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En finir avec les violences policières au Nigeria : une fête des lumières commémorant les victimes

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Nigéria, Cyber-activisme, Droits humains, Gouvernance, Guerre/Conflit, Jeunesse, Manifestations, Médias citoyens, Politique, #EndSARS, un mouvement de jeunesse pour mettre un terme aux violences policières au Nigeria
Foule compacte de manifestant·e·s tenant des bougies

Fête des lumières en hommage aux victimes décédées suite à l'intervention de la brigade de police du SARS, le 17 octobre 2020, à Lagos, au Nigeria. L'image, largement relayée sur Twitter, s'inscrit dans le cadre du mouvement #EndSARS [1] (#DémantelezleSARS). 

L’article original [2] a été publié en anglais le 20 octobre 2020.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais, ndlt.]

Les manifestations du mouvement #EndSARS [#DémantelezleSARS] continuent de se déclarer partout au Nigeria, parallèlement à une recrudescence des incidents de violences policières.

Le mouvement #EndSARS a émergé à la suite d'une vague d'indignation sur Twitter, dénonçant les agissements de la brigade nigériane de la SARS [Special Anti-Robbery Squad ou Brigade spéciale contre le vol]. La contestation s'est ensuite déplacée dans la rue, portée par des manifestations orchestrées par la jeunesse nigériane et qui durent depuis maintenant 10 jours.

Récemment, les manifestant·e·s ont pris l'initiative d'organiser une fête des lumières en hommage aux héros et héroïnes ayant perdu la vie suite à de violences policières. Selon les informations d'Amnesty International, la brigade du SARS aurait été impliquée dans le décès de plus de 100 personnes [4] au cours des quatre à cinq dernières années.

Les membres du mouvement #EndSARS ont allumé des bougies pour rendre hommage aux défunt·e·s.

[description de la vidéo: une foule compacte de manifestant·e·s, bougies à la main, entonnant le refrain de la chanson See You Again de Wiz Khalifa featuring Charlie Puth]

Le vendredi 17 octobre à 19h (heure nigériane), le pays connu un moment particulièrement poignant. C'est en effet à ce moment-là que l'ensemble des participant·e·s se sont réuni·e·s pour la fête des lumières. Ces rassemblements ont eu lieu à Abuja, la capitale nationale, mais aussi à Port-Harcourt, la capitale de l'État de Rivers, ainsi que dans d'autres métropoles importantes du pays.

La densité de la foule à proximité du poste de péage de Lekki [8], à Lagos, était telle qu'il était impossible d'établir un décompte précis du nombre de manifestant·e·s.

La nuit dernière, au péage de Lekki. NOUS Y ÉTIONS. Engageons-nous tous·tes dans le mouvement #EndSARS, soutenons-le chacun·e à notre échelle!!!!

[description de la vidéo: une foule dense de manifestant·e·s tenant des bougies scandant en coeur le slogan « END SARS ! », en français : DÉMENTELEZ LE SARS !]

À Abuja, des milliers de personnes se sont rassemblées pour une fête des lumières :

#DémantelezleSARS #ArrêtezlesviolencespolicièresauNigeria #fêtedeslumières #Abuja

[description de l'image: quatre photos en noir et blanc de manifestant·e·s tenant des bougies]

L'histoire tragique de l'une des victimes de violences policières a été relatée lors de la fête des lumières d'Abuja. Il s'agit de l'histoire d'un jeune homme qui s'appelait Chijoke Iloanya, il était âgé de 20 ans. Le récit poignant de son supplice a déclenché une profonde émotion, marquée par une longue minute de silence. Chijoke Iloanya a laissé une empreinte indélébile dans le cœur de nombreux manifestant·e·s., profondément affecté·e·s par de tels manquements à la dignité humaine. 

