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Un jeune activiste s'insurge contre la réaction inadéquate du Népal face au COVID-19

Catégories: Asie du Sud, Népal, Cyber-activisme, Droits humains, Jeunesse, Manifestations, Médias citoyens, Santé, COVID-19
L'image montre un homme de dos, regardant, d'une hauteur, des habitations situees dans le creux d'une montagne. L'homme, aux cheveux bruns, est habillé tout en blanc : short long, sweat-shirt et sac à dos. Il a une canne pour marcher. Le paysage est montagneux et aride. Des chemins sont visibles sur le flanc de la montagne. La plupart des habitations a une toiture de couleur bleue turquoise. Sur la droite, on distingue une route goudronnée, bordant le terrain de ces maisons. Le temps est clair et chaud. [1]

Iih, un voyageur curieux devenu activiste. Photographie extraite du compte Instagram de Iih [2], reproduite avec autorisation.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais, ndlt.]

Le 22 octobre [3], Iih, un militant népalais âgé de 25 ans, est arrivé dans la ville de Sauraha [4], après avoir parcouru 167 kilomètres à pied en quatre jours depuis la capitale Katmandou. Il était accompagné d'un groupe d'amis, avec lesquels il a distribué des paquets à plus de 75 familles locales employées dans le tourisme, un secteur qui constitue la principale source de revenus de cette ville et a été sévèrement touché par la pandémie du COVID-19.

Pourtant, ce n'était pas la première fois qu'Iih parcourait de longues distances à pied [5] au Népal, ni la première fois qu'il faisait la une des journaux en raison de ses stratégies de protestation originales.

Né Ishan Adhikari, Iih a abandonné [6] [ne] la prestigieuse école St Xavier de Katmandou à l'âge de 14 ans et s'est engagé à marcher à travers le pays. En 2015, il a traversé à pied les plaines du sud du Népal pendant 37 jours [6] [ne], couvrant 1 203 kilomètres. Entre 2017 et 2018 [7] [ne], il a parcouru le pays d'est en ouest, réalisant un étonnant voyage de 6 000 kilomètres en 225 jours [8]. À un moment donné de son périple, il a décidé d’abandonner [9] son nom de naissance et de prendre le surnom de Iih.

C. K. Lal, l'un des éditorialistes les plus lus au Népal, a écrit [10] au sujet de Iih :

The choice of Ishan's nom de plume is dissent in itself. The word Iih in Nepali stands for “this” and its Sanskrit meaning implies the deity of desire […] a mischievous interpretation of Iih in Nepali is akin to showing the middle finger, probably to the established order of the state and society.

Le choix du pseudonyme d'Ishan est en soi une dissidence. Le mot Iih en népalais veut dire “ceci”, et son sens sanskrit sous-entend la divinité du désir […] une interprétation malicieuse du prénom Iih en népalais signifie que l'on pointe le majeur, vraisemblablement à l'ordre établi de l'État et de la société.

Jouissant désormais d'un large écho sur les réseaux sociaux [1], Iih s'est fait connaître au Népal en 2016, lorsqu'il a été arrêté pour avoir éclaboussé de peinture rouge [11] [ne] les murs de Singha Durbar [12], siège du gouvernement népalais, en signe de protestation contre les violences policières.

Cette année, il a mis ses méthodes d'action au service de la dénonciation de la faible réactivité du Népal face à l'épidémie de COVID-19.

Au milieu de l'image, un jeune homme est assis dans une chaise roulante. Il porte un masque de protection faciale, un t-shirt bleu clair et un short noir long. Il est devant des photographes, qui le prennent en photo. Une femme pousse sa chaise. Tout a cote de lui, une autre femme le filme avec son portable. Tous portent un masque de protection faciale. Sur la gauche de l'image, on distingue des officiels et un policier. Il y a des pots de fleurs et des plantes sur le sol.

Iih, lors d'une conférence de presse, le 9 août 2020. Photographie de Sanjib Chaudhary, reproduite avec autorisation.

Le Népal a recensé plus de 170 000 contaminations au COVID-19 [13], en date du 2 novembre. La plus forte augmentation journalière a été observée les 10  et 21 octobre [14], deux jours au cours desquels plus de 5 000 nouveaux cas ont été enregistrés.

Iih a vivement critiqué la riposte du gouvernement face à la pandémie, depuis que le Népal a décrété un confinement national en mars. À cette époque, le gouvernement avait procédé au dépistage de cas suspects de COVID-19 au moyen de tests de dépistage rapide (TDR) [15] [fr], qui sont moins efficaces pour détecter le SRAS-CoV-2, et effectuait des tests PCR uniquement après avoir obtenu un échantillon de TDR positif.

