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L'Égypte sommée de libérer plusieurs éminents défenseurs des droits humains

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Egypte, Cyber-activisme, Droits humains, Gouvernance, Médias citoyens, Politique, Advox
Le défenseur des droits humains Karim Ennarah s'exprime à une tribune à l'Université américaine du Caire.

Karim Ennarah, éminent défenseur des droits humains en Égypte, a passé son 37e anniversaire en prison. Photo utilisée [1] avec la permission de Free Karim Ennarah.

Karim Ennarah est à la tête de l’unité de justice pénale de l’une des plus importantes ONG de défense des droits humains d’Égypte. Lundi dernier, il a passé son 37e anniversaire derrière les barreaux. Les appels à la libération du militant et de ses collègues détenus se sont intensifiés et ont suscité l'adhésion de milliers de personnes à travers le monde.

Karim Ennarah et deux autres membres de l'Initiative égyptienne pour les droits de la personne (EIPR), l’une des plus éminentes ONG pour les droits humains du pays mais aussi l’une des dernières à avoir survécu aux attaques incessantes menées depuis des années par le gouvernement à l’encontre de la société civile, ont été arrêtés le 18 novembre dernier. Leur incarcération soulève l'inquiétude jusque dans des pays alliés de l’Égypte comme les États-Unis, la France ou le Royaume-Uni, car elle intervient quelques jours après une rencontre avec 13 diplomates occidentaux où il a été question des tensions dans ce pays arabe.

Ce lundi, la femme de Karim Ennarah, Jess Kelly, a appelé à continuer de faire monter la pression sur les autorités égyptiennes pour obtenir sa libération :

Karim et moi, le jour de son anniversaire, il y a 4 ans. Karim a 37 ans aujourd'hui et au lieu de fêter ça avec moi, il est en prison. Svp, allez sur https://t.co/V7vjWBpP4J [2] pour savoir comment vous pouvez contribuer à le faire libérer. @EIPR #LibérezKarimEnnarah #LibérezLesMembresDeEIPR

[image]
Le couple, souriant, pose pour un selfie devant un lac. Ils portent des habits d'hiver.

Une pétition [8][en] a été lancée et circule désormais sur les réseaux sociaux, permettant au militant qui s’est fait arrêter alors qu’il était en vacances dans un hôtel de la Mer Rouge, d’obtenir de nombreux soutiens à l'international.

Une bonne personne réellement emprisonnée à tort. Pour en savoir plus, cliquez ici – https://t.co/RSmPCesSPB [9]#LibérezKarimEnnarah #LibérezLesMembresDeEIPR

[vidéo]
Message de 24 secondes, dans lequel l'écrivain et humoriste britannique Stephen Fry souhaite un joyeux anniversaire à Karim Ennarah et incite le public à signer la pétition pour sa libération, rappelant qu'il a été emprisonné pour son travail en faveur des droits humains.

Emma Thompson souhaite, comme beaucoup d'autres stars de cinéma, un joyeux anniversaire à Karim.
Svp, allez voir sur https://t.co/G2evUCkwFe [14] et signez la pétition. #LibérezKarimEnnarah

[vidéo]
Message de 28 secondes, dans lequel l'actrice britannique Emma Thompson souhaite un joyeux anniversaire à Karim Ennarah et incite le public à signer la pétition pour sa libération.

Dans une déclaration en réponse à l'indignation générale, le ministre égyptien des Affaires étrangères a rejeté [17] [ar] ce qu'il qualifie de « tentative d’influencer les investigations du ministère public sur les citoyens égyptiens incriminés ». Par ailleurs, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères égyptien a ajouté à cette déclaration que le gouvernement « respectait les principes de l’État de droit et de l’égalité » et que la liberté d’action de la société civile était garantie par la Constitution et les lois égyptiennes.

Cependant, les activistes remettent en cause le discours de l’État égyptien, qui affirme faire respecter la loi et les droits humains dans le pays. Karim Ennarah et Mohammed Basheer, le directeur administratif de l’ONG EIPR qui est aussi en détention depuis le 15 novembre, n’ont pas pu voir leurs familles depuis leur arrestation. Ils ont été aperçus ce mardi, pour la première fois depuis leur incarcération, lorsqu’ils ont comparu devant un tribunal antiterroriste au sein de l’Agence nationale de sécurité, pour que soit rendue une décision sur le gel des avoirs d’EIPR, demandé la veille par le procureur.

Dans un tweet [18] [ar] posté ce dimanche, l’ONG explique que ses avocats ont requis auprès du procureur général de la sûreté de l’État, la possibilité pour les familles de Karim Ennarah et Mohammed Basheer de venir les voir en prison, dans la mesure où aucun d’eux « n’est apparu ou n’a été vu ou entendu depuis son arrivée, respectivement, dans les prisons de Tora Investigations et de Liman Tora » (les centres de détention où sont incarcérés les deux militants).

Le directeur général de l’EIPR, Gasser Abdel-Razek, a, dès son incarcération le 19 novembre, été placé à l’isolement dans une cellule sans chauffage où il lui a été refusé des vêtements chauds et où il s’est fait raser la tête. Amnesty International a déclaré, dans un communiqué en date du 24 novembre [19], craindre que « ce militant de longue date, père de deux enfants, [ne] soit délibérément détenu dans de mauvaises conditions pour le punir de son travail en faveur des droits humains ».

Ce 28 novembre, le directeur par intérim de l’EIPR, Hossam Bahgat, a expliqué que les conditions de détention de Gasser Abdel-Razek s’étaient seulement améliorées après des pressions croissantes sur les autorités.

Votre cri de colère a payé. Gasser n'a plus faim ni froid. Svp n'arrêtez pas ?

Aujourd'hui, la femme et la mère du directeur d'EIPR Gasser Abdel-Razek ont été autorisées à lui rendre visite à la prison de Liman Tora. Il a confirmé qu'il avait à présent accès à des repas, à des vêtements et à des affaires de toilette mais qu'il demeurait à l'isolement 24h/24. Aucune visite pour Karim et Basheer pour le moment.

Ces accusations de terrorisme, auxquelles font face les trois prévenus, ont déjà été formulées par les autorités égyptiennes à l’encontre de nombreux défenseurs des droits humains ces dernières années, et beaucoup d’entre eux croupissent aujourd’hui en prison. L'État égyptien nie détenir des prisonniers pour motifs politiques.

« C’est tout à fait abject de punir les défenseurs des droits humains de l’une des dernières ONG actives, simplement parce qu’ils exercent leur droit à la liberté d’expression en discutant de la problématique des droits humains en Égypte », ont affirmé plusieurs experts des droits humains des Nations Unies dans une déclaration [22] [en] faite le 27 novembre, suite aux trois arrestations.

L’ONG EIPR et ses trois membres détenus sont depuis 18 ans sur le devant de la scène en matière de droits humains en Égypte. Ils ont défendu plusieurs milliers de membres de l’opposition incarcérés dans des prisons égyptiennes surpeuplées depuis 2013, année au cours de laquelle le renversement du seul président librement élu a ouvert la voie à une offensive sans précédent contre l’opposition.

« Ces arrestations mettent en évidence les sérieux risques encourus chaque jour par les défenseurs des droits humains en Égypte, alors qu’ils font un travail légitime », ajoutent les experts des Nations Unies.

En février dernier, Patrick Zaki, chercheur spécialisé dans les questions de genre à l’EIPR, a, lui aussi, été arrêté alors qu’il revenait d’Italie, où il étudiait. Il se trouve toujours en détention provisoire pour incitation au terrorisme.