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En Thaïlande, les étudiants manifestent en masse contre la dictature au Monument de la Démocratie

Catégories: Asie de l'Est, Thaïlande, Droits humains, Education, Gouvernance, Jeunesse, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens, Politique, Pourquoi la jeunesse thaïlandaise est descendue dans la rue
Un foule de jeunes rassemblés autour du Monument de la Démocratie à Bangkok. [1]

Les manifestants se rassemblent autour de l’historique Monument de la Démocratie. Photo de Prachatai.

Cet article [1] provient de Prachatai, un site web d’informations indépendant en Thaïlande. Il est publié ici dans une version remaniée dans le cadre d’un accord de partage de contenu.

[L’article d'origine [2] a été publié en anglais le 21 juillet 2020. Tous les liens de ce billet renvoient vers des pages web en anglais.]

Le groupe étudiant Free Youth Movement (mouvement de libération de la jeunesse) a organisé une manifestation publique au Monument de la Démocratie dans la soirée du samedi 18 juillet afin de protester contre le gouvernement. Il demande la dissolution du parlement ainsi que des amendements constitutionnels mais appelle aussi les autorités à cesser le harcèlement envers les citoyens exerçant leur liberté d'expression.

Avant le début de la manifestation à 17 h, plusieurs plantes ont été ajoutées au jardin décoratif entourant le Monument de la Démocratie, remplissant ainsi le sentier de fleurs. Une rangée de policiers en uniforme se tenait également derrière la barrière entourant le monument.

EN SAVOIR PLUS [3] à propos de la crise politique en Thaïlande, de l'avènement d'un gouvernement soutenu par l’Armée et du coup d’État de 2014.

Une unité de police antiémeute avait été aperçue près du monument vers 18 h 30, tandis qu'un journaliste de Prachatai signalait un camion de canons à eau se dirigeant vers le lieu de la manifestation vers 19 h.

Un grand nombre d’officiers de police ont été déployés autour de la zone et se sont placés à l’intérieur de l'école de Satriwithaya. Au cours de la soirée, des manifestants ont également repéré plusieurs officiers aux étages supérieurs d’un établissement scolaire.

Les forces de l’ordre ont affronté les manifestants en début de soirée alors que le groupe tentait d’enlever la barrière métallique placée autour de la zone de manifestation.

À 21 h 30, des policiers en civil ont tenté d’arrêter deux manifestants, affirmant que l’inscription sur leur banderole constituait une offense à la monarchie, mais l'interpellation a tourné court lorsque d’autres manifestants ont forcé les agents de police à quitter le lieu de la manifestation.

Un cordon de police se tient derrière une barrière, gardant le Monument de la Démocratie. Chaque agent porte un masque de protection faciale et un bérêt noir. [1]

Des officiers en uniforme se tenaient derrière la barrière autour du monument. Photo et légende de Prachatai.

Au cours de la manifestation, plusieurs représentants étudiants ont prononcé des discours à tour de rôle. Parmi eux, le président du Syndicat étudiant de Thaïlande (SUT) Juthatip Sirikhan et l’activiste « Pai Dao Din » Boonpattaraksa, mais aussi un étudiant du King Mongkut’s Institute of Technology Ladkrabang. Ce dernier a déclaré que le coup d’État de 2014 reflétait le manque de représentation du peuple et qu’il nuisait à l’État de droit ainsi qu'à la richesse nationale.

Panupong Jadnok, l’un des militants du groupe Avant-garde de la jeunesse de l'est (Eastern Youth Leadership) qui a manifesté [4] devant l'hôtel DVaree Diva Central Rayong lors de la visite du Premier ministre Gen Prayut Chan-o-cha le 15 juillet, s’est également joint à la manifestation.

Another summons was delivered to my house today. If you think that you can use these summonses to stop me, you think wrong. People like me are born only once and die only once. I was just holding up a sign saying ‘“Don’t let your guard down, dad’ and you can’t take it. If you can’t take it, then you shouldn’t be prime minister and should just resign.

J’ai reçu une autre convocation à mon domicile aujourd'hui. Si vous pensez que vous pouvez utiliser ces convocations pour m’arrêter, vous vous trompez. Les gens comme moi ne naissent et ne meurent qu’une fois. Je tenais juste un panneau disant « Ne baisse pas votre garde, papa », et ça, vous ne pouvez pas le supporter. Si vous ne pouvez pas le supporter, alors vous ne devriez pas être premier ministre et vous devriez tout simplement démissionner.

