- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

La pandémie au Bangladesh vue sous l'angle des cinéastes indépendants

Catégories: Asie du Sud, Bangladesh, Arts et Culture, Film, Médias citoyens, COVID-19
L'image montre 6 copies d'écran de courts métrages, sur un écran PC sous Windows. En tout petit caractère, sur le haut de l'image, on lit « Tong Isolation Diary ». Les titres de ces films courts sont : Colors in clouds ; The meat ; Over the window ; Inside out ; The silent roof ; On the porch of the unwell earth.

Les courts métrages de la série « Tong Isolation Diary » (Traduction libre : « Chroniques du confinement ») saisissent les vies de tout un chacun durant la pandémie. Copie d'écran du site « Tong-Ghor Talkies [1] » (Traduction libre : « paroles autour d'un thé »).

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais, ndlt.]

Pour les cinéastes du Bangladesh, la conjoncture a été difficile. Les restrictions imposées par l'épidémie du COVID-19 ont bouleversé [2] une grande partie de l'industrie cinématographique et, bien que les salles de cinéma aient pu rouvrir [3] en octobre, après une interruption de sept mois, la plupart des salles restent désertes du fait de la pandémie.

Confinés chez eux, de nombreux cinéastes tournent des films [4] [bn] sur ce sujet, à savoir comment faire face à la pandémie.

Parmi ces films, on peut citer Tong Isolation Diary [1] du collectif de réalisateurs Tong-Ghor Talkies [5]. Il s'agit d'une série de neuf courts métrages, relatant la vie de différents personnages au cours de la pandémie COVID-19.

Les « Tong-Ghors » sont ces petits salons de thé qui bordent les rues et les ruelles des villes du Bangladesh, et où les gens ordinaires tout comme les artistes se retrouvent entre amis pour discuter des dernières nouvelles ou simplement pour décompresser.

Global Voices s'est entretenu avec Zuairijah Mou [6] [en ; bn], co-fondatrice du collectif « Tong-Ghor Talkies », au sujet de la série « Tong Isolation Diary », et des défis auxquels sont confrontés les cinéastes indépendants au Bangladesh.

Global Voices (GV) : Parlez-nous un peu de la genèse de l'idée de la série « Tong Isolation Diary ».

Zuairijah Mou (ZM): Since the very beginning of the pandemic, the Tong-Ghor team thought of capturing the lives of people affected by COVID-19 through film. So we coined the term isolation diary and began work on the series. In April 2020, we released the first film of this series. Following that we started releasing other films of the series one by one. We have so far released a total of nine films from Bangladesh and West Bengal, India under the “Tong Isolation Diary” series.

Zuairijah Mou (ZM) : Depuis le tout début de la pandémie, le collectif Tong-Ghor a songé à immortaliser les vies des personnes touchées par le COVID-19, à travers le cinéma. Nous avons donc imaginé le terme de « chroniques sur le confinement » et démarré le travail sur la série. En avril 2020, nous avons diffusé le premier film de cette série. Par la suite, nous avons entrepris de sortir les autres films de la série un par un. Nous comptons à ce jour neuf films en provenance du Bangladesh et du Bengale occidental, en Inde, dans le cadre de la série « Tong Isolation Diary ».

L'image montre une jeune femme adossée contre le mur d'une maison. Brune, elle porte des lunettes et son regard est tourné sur le côté. Elle est vêtue d'un t-shirt rouge et d'un pantalon bouffant rayé, noir et blanc. Elle porte autour de la taille un sac banane sur lequel est accrochée une petite bourse. En baskets, elle a un pied posé contre le mur. La maison est de couleur rose et a 2 fenêtres, l'une est ouverte et l'autre fermée. Les volets sont de couleur marron. La photographie est prise de jour, à l'ombre de la verdure avec quelques reflets de soleil. [7]

Zuairijah Mou, co-fondatrice, réalisatrice et productrice du collectif « Tong Ghor Talkies ». Photographie réalisée par Nishita Hossain Zenin, reproduite avec autorisation.

