Des caricatures serbes divulguent la manipulation politique derrière l'importation des vaccins contre le COVID-19

Une vignette de bande dessinée (noir et blanc), qui montre le président serbe et une bulle.

« Nous avons commandé des vaccins chez un certain pays. Mais je ne vous dirai pas lequel… »      Vignette d'une bande dessinée de Miloš Dragojević (Stripom Protiv Diktature) qui représente le président serbe Aleksandar Vučić. Image utilisée avec permission.

L’article d'origine a été publié en anglais le 1er septembre 2020.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en français, ndlt.]

Le caricaturiste Miloš Dragojević a utilisé la page Facebook Stripom protiv Diktature [sr] (La bande dessinée contre la dictature) pour faire des commentaires satiriques sur la situation politique en Serbie. Quelques-unes de ses récentes bandes dessinées évoquent le manque de transparence du gouvernement sur la provenance des vaccins contre le COVID-19 et la réaction des gens.

Dans un communiqué de presse pour Global Voices, il explique la raison pour laquelle il a commencé à créer les caricatures numériques :

Sa radom na kreiranju strip tabli na Stranici “Stripom protiv diktature” počeo sam tako što sam tražio način da izrazim bunt i iskažem neslagsnje sa stanjem u svojoj zemlji. Istovremeno želeo sam da što više ljudi vidi taj moj izraz. Tako sam našao efikasan način da kroz strip satiru ismejem, ali istovremeno i ukažem na loše pojave u društvu. Pre svega medju političirama.

J'ai commencé à travailler sur la création d'une BD pour la page « La bande dessinée contre la dictature », car je voulais exprimer ma révolte et mon désaccord avec la situation de mon pays. Je voulais aussi partager mon témoignage avec le plus de monde possible. J'ai donc trouvé un moyen efficace de tourner les choses en ridicule à travers la satire comique, tout en mettant à découvert les mauvais phénomènes sociétaux, tout particulièrement ceux commis par les politicien·ne·s.

Alors qu'au début, le gouvernement serbe dirigé par le président Aleksandar Vučić a minimisé le danger de la pandémie [en], le ton a changé après les élections de juin, et le président a assumé le rôle de protecteur du peuple contre le COVID-19. Le 15 juillet, Aleksandar Vučić a annoncé qu'il était en contact avec un certain pays qui avait déjà développé un vaccin et qu'il serait disponible en Serbie avant la fin de l'année 2020.

Lorsque les journalistes ont demandé de quel pays le vaccin serait importé, Aleksandar Vučić a refusé de divulguer cette information [sr]. Il a seulement annoncé que « bientôt nous signerons un protocole de coopération, mais je ne peux pas vous dire le nom du pays ».

Cependant, deux semaines plus tard, le président serbe a annoncé [en] qu'il avait rencontré l'ambassadeur de la République populaire de Chine, Chen Bo, et « a renouvelé sa gratitude pour le soutien que la Serbie a reçu de la Chine et du président Xi Jinping, en particulier pour l'aide apportée pendant l'épidémie de coronavirus ». Il convient de noter que la vaccination était l'un des sujets de la réunion.

Étant donné que les essais cliniques nécessaires à l'évaluation en bonne et due forme des vaccins peuvent prendre plusieurs mois, voire des années, une grande partie du public avait des doutes quant à la qualité de ces produits médicaux. Cette incrédulité est illustrée dans les vignettes ci-dessous qui montrent une caricature des soi-disant déclarations d'Aleksandar Vučić et Xi Jinping.

Deux vignettes de BD (noir et blanc), l'une en dessous de l'autre, qui montrent Aleksandar Vučić et Xi Jinping et deux bulles.

Aleksandar Vučić : « Nous avons commandé des vaccins chez un certain pays. Mais je ne vous dirai pas lequel… ». Xi Jinping : « Nous allons essayer les vaccins sur les citoyens d'un certain pays. Mais je ne vous dirai pas lequel… ». Des vignettes dessinées par Miloš Dragojević illustrent la décision d'utiliser des vaccins chinois contre le COVID-19 en Serbie (Stripom Protiv Diktature). Images utilisées avec permission.

Le 11 août, la Russie a annoncé qu'elle avait développé un vaccin contre le COVID-19. Les médias, les politicien·ne·s et les utilisateur·rice·s de médias sociaux pro-russes dans les Balkans ont commencé à saluer ce développement controversé, et à réaffirmer que l'une des filles de Poutine se l'était fait inoculer.

Le même jour, le président serbe a réagi à la nouvelle du vaccin russe en déclarant qu'il était « prêt à être le premier à recevoir le vaccin russe », comme l'a publié [ru] Russia Today sur Twitter.

Les vignettes ci-dessous, du 14 août, décrivent le changement de position des personnes âgées, considérées comme les plus sujettes à l'influence russe et à celle des populistes nationaux qui sont de connivence avec la Russie.

Deux vignettes de BD (noir et blanc), représentant deux hommes âgés, assis sur un banc, engagés dans une discussion sur les vaccins contre le COVID-19.