L’avocat des droits humains Anon Nampa a également fait un discours, entraînant les manifestants dans un chant de soutien aux réfugiés politiques morts ou vivants, aux prisonniers condamnés en vertu de la loi sur la lèse-majesté, et à Tiwagorn Withiton, qui a posté sur Facebook une photo de lui portant le t-shirt viral « J'ai perdu foi en la monarchie » et qui a été admis de force [5] dans un hôpital psychiatrique le 9 juillet. Anon Nampa a déclaré :

We are calling for the dissolution of parliament because this government came from an unfair election. After the election, the Future Forward Party was dissolved. We are calling for state officials to stop threatening citizens, to not be a slave to dictatorship, and to draft a new constitution, because no constitution anywhere gives a dictator the power to appoint 250 senators to vote for himself to be prime minister. That is shameless.

Nous demandons la dissolution du parlement car ce gouvernement est issu d’une élection inéquitable. Après l’élection, le Parti du nouvel avenir (พรรคอนาคตใหม่) a été dissous. Nous demandons donc aux fonctionnaires de l’État de cesser de menacer les citoyens, de ne pas être esclaves de la dictature et de rédiger une nouvelle constitution, car aucune constitution dans le monde ne donne à un dictateur le pouvoir de nommer 250 sénateurs afin qu’à leur tour, ils puissent l’élire premier ministre. C’est honteux.

À 19 h, les organisateurs ont demandé aux manifestants d’allumer les lampes torches de leurs téléphones et d’éclairer le Monument de la Démocratie. Selon les organisateurs, ce moment a duré 112 secondes.

À 20 h 45, des représentants du mouvement Jeunesse libre ont lu une déclaration dans laquelle ils formulent les trois revendications suivantes :

-The dissolution of the Palang Pracharat-led parliament which has failed to handle the Covid-19 situation;
-An end to harassment by the authorities of people who are exercising their freedom of expression;
-The replacement of the current constitution, which favors the regime, with a new one which is meant for the benefit of the people.

- La dissolution du parlement dirigé par le Palang Pracharat (พรรคพลังประชารัฐ, Parti du pouvoir de l’État du peuple) qui n’a pas réussi à gérer la situation sanitaire du Covid-19 ;
– La cessation du harcèlement des autorités envers le peuple, qui ne fait qu’exercer sa liberté d’expression ;
– Le remplacement de la constitution actuelle, qui penche en faveur du régime, par une nouvelle, orientée vers les intérêts du peuple.

Les représentants des mouvements de contestation ont également déclaré qu’ils accorderont au gouvernement deux semaines pour répondre à leurs revendications, sous peine de multiplier leurs actions.

Photo de nuit : le Monument de la Démocratie est éclairé et la foule est parsemée des lumières émises par les téléphones des manifestants. [1]

Les manifestants allument les lampes torches de leurs téléphones et éclairent le Monument de la Démocratie. Photo de Prachatai.

Le groupe étudiant Mouvement du printemps [6] s’est également joint à la manifestation, distribuant des affiches jaunes « personnes disparues » avec les photos et les noms des victimes de disparitions forcées, telles que Somchai Neelapaijit, Haji Sulong Tomina, Surachai Sae Dan, et Siam Theerawut.

La manifestation principale a investi un quart du rond-point du Monument de la Démocratie, devant McDonald’s et l’école de Satriwithaya. Le nombre de participants est passé d'environ 500 au début de la manifestation à environ 2 000. Les hashtags #เยาวชนปลดแอก (#LibérezLaJeunesse) et #respectdemocracyTH (#RespectezLaDémocratieTH) étaient en tendance sur Twitter car ils étaient utilisés pour partager des informations sur la manifestation.

Vers 21 h 30, deux hommes ont été vus en train de traverser la foule en courant et d’essayer de démolir la tente des organisateurs, provoquant ainsi un mouvement de foule parmi les manifestants, avant que les agents de sécurité ne puissent contrôler la situation et faire sortir les deux hommes de la zone.

Les organisateurs avaient préalablement annoncé qu’ils resteraient au Monument de la Démocratie jusque dimanche 19 juillet à 8 heures du matin. Ils ont cependant décidé de mettre fin à la manifestation à minuit pour des raisons de sécurité.

Des membres du Mouvement du printemps ont le visage caché par des affiches jaunes sur lesquelles on voit le portrait et des informations sur une personne disparue. [1]

Les affiches jaunes « personnes disparues » distribuées par des membres du Mouvement du printemps. Photo et légende par Prachatai.