Écoutez l'histoire de Chijoke. En direct de la fête des lumières à Abuja : en hommage à ceux et celles qui nous ont quittés ?#DémantelezleSARS

[description de la vidéo : au cœur de la foule, une femme prend le micro pour narrer les souffrances de Chijioke Ilaonya, décédé suite à des violences policières]

Chijioke Iloanya aurait été tué [18] par le brigadier-chef James Nwofor, en 2012. Ce dernier aurait, d'ailleurs, proféré des menaces à la mère de la victime, affirmant qu'il pourrait mettre fin à la vie de son fils sans craindre de poursuites judiciaires.

Les manifestant·e·s réclament que justice soit rendue pour Iloanya, dont le meurtre reste à ce jour non élucidé au plan judiciaire.

Les manifestant·e·s ont créé un compte Twitter permettant de répertorier toutes les fêtes des lumières à travers le pays :

Nous sommes heureux de voir notre rêve se réaliser, c'est le fruit de nos efforts , et nous persévérons dans la lutte. De nombreuses vies ont été perdues en raison de la violence perpétrée par certains individus. Nous exigerons que justice soit rendue et nous nous assurerons que les changements soient pérennes ✊??…#leSARSdoitêtredémantelé #DémantelezleSARS

[description de la vidéo : une foule compacte de manifestant·e·s tenant des bougies et scandant en coeur le slogan END SARS !]

Trois hommes s'agenouillent devant une foule de manifestant·e·s brandissant des pancartes

Tard dans la soirée du 8 octobre 2020, après un discours prononcé par le directeur de cabinet de l'État de Lagos, les manifestant·e·s se sont agenouillé·e·s pendant la diffusion de l'hymne national à Lagos, au Nigeria. Photo de TobiJamesCandids [24] via Wikimedia, sous licence CC.BY.4.0 [25].

Réforme immédiate des institutions policières

Les manifestants enjoignent le gouvernement à traduire ses engagements en actions tangibles, au lieu de se limiter à des discours prometteurs. Ils envisagent de maintenir leur mobilisation jusqu'à ce que leurs cinq revendications principales, appelées les « #5for5 » [5 pour 5], soient prises en compte :

Ce que nous revendiquons : #DémantelezleSARS #DémantelezleSARSimmédiatement

[description de l'image: communiqué des manifestant·e·s détaillant les 5 principales revendications du mouvement]

Le gouvernement a réagi en instaurant une commission nationale dédiée à la réformes des institutions policières. En un laps de temps très court, elle a formulé plusieurs propositions qu'elle a soumises aux manifestant·e·s.

Sur Twitter, Bashir Ahmad, le conseiller au numérique du président Buhari, a assuré que le président comprenait et acceptait [29] les propositions émises par la commission, et qu'il était disposé à répondre aux revendications des manifestant·e·s :

DERNIÈRES NOUVELLES : La commissions présidentielle en charge de la réforme de la police prend position et accepte les cinq principales revendications des manifestant·e·s du mouvement #EndSARS.

Vous trouverez l'intégralité des informations ci-dessous, merci de les partager avec d'autres personnes.

[description de l'image: communiqué présidentiel détaillant les modalités de dissolution de la brigade du SARS]

La commission présidentielle a également annoncé la révocation de 37 membres de la brigade du SARS pour faute grave, tout en spécifiant que 24 autres individus seraient poursuivis en justice concernant des faits de violations des droits humains.

Une réunion du conseil exécutif s'est tenue le 15 octobre sous la présidence du vice-président Yemi Osinbajo. À cette occasion, la recommandation selon laquelle tous·tes les gouverneur·e·s allaient devoir mettre en place une commission d'enquête judiciaire [33] chargée d'enquêter sur les violences policières dans leurs États respectifs a été émise.

Il convient toutefois de signaler que le gouverneur de l'État de Rivers, Nyesom Wike, s'est opposé [34] à cette recommandation. Il a fait valoir que lors de tentatives antérieures, qui se sont révélées infructueuses, les fonds alloués à ces commissions d'enquête, directement alimentés par l'argent du contribuable, avaient disparu de manière inexplicable.