L’article d'origine a été publié en anglais le 23 septembre 2020.
[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des pages web en portugais.]
Selon les communautés indigènes et les organisations de défense des droits humains, les personnes indigènes présentent davantage de risques d’être contaminées par le COVID-19, en raison du manque de données les concernant et d'une négligence politique historique. Les taux de malnutrition, d’anémie et d’obésité sont élevés, tandis que les ressources destinées à la construction d’hôpitaux dans les environs sont faibles. En Bolivie par exemple, le Centre bolivien d’études juridiques et d’investigation sociale (CEJIS en espagnol) a mis en garde [es] contre le risque d'« ethnocide » de groupes indigènes dans le cadre du COVID-19. Des préoccupations similaires se sont répandues à travers le continent.
Afin de faire face au manque d’accès aux services sanitaires de base ainsi qu’à l’absence des pouvoirs publics, les communautés indigènes créent leurs propres moyens de lutte contre le COVID-19. Voici comment les peuples Yeku'ana et Kayapo Mekragnoti, les habitants de São Gabriel da Cachoeira, de San Antonio de Lomerío ainsi que du Territoire Indigène Multiethnique, et la communauté Tsimané au Venezuela, au Brésil et en Bolivie résistent à la pandémie.
Au Venezuela, les peuples indigènes se mobilisent pour défendre leurs droits sur YouTube et Twitter
Au Venezuela, les informations se font de plus en plus rares après l’arrestation [en] du chef indigène et journaliste Melquíades Avilás le 13 mars dernier dans la zone minière de l'État de Delta Amacuro. Il a été arrêté après avoir posté [en] sur son compte Facebook : « Notre hôpital sera-t-il prêt pour le coronavirus ? ». La publication a été supprimée par la suite, des médecins et d’autres activistes de la région ayant dénoncé anonymement la négligence de l’État pendant la pandémie. Bien que le nombre exact de personnes indigènes qui ont contracté le COVID-19 et en sont mortes [es] au Venezuela ne soit pas connu, l'ONU estime à près de 5 000 [es] le nombre d'indigènes vénézuéliens qui ont fui au Brésil en raison de la pandémie.
À la fin du mois de juin, trois dirigeants indigènes des Yeku'ana, dans l'État de Bolívar au sud-est du pays, ont lu une déclaration officielle [es] dans laquelle ils expliquent la manière dont la pandémie et les mesures de quarantaine ont affecté leur mode de vie. Ils signalent également que 302 indigènes sont restés bloqués en dehors de leurs communautés. En date du 23 septembre [date de publication de l'article original], ces derniers n’avaient toujours pas pu rentrer chez eux à cause de la quarantaine et du manque d’essence. Cette déclaration est lue dans la vidéo ci-dessous (en espagnol, sans sous-titrage) :
Afin de protester de manière collective contre leur situation, les peuples indigènes ainsi que des activistes pour les droits humains ont également participé durant le mois de juillet à la manifestation virtuelle #HoyMeUnoAKapeKape (#Aujourd’huiJeRejoinsKapeKape) organisée par l’ONG Kapé Kapé [es], qui a pour but de dénoncer le manque de nourriture, d'argent, d'eau, d'essence, de système de santé publique et d'accès aux médicaments mais aussi la violation des droits démocratiques des communautés indigènes de l'État d'Amazonas. Ils se sont le plus souvent plaints de la décision des autorités électorales de supprimer [es] la méthode de suffrage direct des peuples indigènes.
Felicito a @ackapekape por un nuevo aniversario. Y me uno a la campaña de respecto al derecho de la salud integral que tienen los pueblos indígenas, debido a falta de políticas públicas adecuadas, situación que se agrava por el #Covid_19 en la región #HoyMeUnoAKapeKape pic.twitter.com/GOIatwrJhf
— Olnar Ortiz Bare (@olnarortiz) July 29, 2020
Je félicite @ackapekape pour leur nouvel anniversaire. Et je me joins à la campagne pour le respect du droit à la santé intégrale des peuples indigènes, en raison de l'absence de politiques publiques adéquates, une situation qui est aggravée par le #Covid_19 dans la région #Aujourd’huiJeRejoinsKapeKape
Au Brésil, la résistance s'organise autour du blocage d'une autoroute
La pandémie a atteint les communautés indigènes brésiliennes, alors au beau milieu d'une bataille pour le maintien de leurs droits fondamentaux. Le 18 août dernier, des dizaines de chefs indigènes ont dénoncé les inégalités sociales dans leur région en bloquant une route stratégique [fr] pour le transport de céréales vers l’État de Mato Grosso. Armés d'arcs et de flèches, les Kayapo Mekranoti [fr] se sont installés pendant dix jours sur la route BR-163 près de la ville de Novo Progresso dans le nord du Brésil, à environ 80 km du village où vit le peuple Kayapo.
Durant le blocage, les Kayapo ont envoyé une lettre à la Fundação Nacional do Índio (Funai), l’agence gouvernementale responsable de la mise en œuvre des politiques relatives aux peuples indigènes au Brésil. Dans cette lettre, ils ont affirmé qu'ils étaient forcés de quitter leurs terres et qu'ils n'avaient que peu ou pas accès aux mesures préventives élémentaires contre le COVID-19.
