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L'unité de sécurité nationale de la police de Hong Kong lancera bientôt un nouveau circuit multi-plateforme, englobant le courrier électronique, des applications de messagerie, et une ligne d'assistance téléphonique destinée au signalement par les citoyens de toute personne soupçonnée d'être en violation de la loi de sécurité nationale (LSN), selon des sources [en] anonymes du journal quotidien South China Morning Post (SCMP, quotidien de langue anglaise publié à Hong Kong depuis 1903).
S'il est confirmé, ce nouveau scénario indiquera clairement que la LSN ne ciblera probablement pas “un petit nombre” d'individus, contrairement à ce que la cheffe de l'exécutif de Hong Kong, Carrie Lam, avait promis, mais sera un outil de surveillance massive des habitants de Hong Kong.
Le quotidien SCMP signale que l'identité des informateurs restera secrète et que tous les renseignements recueillis seront examinés par la police de sécurité nationale.
Une source gouvernementale a confié au South China Morning Post que le dispositif “produirait un effet dissuasif pour les suspects potentiels, dans la mesure où ils seraient observés et entendus en tout lieu”.
Actuellement, un certain nombre d'hommes politiques, d'organisations et de groupes pro-Pékin à Hong Kong se sont dotés de lignes d'assistance téléphonique et de sites web privés [fr] similaires, encourageant les citoyens à signaler les infractions présumées à la LSN. Ces services comprennent, par exemple, des plateformes permettant au public de dénoncer les enseignants qui, selon eux, se sont rendus coupables de “fautes professionnelles”.
Au mois de septembre, la police hongkongaise a instauré une plateforme similaire, grâce à laquelle toute personne peut informer les autorités des mouvements de protestation. La police précise que la plateforme a recueilli 1,2 million de signalements depuis son lancement, et qu'elle a permis des arrestations et des condamnations. Depuis le déclenchement des manifestations contre l'extradition vers la Chine en juin 2019 jusqu'au 28 octobre 2020, 10 144 personnes ont été interpellées.
La proposition actuelle paraît similaire, mais de portée plus large. Elle serait confiée au département de la sécurité nationale de la police, lequel n'a aucune responsabilité publique : conformément à la loi de sécurité nationale elle-même [fr], le département ne donne pas suite aux plaintes de la population, y compris celles formulées par le Conseil législatif. Cela signifie que les citoyens ne disposeraient d'aucun moyen de savoir comment le département exploite les renseignements qu'il recueille.
Hong Kong Watch, un organisme de défense des droits humains implanté au Royaume-Uni, a décrit ce nouveau scénario potentiel comme une “dystopie”.
Hong Kong police to set-up a multi-platform channel to encourage informants to report national security crimes.
This is a terrifying and dystopian development.https://t.co/S31FNz9lw6
— Hong Kong Watch (@hk_watch) October 28, 2020
La police de Hong Kong va mettre en place un réseau multi-plateforme pour inciter les informateurs à dénoncer les atteintes à la sécurité nationale.
Cette initiative est terrifiante et dystopique.[description image]
Plan général de Hong Kong. Au premier plan, on distingue un panneau lumineux, jaune, avec des caractères chinois et, en anglais, “National Security Law” (loi de sécurité nationale). On distingue des autoroutes et des voitures avec leurs feux allumés, fin de soirée ou tôt le matin. En haut sur la droite de l'image, la ville est baignée par la mer de Chine. Plus loin, on distingue des bâtiments et un ciel aux tons orangés. Le logo “South China Morning Post” est visible en bas à gauche de l'image.
Sous le fil de discussion de @hk_watch, beaucoup ont qualifié le dispositif de signalement de “Révolution culturelle 2.0″. Pendant la Révolution culturelle chinoise [fr] des années 1960, le leader du Parti communiste chinois, Mao Zedong, avait en effet mobilisé les citoyens ordinaires pour signaler les tendances idéologiques de leurs amis et de leurs familles.