Vignette 1 : « N'as-tu pas entendu ? Les Russes ont inventé un vaccin… ». « Ces vaccins contre le coronavirus sont néfastes. Les Américains et les mondialistes veulent les utiliser pour nous détruire… ». Vignette 2 : « La fille de Poutine s'est déjà fait inoculer. » « Je n'ai pas arrêté de te le dire. Les vaccins sont la seule manière de nous sauver. Dès qu'ils arrivent, je serais le premier à me faire vacciner. » Ces vignettes de Miloš Dragojević montrent deux retraités qui discutent des vaccins contre le COVID-19 (Stripom Protiv Diktature). Images utilisées avec permission.

Alors que des mèmes de Poutine liés au vaccin ont inondé les réseaux sociaux [en], un groupe est resté anormalement silencieux : les anti-vaccins (dits anti-vax) des Balkans. L'influenceur macédonien Slobodan Jakoski a commenté à ce sujet sur Twitter.

Je suis ravi d'admettre que certaines de mes connaissances qui sont antivax, n'étaient en fait qu'anti-occidentales pendant tout ce temps. Merci la Russie !

En mai 2020, le gouvernement serbe a annoncé [sr] que tous et toutes les citoyen·ne·s adultes étaient éligibles à une aide financière unique de la part du gouvernement, à hauteur de 100 euros (environ 120 dollars américains). Les membres de l'opposition ont noté [sr] que cette redistribution de l'argent des contribuables coïncidait avec la poursuite de la campagne pour une élection éclair [en], reportée au 21 juin.

Plusieurs personnalités publiques ont annoncé [sr] qu'elles refuseraient l'argent, car elles en possèdent suffisamment et que l'argent devrait être donné aux personnes qui sont davantage dans le besoin. D'après les déclarations des représentants du gouvernement, le nombre de personnes ayant demandé à bénéficier des 100 euros (6,2 millions [sr]) dépassait le nombre de citoyen·ne·s qui vivent en Serbie, ce qui laisse entendre [sr] que beaucoup de Serbes résidant à l'étranger ont également fait cette demande.

Le dernier dessin de Miloš Dragojević caricature le revirement de position très rapide des gens ordinaires, après avoir appris qu'il y avait une subvention de l'État à la clef s'ils/elles se faisaient vacciner.

Deux vignettes de BD (noir et blanc), représentant deux hommes assis de dos, qui discutent du vaccin contre le COVID-19.

Vignette 1 : « Tu vas te faire vacciner contre le coronavirus ? » « C'est hors de question. C'est du poison. ». Vignette 2 : « Ils offrent cent euros à ceux qui se vaccinent… » « Hum… C'est possible de le faire plusieurs fois ? » Une remarque de Miloš Dragojević sur le changement radical d'opinion par rapport au vaccin contre le COVID-19 quand de l'argent est en jeu (Stripom Protiv Diktature). Images utilisées avec permission.

Miloš Dragojević en dit plus sur la raison pour laquelle il accorde autant d'importance à son militantisme sous forme de bandes dessinées :

Ovo mi je važno iz ličnih razloga jer imam tu nekakvu potreba da ljudi čuju moje mišljenje i moj stav, a da to ne bude puko iznošenje mišljenja nego na jedan duhovit i pre svega direktan način. Dakle snažnom i kratkom porukom. Takodje pored ličnih razloga rukovodio sam se i željom da na neki način osvestim društvo. Da prodrmam ljude i nateram ih da počnu misliti svojom glavom, ali isto tako i da ne nasedaju na razne teorije zavera kojih su prepuni mediji i koje možete čuti na svakom koraku. Ljudi su u današnje vreme zbunjeni velikom količinom različitih i kontradiktornih informacija. Kada govorimo o vakcini protiv korona virusa to je posebno izraženo. Ja sam kroz svoje stripove pokušao dočarati koliko lako ljudi menjaju svoj stav o toj temi u zavisnosti od sopstvenih predrasuda koje su opet proizvod propagande kojoj su svakodnevno izloženi. Takodje hteo sam ukazati i na momenat manipulicaje i jeftinog skupljanja poena političara na ovoj ozbiljnoj temi koja nikako ne bi trebala da služi u te svrhe.

Ce travail est important pour des raisons personnelles. J'ai un besoin de faire entendre mes opinions et ma position. Je n'avais pas envie de m'exprimer de manière ordinaire, mais plutôt de faire passer un message court et fort, d'une manière amusante et directe. Je ressens également un besoin de sensibiliser la société d'une certaine manière. De secouer les gens et de leur apprendre à penser par eux-mêmes, mais aussi à ne pas croire toutes ces théories du complot qui sont diffusées par les médias et par le bouche-à-oreille. De nos jours, les gens sont confus à cause du grand nombre d'informations différentes et contradictoires. Cela est particulièrement vrai pour le vaccin contre le coronavirus. J'ai essayé de montrer, à travers mes bandes dessinées, qu'il est très facile pour les gens de changer d'avis en fonction de leurs préjugés, qui à leur tour résultent de l'exposition quotidienne à la propagande. Je souhaitais aussi dénoncer la manipulation par les politicien·ne·s qui sont prêt·e·s à oublier la gravité de la situation et à mettre des vies en danger pour leurs propres intérêts politiques.

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