Arabie Saoudite : une activiste emblématique condamnée à une peine de prison, suscitant de vives réactions à l'international

Gros plan du visage d'une jeune femme qui offre un éclatant sourire. Elle est brune et porte du rouge à lèvres légèrement foncé, et regarde droit devant elle. Derrière elle, le fond est flou.

Copie d'écran tirée d'une vidéo France24 sur YouTube présentant la militante saoudienne, Loujain al-Hathloul.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais, ndlt.]

Loujain al-Hathloul, éminente défenseuse saoudienne des droits humains, dont la mise en détention depuis 2018 avait alimenté de nombreuses critiques dans le monde entier, a été condamnée à près de six ans de prison, le 28 décembre, sur décision du tristement célèbre tribunal du royaume chargé des affaires de terrorisme, ce qui marque une évolution alarmante dans son combat incessant pour la liberté.

D'après sa sœur Lina, Loujain al-Hathloul devrait être remise en liberté au plus tard en mars 2021, après avoir déjà purgé la majeure partie de sa peine en détention préventive, comme elle le dit dans un tweet :

Flash info : aujourd'hui @LoujainHathloul a été condamnée à 5 ans et 8 mois de prison avec un sursis de 2 ans et 10 mois correspondant au temps déjà purgé (depuis mai 2018) ce qui permettrait sa libération dans environ deux mois. Elle a été aussi condamnée à une interdiction de voyager pendant 5 ans.
— Lina Alhathloul لينا الهذلول (@LinaAlhathloul) December 28, 2020

Lina al-Hathloul a également indiqué, dans un autre tweet, que sa sœur Loujain « a fondu en larmes lorsqu'elle a entendu la sentence aujourd'hui », et qu'elle « fera appel de celle-ci et demandera une autre enquête sur les actes de torture ».

Selon la presse locale [ar] reprenant la décision du tribunal, Loujain al-Hathloul, 31 ans, a été reconnue coupable d'« avoir commis des actes criminels en vertu de l'article 43 de la loi sur la lutte contre les crimes de terrorisme [ar] », notamment en communiquant avec des organismes étrangers hostiles, et en recourant à internet pour servir et soutenir un objectif étranger à l'intérieur du royaume, en vue de porter atteinte à l'ordre public.

La condamnation de Loujain al-Hathloul fait suite à un procès précipité, dont les groupes internationaux de défense des droits humains ont jugé qu'il était entaché par des vices de procédure. Même si la peine requise est inférieure à la peine de prison maximale fixée à 20 ans par le procureur général le 17 décembre, on s'attend à une condamnation supplémentaire de la part du Royaume, qui affiche déjà un triste palmarès en termes de violations des droits humains, tant sur son propre territoire qu'à l'extérieur de ses frontières.

Mary Lawlor, rapporteuse spéciale auprès des Nations unies pour la situation des défenseurs des droits humains, a publié sur Twitter :

Je viens de recevoir des informations préoccupantes selon lesquelles la défenseuse saoudienne, Loujain al-Hathloul, a été reconnue coupable et condamnée à une peine de prison par un tribunal antiterroriste. Elle devrait pourtant être immédiatement libérée. Défendre les droits humains ne relève pas du terrorisme ! @patrickwintour @jongambrellAP @NiAolainF @sebusher
— Mary Lawlor UN Special Rapporteur HRDs (@MaryLawlorhrds) December 28, 2020

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L'image montre une jeune femme brune aux cheveux courts. Elle apparaît assise, souriant à la caméra. Elle tient dans ses mains une carte ou pièce d'identité sur laquelle on distingue sa photographie et des informations plutôt floues. Elle porte une veste rose et une partie de ses cheveux lui couvre l'œil.

Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch, a réagi en déclarant :

Le gouvernement saoudien réfute le fait que Loujain al-Hathoul ait été poursuivie pour avoir milité en faveur du droit des femmes à conduire « mais au contraire pour avoir organisé une campagne de déstabilisation de la famille royale ». En effet, le prince héritier saoudien perçoit tout militantisme politique comme une menace.
— Kenneth Roth (@KenRoth) December 28, 2020

Loujain al-Hathloul a été au cœur des campagnes exigeant le droit des femmes à conduire et elle est une figure de proue dans la lutte contre le système de tutelle masculine, lequel assimile les femmes saoudiennes à des citoyens de seconde zone.