GV : Dans l'un des films réalisés par votre équipe, Landscape of Soul, le personnage principal apparaît en train de danser, en situation de confinement. Qu'est-ce que cela vous évoque ?

ZM: In this series, we have two films produced by our team. “Landscape of Soul” and “On the Porch of the Unwell Earth.” The second film has been produced by Mitul Ahmed, a founding member, director and producer of Tong-Ghor Talkies.

“Landscape of Soul” is basically a dance film (this genre exists in a lot of festivals or websites in the international arena, but we haven't seen much work on this in Bangladesh).

The film was released on the International Dance Day. We wanted to portray the psychological state of a unique person, especially during the pandemic, through music and dance. At least, I wanted to see if this creativity resonates some response in the viewers’ minds.

ZM : Cette série propose deux films réalisés par notre collectif : Landscape of Soul et On the Porch of the Unwell Earth. Le second film a été réalisé par Mitul Ahmed, membre fondateur, réalisateur et producteur de Tong-Ghor Talkies.

Landscape of Soul est essentiellement un film sur la danse (ce genre existe dans beaucoup de festivals ou sites web dans la sphère internationale, mais il n'y a pas eu beaucoup de réalisations sur ce thème au Bangladesh).

Le film est sorti à l'occasion de la Journée internationale de la danse. Nous voulions dépeindre l'état psychologique d'une personne singulière, en particulier au cours de la pandémie, à travers la musique et la danse. Je tenais à voir si cette démarche créative pouvait, au moins, toucher la sensibilité des spectateurs.

GV : Vous avez choisi des films de producteurs bangladais et indiens. Est-ce votre intention que de présenter des récits d'un monde en proie à une pandémie, où les frontières géographiques s'évanouissent ?

ZM: We have previously released short films from various countries on our YouTube channel and website. In January 2020, we did an online distribution [8] of short films from Iran, Afghanistan, Tajikistan, Turkey, United Kingdom, Morocco, Italy, Sri Lanka, Egypt and some other countries, cities and places. We have released four international short films [9] on March 2020 celebrating the International Women's Day.

In the Tong Isolation Diary series, we focused primarily on Bengali language [10] films. We wanted to see how the filmmakers from in Bangladesh and West Bengal [11], India wanted to portray the effects of COVID-19 in peoples’ lives.

Two Bangladeshi producers, Asma Beethe [12] and Debashish Majumder [13], released their first films in the “Tong Isolation Diary” series, which is also our achievement and we are proud about it.

ZM : Des courts métrages en provenance d'autres pays ont déjà été diffusés sur notre chaîne YouTube et notre site web. En janvier 2020, nous avons lancé une distribution en ligne [8] de courts métrages en provenance d'Iran, d'Afghanistan, du Tadjikistan, de Turquie, du Royaume-Uni, du Maroc, d'Italie, du Sri Lanka, d'Égypte et de quelques autres pays, villes et localités. Nous avons produit quatre courts métrages internationaux [9], en mars 2020, à l'occasion de la Journée internationale des femmes.

Dans la série « Tong Isolation Diary », nous nous sommes surtout focalisés sur les films en langue bengalie [14]. Nous voulions ainsi découvrir comment les cinéastes du Bangladesh et du Bengale occidental [15] [fr], en Inde, souhaitaient rendre compte des effets du COVID-19 dans la vie de chacun.

En outre, deux producteurs bangladais, Asma Beethe [16] et Debashish Majumder [16], ont sorti leurs premiers films sous la bannière de la série « Tong Isolation Diary », ce qui constitue aussi pour nous une réussite et une source de fierté.

