Malgré les atteintes à la liberté de la presse, les médias en ligne se multiplient au Nicaragua

Montage de captures d'écran et de logos de médias nicaraguayens et d'Amérique centrale créé par Global Voices, avec autorisation d'utilisation.

L’article initial a été publié en espagnol le 20 juillet 2020.

[Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en espagnol, ndlt.]

Au Nicaragua, la liberté de la presse est confrontée à de nombreux défis, notamment aux persécutions politiques du gouvernement du président Daniel Ortega, associées au manque d'accès à l'information publique. Selon un article publié par Literal Periodismo Ciudadano, depuis avril 2018, au moins 24 nouveaux médias ont été créés malgré ces obstacles.

En avril 2018, la proposition de réforme de la sécurité sociale [en] a déclenché l'une des plus grandes mobilisations populaires de ces 30 dernières années. Cependant, suite à la réaction sévère des autorités [en], les manifestants sont également descendus dans la rue pour protester contre la répression politique menée par le gouvernement de Daniel Ortega [fr], de plus en plus considéré comme un président autoritaire. Les manifestations de 2018 ont été largement soutenues, même dans les villes et régions traditionnellement favorables au Front sandiniste [fr] dirigé par Ortega.

Selon la presse locale, le 30 mai 2018, le jour de la fête des mères au Nicaragua, 18 jeunes manifestants ont été tués et 218 autres blessés. D'après la Commission interaméricaine des droits de l'homme, au moins 328 Nicaraguayens ont été assassinés pendant cette période de tensions. La situation politique qui a suivi les manifestations a entraîné l'exil d'au moins 80 000 personnes.

Après les manifestations d'avril 2018, 1 080 atteintes à la liberté d'expression et de la presse ont été recensées.

Daniel Ortega est toujours au pouvoir et les journalistes nicaraguayens sont encore victimes de harcèlement policier ainsi que d'agressions physiques. Les équipements destinés à la presse sont bloqués à la douane. Depuis 2019, le Nicaragua a perdu trois places dans le classement annuel de la liberté de la presse de Reporters sans frontières [fr]. Selon l'ONG, « la profession est […] régulièrement ciblée par des campagnes de harcèlement, des arrestations arbitraires et des menaces de mort ».

Malgré ces défis, les journalistes nicaraguayens poursuivent leur travail tout en s'adaptant à la nouvelle situation politique, économique et technologique.

En dépit des menaces permanentes qui pèsent sur la liberté de la presse, les organes de presse nicaraguayens utilisent les outils numériques pour réfléchir publiquement à l'histoire de la violence d'État et aux forces qui s'y opposent. Les nouveaux médias en ligne ont développé des projets multimédias, les journaux papier traditionnels se sont adaptés aux formats numériques et les manifestants qui ont survécu à la répression de 2018 ont lancé des projets en ligne.

Le Musée de la Mémoire

L'association Madres de Abril (Mères d'avril) a été créée afin de réunir les mères et les familles des victimes des manifestations de 2018. Elle a mis en place une série d'initiatives axées sur la mémoire, les réparations et la justice. Le Museo de la Memoria (Musée de la mémoire) est l'un des projets de l'association : il s'agit d'une galerie multimédia portant sur les victimes de la répression de 2018, d'une reconstitution médico-légale du massacre du 30 mai et d'un podcast sur la mémoire des victimes. Le premier épisode retrace les événements qui se sont déroulés dans la ville de Masaya pendant les manifestations.

??? La mémoire pour ne pas oublier, la mémoire pour résister. ???

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Voici le lien ⤵ https://t.co/CydfklA6uA

La mémoire historique de la résistance paysanne

La revue d'investigation en ligne, Expediente Público, a publié une série de rapports, de frises chronologiques et de galeries photos sur l'opposition paysanne contre le gouvernement pendant les années 1980, mais également sur son histoire jusqu'à la fin de la révolution nicaraguayenne [fr] en 1990. Le documentaire Nicaragua campesina, la nación ajena (Le Nicaragua paysan : une nation étrangère) résume cette histoire.

Une grande partie de la population nicaraguayenne est rurale et son économie dépend [fr] des exportations agricoles. Pendant les années 1980, dans le cadre d'une politique d'exportation agro-industrielle, le gouvernement sandiniste [fr] a mis en place des programmes de réforme agraire et créé des entreprises « appartenant au peuple ». Selon Expediente Público, ces mesures se sont traduites par l'expropriation des terres, la participation forcée à des coopératives et l'imposition de la culture de Managua, la capitale. Cette situation a créé un mécontentement chez les paysans, qui non seulement ont remis en question le gouvernement, mais se sont également mobilisés et ont participé au conflit armé. Ils représentaient 71% des Contras [fr], les contre-révolutionnaires nicaraguayens, mais ils n'ont reçu ni réparations, ni soutien suffisant pour se réintégrer à la société.

Les vides laissés par les disparus

Le nouveau site web de Divergentes, un média d'Amérique centrale, a été lancé en mai 2020 et propose des contenus multimédias ainsi que des informations « avec un autre point de vue ». Il a récemment publié trois profils de familles touchées par la violence d'État en 2018. « Los Vacíos Que Dejo Abril » (Les espaces vides laissés par le mois d'avril) contient des entretiens avec les trois familles sur la manière dont elles gèrent leur deuil, des galeries photos ainsi qu'une édition spéciale de podcast sur les chambres, les meubles et les espaces qui ne sont plus occupés par leurs proches assassinés. Le reportage multimédia et le podcast sont disponibles sur le site.

Susana se souvient : « Ici, dit-elle en piétinant le sol, Gerald pensait construire sa chambre pour laisser un peu d'intimité à ses sœurs et à moi. Mon père vient faire le ménage de temps en temps, pour enlever les feuilles, mais ça ne sert plus à grand-chose maintenant. »

Retrouvez le témoignage complet sur https://t.co/WFclADhqC3

La frontière en images

Le journal nicaraguayen Confidencial et deux médias costaricains, La Voz de Guanacaste et la radio universitaire Interferencia, ont publié conjointement un rapport [en] sur les communautés vivant à la frontière entre le Nicaragua et le Costa Rica. Les difficultés économiques, le manque d'accès aux services publics, l'immigration légale et illégale ainsi que les stratégies adoptées face à l'épidémie de COVID-19 ont touché de plein fouet ces communautés. Un reportage vidéo spécial a été publié sur les réseaux sociaux des trois médias.

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