et de l'Est, Europe de l'ouest, Allemagne, Bulgarie, Etats-Unis, Macédoine, Pologne, Cyber-activisme, Droit, Droits humains, Histoire, Médias citoyens, Advox
Auschwitz-Birkenau Memorial and Museum

Le mémorial et musée d'Auschwitz-Birkenau [1] est situé sur le site de l'ancien camp de concentration d'Auschwitz à Oświęcim, en Pologne. Photo de Meta.mk/Bojan Blazhevski, utilisée avec permission.

[Sauf mention contraire tous les liens renvoient vers des sites en anglais]

Cet billet a été initialement publié  [2]par Meta.mk. Une version éditée est republiée ici via un accord de partage de contenus entre Global Voices et Metamorphosis Foundation.

La Conference on Jewish Material Claims Against Germany (Claims Conference), une organisation internationale qui négocie [3] l’indemnisation et la restitution pour les victimes de la persécution nazie, continue de faire pression sur Facebook pour inclure le Négationnisme dans sa définition de ce qui constitue un discours haineux. La campagne numérique [4], qui a débuté en juillet et s'adresse directement au PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, présente des messages vidéo de survivant·e·s de l'Holocauste.

“Les publications sur le déni de l'Holocauste sur Facebook sont des discours de haine et doivent être supprimées!” disent les organisateur·trice·s et les participant·e·s à la campagne. En utilisant le hashtag #NoDenyingIt [5] (en français : Il ne faut pas le nier), d'ancien·ne·s détenu·e·s des camps de concentration et d'extermination nazis – ainsi que d'autres survivant·e·s du génocide pendant la Seconde Guerre mondiale – ont apporté des témoignages personnels poignantsn:

À partir d'aujourd'hui, la Claims Conference publiera des messages vidéo sur les réseaux sociaux de #Holocaust #survivors (Survivant·e·s) implorant Mark Zuckerberg de supprimer le Négationnisme de #Facebook. Nier leur souffrance/perte est un discours de haine; #NoDenyingIt (Ne pas le nier). Rejoignons-les; partager pour leur suppression! pic.twitter.com/kmpgq1KNuj [10]

— Claims Conference (@ClaimsCon) 29 juillet 2020 [11]

La négation de l'Holocauste [12], l'acte de nier le génocide nazi contre les juifs pendant la Seconde Guerre mondiale est considérée  [13]comme une forme d'antisémitisme [14].

Une façon de contrer cette forme de désinformation consiste à éduquer [15], notamment par le biais des visites de sites commémoratifs. Par exemple, le mémorial d'Auschwitz [1]  en Pologne a reçu 2 320 000 visiteurs [16] en 2019. L'entrée au musée et le transport en bus entre les vestiges du camp de concentration et la ville voisine d'Oświęcim sont gratuits pour les visiteurs.

Le musée, qui compte plus de 900 000  abonné·e·s sur Twitter [17], plus de 300 000 fans sur Facebook [18]  et 80 000 sur Instagram [19], utilise les réseaux sociaux pour enseigner l'histoire.

Meta.mk a récemment rendu compte [20] d'une enquête sur la connaissance de l'Holocauste aux États-Unis, menée par la Claims Conference, qui a montré que les jeunes n'ont pas une connaissance de base de l'Holocauste. Un pourcentage important de participant·e·s ont également de nombreuses croyances erronées, certaines d'entre elles coïncident notamment avec la propagande néonazie.

L'étude a révélé [21] l'ignorance des faits historiques clés parmi les personnes âgées de 18 à 39 ans; 63% des personnes interrogées ne savaient pas que six millions de Juifs avaient été assassinés pendant l'Holocauste, et 36% pensaient que « deux millions de Juifs ou moins » avaient été tués. Bien qu'il y ait eu plus de 40 000 camps et ghettos en Europe pendant l'Holocauste, 48% des participant·e·s à l'enquête nationale américaine ne pouvaient en nommer un seul.

Selon un article de l'Associated Press [22], Facebook a déclaré qu'il supprimait déjà « tout message célébrant, défendant ou tentant de justifier l'Holocauste » ou se moquant de ses victimes, car ces messages enfreignent généralement de nombreuses normes existantes de la plateforme contre les discours de haine et l'incitation à la haine. 

Conformément aux lois locales, Facebook a supprimé tous les messages sur le déni de l'Holocauste « dans des pays comme l'Allemagne, la France et la Pologne où le déni de l'Holocauste est illégal ». Jusqu'à présent, cependant, le géant des réseaux sociaux n'a pas spécifiquement ajouté la négation de l'Holocauste à sa norme mondiale en matière de discours de haine.