[description vidéo]
La video dure 2'26, et s'intitule Landscape of Soul. On y voit une femme danser seule à l'intérieur de sa maison. Elle danse sur une musique de Bob Dylan, Blowin’ in the wind, et les plans restent en noir et blanc lorsqu'elle danse. La jeune femme se tient aux barreaux de sa fenêtre, ressemblant un peu à ceux d'une prison. Sa performance est entrecoupée de deux images fortes liés à l'épidémie de COVID-19. Sur ces 2 images, on distingue des hommes en combinaisons blanches, transportant un corps. A la fin de la vidéo, on lit une citation d'un poème de Mickael Jackson : « Consciousness expresses itself through creation. This world we live in is the dance of the creator. » (La conscience s'exprime au travers de la création. Ce monde dans lequel nous vivons est la danse du créateur.)

GV : Quelles sont les raisons pour lesquelles vous avez préféré YouTube comme plateforme de distribution en ligne ? Même si cela permet de toucher un plus grand nombre de personnes, au-delà des frontières géographiques, les films n'ont pas généré beaucoup d'audience. Comment expliquez-vous cela ?

ZM: We have released the short films for online distribution both on YouTube [17] and our website [1]. There is, of course, a goal to reach out to a wider section of viewers. But at the same time, we know that the audience of independent short films is limited, especially for the kind of films we are making. We have released films covering a variety of genres from different countries, including those screened at prestigious international film festivals. We feature a variety of non-fiction films — however, it appears, there are not many people around the world interested in these films. There is another thing: although Tong-Ghor Talkies has been producing since 2017, we have started film distribution from only January 2020. The response we have received so far from the audience has been our inspiration.

ZM : Nous avons diffusé les courts métrages sur YouTube [17] et sur notre site web [1] pour une distribution en ligne. L'objectif est bien sûr de sensibiliser un plus large éventail de spectateurs. Néanmoins, nous sommes conscients que les courts métrages indépendants attirent un public limité, en particulier pour le genre de films que nous réalisons. Nos films couvrent une grande variété de genres et proviennent de différents pays, y compris ceux projetés dans de prestigieux festivals internationaux. Nous proposons une variété de films documentaires – cependant, il semble que peu de gens dans le monde s'intéressent à ces films . Autre chose, même si le collectif « Tong-Ghor Talkies » produit des films depuis 2017, la distribution a seulement été lancée en janvier 2020. À ce jour, les réactions du public ont été notre source d'inspiration.

[description vidéo]
La vidéo dure 10'30 et s'intitule Colors in cloud (Couleurs dans les nuages). Elle décrit le quotidien d'un homme dans une grande maison, située à l'étage, avec un balcon. Il est seul et il occupe son quotidien en lisant, en créant, en jouant, seul. Il lave son linge, on l'entend se doucher. On voit une casserole sur le feu. Il écoute les infos de la télévision sur les ravages du COVID. Des sous-titres en anglais sont visibles. Il reçoit un paquet à l'entrée de sa maison. Il répond à un coup de téléphone de son frère. Un hélicoptère survole la ville pour surveiller tout manquement au confinement. Un chat est présent sur le balcon. On y voit des nuages en mouvement, et une séquence de pluie ainsi que du vent.

GV : Quels sont, selon vous, les défis actuels des cinéastes indépendants au Bangladesh ?

ZM: I think its only fair to look at the challenges from the individual level rather than focusing on the whole industry. What would be the presentation of a good story or idea/topic, what would be the filming style — that varies from filmmakers to filmmakers. I think we need to take a deep look at what story we need to feature and how we want to portray it — those are very important. And the funding issues have always been there; still is a big challenge. There is nothing more to say about this.

ZM : Je pense qu'il est préférable de considérer les défis du point de vue de l'individu plutôt que de se référer à toute l'industrie. Quelle serait alors la restitution d'une belle histoire ou idée/sujet, quel serait le style de tournage – cela varie d'un cinéaste à l'autre. Je pense que nous devons nous pencher sérieusement sur l'histoire que nous voulons raconter et sur la manière dont nous voulons la transmettre – c'est essentiel. Et les questions de financement ont toujours existé ; le défi est toujours aussi important. Il n'y a rien de plus à ajouter sur ce point.