Cette communauté vit au sein du territoire de Badjônkôre, une terre indigène officiellement délimitée depuis 2003 et extrêmement prisée par les chercheurs d'or, les propriétaires de bétail et les entreprises d'extraction du bois. La tendance nationale, illustrée par les incendies dans les forêts d'Amazonie et du Pantanal [fr], est d’exploiter stratégiquement ces zones qui sont légalement attribuées aux communautés indigènes. L'arrivée au pouvoir du président Jair Bolsonaro a marqué le début d'une lutte acharnée pour la suppression des mesures de protection des terres délimitées [en] ainsi que des garanties d'accès [fr] aux soins médicaux et aux conditions sanitaires élémentaires pour les communautés indigènes.
Le 15 septembre, le peuple Kayapo a remporté sa première victoire juridique ; l'État brésilien est désormais légalement obligé de se conformer aux exigences des autochtones en matière de protection de l'environnement dans cette région.
No más deforestacion del Amazonas !
No más abandono ante #COVID19 !
Pueblo indígena Kapayo de #Brasil en resistencia. #vidasindigenasimportam pic.twitter.com/xXs9tqQQtW
— ???í? ?????? ??á???? (@noelia_arauz) August 19, 2020
Plus de déforestation en Amazonie !
Plus d'abandon face au #COVID19 !
Le peuple indigène Kayapo du #Brésil en résistance. #lesviesindigènescomptent[images] Des manifestants du peuple Kayapo occupent une route, bloquant le passage des véhicules.
Même si le COVID-19 s'est rapidement répandu au Brésil, la ville brésilienne qui compte la plus importante population indigène a réussi à mettre fin aux décès liés au COVID-19 au mois de juillet. Située à la frontière avec la Colombie et le Venezuela, la ville de São Gabriel da Cachoeira est connue pour avoir une population constituée à plus de 90 % de personnes indigènes appartenant à environ 23 groupes ethniques différents. Au début de la pandémie, un couvre-feu a été établi et des campagnes d’information locales ont été organisées. Celles-ci comprenaient la production de podcasts et la circulation d'une voiture qui diffusait des messages sonores en langues indigènes dans les rues de la ville, afin de prévenir la propagation de la maladie.
Ces actions ont été menées au mois de mai, soit presque deux mois après l’arrivée du COVID-19 au Brésil, avec l’aide de chefs indigènes qui ont collaboré avec des institutions étrangères telles que Médecins sans frontières ainsi qu’un fonds national regroupant les dons des banques, des hôpitaux et des membres de la société civile. Au total, cela représente 800 000 réaux brésiliens (soit 150 703 dollars) destinés à la construction de neuf unités sanitaires mobiles et au lancement d’une campagne de dépistage massive.
Les peuples indigènes en Bolivie partagent leur sagesse avec le monde
Pour faire face à la pandémie, les peuples indigènes des basses plaines de l'est de la Bolivie ont créé un livre de recettes, un sirop fait maison mais aussi un protocole sanitaire.
Les chefs du Territoire Indigène Multiethnique [en] (TIM) qui possèdent des terres par le biais de titres de propriété collectifs selon la loi bolivienne, ont publié le livre Remedios del Monte (Traduction libre : Remèdes de la nature, de la forêt ou de la végétation). Paulina Noza, la présidente du conseil des femmes du TIM, a expliqué [es] à la presse locale la raison d'être de ce livre :Hicimos este recetario, preocupados por la pandemia que brotó este año. (…) Por eso nosotros seguimos conservando [esos saberes] y ahora queremos que la gente lo conozca
Nous avons créé ce livre de recettes car la pandémie nous inquiète. […] Nous voulons que les gens découvrent la sagesse séculaire que nous préservons.
L'avocate et chercheuse Fátima Monasterio a confié [es] à la presse locale que l'utilisation de la médecine naturelle est une stratégie de survie mise en place en raison de l'absence de l'État. La présentation du livre de recettes est rédigée en ces termes :
En esta lucha por la vida, que se remonta a la memoria de los antiguos, seguiremos exigiendo el cumplimiento de nuestros derechos.
Dans cette lutte pour la vie qui remonte à la mémoire de nos ancêtres, nous continuerons à exiger le respect de nos droits.
Le livre de recettes [es] contient des conseils pour améliorer les défenses naturelles du corps, guérir les rhumes, traiter les symptômes tels que la fièvre, la diarrhée et la toux. Il présente également des recommandations pour améliorer la relation spirituelle de l'humain avec la nature.
De plus, la communauté Tsimané [en], qui fait partie du TIM a développé [es] un protocole sanitaire en collaboration avec des médecins et des anthropologues. Celui-ci consiste à dispenser des soins adaptés pour les personnes âgées, contrôler les points d'entrée sur leur territoire, prendre en charge les personnes en quarantaine, rechercher les cas contacts ainsi que diffuser des informations dans leur langue maternelle. Dans la vidéo ci-dessous (en espagnol, sans sous-titrage), la présidente du TIM, Paula Noza, explique l'aide apportée par la communauté et le fonctionnement des points d'entrée.
Parallèlement, José Parapaino Chuvirú du territoire indigène de San Antonio de Lomerío, a lancé le sirop traditionnel « Sabor Original Kutuki » [« Saveur originale de Kutuki »], fait à partir de l'herbe médicinale kutuki macérée avec un mélange de racines et de feuilles. Selon les témoignages [es] mentionnés sur la plateforme Salud con Lupa, la boisson a été efficace pour réduire les symptômes du COVID-19.
#NO_ESPERES_MÁS..??y#QuedateEnCasa..?..
Geplaatst door Chochio op Zondag 14 juni 2020
#N'ATTENDS_PLUS et #ResteChezToi