Iih a alors organisé la campagne #EnoughIsEnough (Trop, c'est trop), laquelle a permis d'organiser plusieurs manifestations dans tout le pays  [16]depuis juin [17]. La campagne réclamait, entre autres, la généralisation des tests [18] [fr], la suppression des TDR, la correction de la stratégie de quarantaine, la transparence et la responsabilité quant à l'utilisation des fonds liés au COVID-19, la protection des travailleurs sur le terrain et l'aide aux populations vulnérables.

S'exprimant sur le site d'information OnlineKhabar [16], Iih a déclaré :

… I posted a story on Instagram, asking, “If anyone wants to come to the street, send me your Facebook ID, I will make a Facebook group and add you.”

About 400 youth sent their IDs saying that they are ready to come to the streets. […]

So, before I did anything, those 400 started inviting other friends to the group called ‘Enough is Enough’.

… J'ai posté un message sur Instagram, demandant : “Si quelqu'un veut descendre dans la rue, envoyez-moi votre identifiant Facebook, je créerai un groupe Facebook, et je vous y ajouterai.”

Environ 400 jeunes m'ont transmis leur identifiant, indiquant qu'ils étaient prêts à descendre dans la rue. […]

Donc, avant que je ne fasse quoi que ce soit, ces 400 personnes se sont mises à inviter d'autres amis à rejoindre le groupe baptisé “Trop, c'est trop”.

Iih a été interpellé lors de l'une des manifestations “EnoughIsEnough”, en juin :

La police népalaise a arrêté Ishan ainsi que deux autres personnes originaires de Maitighar, tandis que des centaines d'autres poursuivent la mobilisation.

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L'image est partagée en deux plans. Le premier montre un homme couché à terre, maintenu par des policiers. L'homme paraît crier, sa bouche est entrouverte. Son masque se trouve sous son menton. Il tient une affiche dans sa main. Il porte un t-shirt blanc et a le crâne rasé. Un des policiers tire sur son t-shirt dévoilant ainsi son ventre. Sur la deuxième image, le même homme est assis par terre, entouré par des policiers. Il est maintenu par le bras. Il tient une feuille de papier entre ses mains. Derrière les militaires, on distingue des photographes. Les deux scènes sont prises de jour.

Ce court documentaire, réalisé par la rédaction Asie du magazine Vice, retrace quelques-unes des manifestations de cet été, au Népal :

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Il s'agit d'un reportage du magazine Vice, d'une durée de 7'50. Il explique les ravages de l'épidémie du Covid-19 et l'inaction du gouvernement népalais. Il y a des images de protestation et de nombreuses interviews d'étudiants, de journalistes et d'activistes. Un sous-titrage en anglais est visible ainsi qu'une voix off en anglais.

Au mois de juin, Iih, qui est d'habitude toujours en mouvement, s'est assis pour pratiquer le Satyagraha [23], une forme de grève de la faim, dans le but de dénoncer les mesures prises par le gouvernement pour faire face au COVID-19. Il a mis fin à cette grève de 12 jours après la signature d'un accord en 12 points dans le cadre de la campagne #EnoughIsEnough, dans lequel les autorités s'engagent à mettre en œuvre une meilleure stratégie.

Vous pouvez rejoindre l'action du Satyagraha [“force de la vérité”, principe de contestation et de résistance à l'oppression par la non-violence et la désobéissance civile] en exigeant du gouvernement une meilleure gestion de la crise du COVID-19 tout en restant chez vous, en écrivant #MySatyagraha dans votre propre langue sur une affiche, en la prenant en photo et en la publiant sur les réseaux sociaux.

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Gros plan en contre plongée et en noir et blanc d'un homme tenant une affiche avec l'inscription #MySatyagraha (forme de grève de la faim) #EnoughIsEnough (Trop, c'est trop). L'homme regarde droit devant lui, et porte un masque de protection faciale.

L'accord entre le mouvement #EnoughIsEnough et le gouvernement népalais a été signé aujourd'hui :

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L'image montre, sur un plan serré, un document officiel en deux pages, avec signatures et tampons. Les textes sont écrits en népali.

Iih a entamé un autre Satyagraha, le 17 juillet, après avoir constaté la défaillance du gouvernement dans le renforcement des mesures relatives à la pandémie. Il a rompu le jeûne le 9 août [30], à la suite de la signature d'un autre accord en 12 points en lien avec sa campagne.

Iih reprend son chemin [31], en venant en aide aux nécessiteux et en exigeant du gouvernement qu'il s'occupe de ses citoyens.

Il écrit [32] sur son compte Instagram :

“How far would I travel
Just to be where you are?
How far is the journey
From here to a star?

Quelle sera la distance à parcourir ?
Juste pour être là où vous êtes ?
Le trajet est long
D'ici à une étoile ?