En 2016, Facebook a signé le code de conduite [23] de l'Union européenne sur la lutte contre les discours de haine illégaux en ligne. Après que le dernier rapport [24] de surveillance du code sur la conformité, publié en juin, ait montré que l'entreprise avait le taux de réponse le plus élevé [25] aux notifications pour la suppression des discours de haine par rapport aux autres plateformes de médias sociaux. Les hauts responsables de Facebook ont ​​exprimé [26] leur satisfaction quant à ce résultat. 

Contrairement à l'Europe, où le discours de haine est une infraction pénale dans la plupart des pays qui ont connu les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis n'ont pas de telles lois au niveau national. Cependant, les plateformes de médias sociaux adoptent souvent des règles de conduite qui interdisent les discours de haine, et nombre d'entre elles vont même au-delà [27] du champ d'application de la loi dans leur pays d'enregistrement afin de garantir un environnement sûr.

Ces règles de gouvernance interne fixées par les plateformes en ligne ont tendance à fonctionner comme des mécanismes d'autorégulation pour les utilisateur·trice·s. Facebook, par exemple, encourage ses utilisateur·trice·s à signaler les cas de comportement interdit et de contenu enfreignant les normes de sa communauté :

Exemple d'utilisation du système de signalement de Facebook. Dans ce cas, il s'agit d'une publication faisant la promotion de la propagande nazie. Cette option est disponible dans le menu, sous le lien marqué “…” dans le coin supérieur droit de chaque article.

En cliquant sur le bouton “J'accepte” des termes de référence, les utilisateur·trice·s des réseaux sociaux souscrivent à une obligation contractuelle avec la plateforme, par laquelle il·elle·s s'engagent à respecter ces règles. Les utilisateur·trice·s peuvent également aider à appliquer les règles en signalant les cas d'infractions – notamment les discours haineux – telles que définies par la plateforme. Facebook classe actuellement comme discours de haine:

Partie de l'interface de rapport de Facebook, qui définit les critères de la plate-forme pour classer le contenu comme discours haineux

Ces catégories ne couvrent qu'une partie de l'éventail des définitions juridiques [28] [fr] du discours de haine en tant que crime utilisé dans les 47 pays membres du Conseil de l'Europe [29] [fr], un organisme international fondé après la Seconde Guerre mondiale pour défendre les droits humains et la démocratie dans la région. Presque tous les États européens appartiennent au groupe, à l'exception de la Biélorussie (pour des raisons de droits de humains) et du Vatican (en raison de son statut de théocratie).

Selon le Comité des Ministres [28] [fr] du Conseil de l'Europe, « le discours de haine couvre toutes les formes d'expressions qui propagent, incitent, promeuvent ou justifient la haine raciale, la xénophobie, l'antisémitisme ou d'autres formes de haine fondées sur l'intolérance ». Seize pays européens – ainsi qu'Israël – ont  [30]des lois [30] spécifiques [30] contre la négation de l'Holocauste. De nombreux pays ont également des lois plus larges qui criminalisent la négation du génocide.

L’article 407-A du Code pénal  [31][mk] de la République de Macédoine du Nord , par exemple, dispose que ceux qui « utilisent les systèmes d'information pour nier publiquement ou minimiser, approuver ou justifier » des actes de génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre risquent la prison avec des peines de un à cinq ans. Pour ceux qui ont l'intention d'inciter à la haine, à la discrimination ou à la violence contre autrui en raison son identité nationale, ethnique ou religieuse, la peine minimale de prison est de quatre ans. Dans l'histoire récente du pays, il n'y a eu aucun cas enregistré d'un tel crime.

“À la mémoire des hommes, femmes et enfants victimes du génocide nazi. Ici gisent leurs cendres. Que leurs âmes reposent en paix.” La plaque se trouve au mémorial et musée d'Auschwitz-Birkenau à Oświęcim, en Pologne. Photo de Meta.mk/Bojan Blazhevski, utilisée avec permission.

En plus de la négation de l'Holocauste, les auteurs de discours de haine continuent de trouver de nouvelles façons de diffuser leurs messages, forçant les défenseurs des droits humains et les législateurs à garder le pas.

En août, l’Organisation des Juifs de Bulgarie [32] (Shalom) a signalé [33] que les dirigeant·e·s politiques d'extrême droite élargissaient leur langage antisémite avec de nouveaux termes comme « Sorosoids », destinés à qualifier des groupes jugés « ennemis de l'État ». Le terme, basé sur l'utilisation abusive du nom du philanthrope américain et survivant de l'Holocauste George Soros [34] [fr], est originaire de la Macédoine du Nord voisine, en tant qu'outil de propagande populiste [35] pour la discrimination contre les militants de la société civile.

Note de l'éditeur: Global Voices est bénéficiaire d’Open Society Foundations [36], un réseau international d'octroi de subventions fondé par George Soros.