@Stand_with_HK, un média militant, a comparé ce nouveau concept à l'ère stalinienne de l'Union soviétique :
Technology may help make surveillance efficient, but human surveillance is straight out of an old playbook:
Stalin's regime relied heavily on “mutual surveillance,” urging families to report on each other in communal living spaces and report “disloyalty.”https://t.co/BBLmuNfNVe
— Fight For Freedom. Stand With Hong Kong. 重光團隊 (@Stand_with_HK) October 30, 2020
La technologie peut faciliter l'efficacité de la surveillance, mais la surveillance humaine est directement issue d'un vieux manuel :
Le régime de Staline s'appuyait fortement sur la surveillance mutuelle”, incitant les familles à se dénoncer les unes les autres dans les espaces de vie communs, et à signaler toute “déloyauté”.
– Luttez pour la liberté (Fight For Freedom). Soutenez Hong Kong (Stand With Hong Kong). 重光團隊 (@Stand_with_HK) 30 octobre 2020[description image]
Le logo RTHK (Radio Television Hong Kong, service public de radiodiffusion à Hong Kong) figure en haut à droite. Des caractères chinois en jaune sont visibles. On peut lire en anglais “Serving Hong Kong with Honour, Duty and Loyalty” (Servir Hong Kong avec honneur, devoir et loyauté).
Benjamin Cheung, professeur de psychologie sociale à l'Université de Colombie britannique, s'est penché sur les effets pervers de cette “hotline” :
“National security” is so vaguely defined, so time to flood the hotline w complaints like “I know someone inciting hatred against the HK/CCP govs. Carrie Lam & the rest of the DAB r constantly stirring shit up like a bunch of 搞屎棍. They're making ppl really hate the gov.” https://t.co/XvuF7YXxqS
— Benjamin Cheung | 張煦 | 장후 (@UBCDrBenCh) October 28, 2020
La notion de “sécurité nationale” reste si imprécise que le moment est venu d'inonder la hotline de plaintes telles que “Je connais un individu qui encourage la haine contre les gouvernements de Hong Kong et de la Chine Communiste Populaire. Carrie Lam et le reste de la DAB (The Democratic Alliance for the Betterment and Progress of Hong Kong, “L'Alliance démocratique pour la prospérité et le développement de Hong Kong”) ne cessent de remuer la merde comme un tas de 搞屎棍. Ils poussent les gens à haïr le gouvernement.”
– Benjamin Cheung | 張煦 | 장후 (@UBCDrBenCh) 28 octobre 2020
Et un autre média militant installé à Hong Kong, @HKGlobalConnect, a fait remarquer :
The NSL targets only “a small group of people” but let’s set up a national security reporting hotline so that no one would ever feel safe anywhere anymore with “eyes and ears everywhere”.https://t.co/q5DUYrEinZ
— Hong Kong Global Connect (@HKGlobalConnect) October 29, 2020
La LSN ne concerne qu'un “petit groupe de personnes” mais établissons une ligne d'assistance téléphonique dédiée à la sécurité nationale pour que plus personne ne se sente en sécurité nulle part avec des “yeux et des oreilles partout”.
– Hong Kong Global Connect (@HKGlobalConnect) 29 octobre 2020[description image]
Plan général de Hong Kong. Au premier plan, on distingue un panneau lumineux, jaune, avec des caractères chinois et, en anglais, “National Security Law” (loi de sécurité nationale). On distingue des autoroutes et des voitures avec leurs feux allumés, fin de soirée ou tôt le matin. En haut sur la droite de l'image, la ville est baignée par la mer de Chine. Plus loin, on distingue des bâtiments et un ciel aux tons orangés. Le logo du South China Morning Post est visible en bas à gauche de l'image.
James To, législateur du parti démocrate, estime que ce modèle de dénonciation sur le modèle de la Révolution culturelle engendrera la méfiance et, à terme, la désintégration sociale.