Les observateurs ont estimé que la réduction de la peine traduisait les changements de direction attendus à la Maison blanche. L'administration de Donald Trump demeure un fervent partisan du prince héritier Mohamed bin Salman, souverain de facto de l'Arabie saoudite, plus connu sous ses initiales MBS. Le gouvernement américain sortant a fermé les yeux sur un piètre bilan en matière de droits humains, qui a rapidement été attribué au prince saoudien.

Dans notre éditorial sur le Washington Post, nous considérons que la condamnation de Loujain al Hathloul est une parodie, et aussi un signe que la pression internationale exercée sur MBS s'avère efficace.
— Jackson Diehl (@JacksonDiehl) December 28, 2020

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L'image montre une jeune femme brune souriante, les cheveux au vent. Elle est assise sur un banc et se trouve en bord de mer. Elle est habillée d'une robe de soirée, noire en dentelle. Il fait beau. On distingue une plage derrière elle, des bateaux sur la mer et des palmiers tout à côté d'elle.

Le président américain élu, Joe Biden, a déclaré que son administration adopterait une attitude moins clémente vis-à-vis des violations des droits humains à Riyad, attitude réaffirmée, après la condamnation de Loujain al-Hathloul, par Jake Sullivan, son conseiller à la sécurité nationale :

Le verdict prononcé à l'encontre de Loujain al-Hathloul par l'Arabie saoudite, pour le simple exercice de ses droits fondamentaux, est injuste et troublant. Comme nous l'avons indiqué, l'administration Biden-Harris se mobilisera contre les atteintes aux droits humains, quel que soit l'endroit où elles surviennent.
— Jake Sullivan (@jakejsullivan) December 28, 2020

En mai 2018, Loujain al-Hathloul était enlevée aux Émirats arabes unis et détenue durant des mois avec d'autres militantes, avant l'entrée en vigueur d'un décret royal révolutionnaire, qu'elles avaient longtemps défendu, qui autorisait les femmes à conduire. Après son extradition vers le royaume saoudien, Loujain al-Hathloul a été maintenue en détention préventive, assortie de périodes d'isolement, de suspension de visites familiales et de torture. Elle avait entamé une grève de la faim dans le but de revoir sa famille.

Sa famille n'a été informée de son procès, longtemps retardé, que le 24 novembre. Cela n'a laissé à ses parents, qui sont ses représentants légaux, qu'un seul jour pour se préparer. Le 25 novembre, l'affaire Loujain al-Hathloul a été transférée du tribunal pénal au tribunal pénal spécialisé (Specialised Criminal Court) sur les accusations relatives à la sécurité nationale résultant de la coopération avec des instances étrangères.

Le fait de confier l'affaire @LoujainHathloul au tribunal « Terrorisme » ne fait pas d'elle une terroriste.
Cela démontre cependant la brutalité et l'hypocrisie des autorités saoudiennes qui exploitent l'« émancipation des femmes » pour redorer leur blason, tout en poursuivant ces femmes militantes sous de fausses accusations.
— Amnesty Gulf (@amnestygulf) November 25, 2020

Depuis son ouverture il y a un mois, le procès a fait l'objet de nombreuses critiques.

Je m'inquiète du fait que l'Arabie saoudite cherche à appliquer la peine de prison maximale pour la militante des droits des femmes Loujain al-Hathloul. Elle, au même titre que les autres militantes, devrait être immédiatement libérée sans condition, et toutes les charges retenues contre elles devraient être abandonnées.
— U.S. Senate Foreign Relations Committee (@SenateForeign) December 17, 2020

L'incarcération de Loujain al-Hathloul, une militante devenue le symbole des prisonniers politiques dans le royaume riche en pétrole, avait jeté une ombre sur la présomption de sincérité des réformes sociales, culturelles et économiques accélérées menées par Riyad, sous l'impulsion de MBS. En réalité, la mobilisation mondiale en faveur de Loujain al-Hathloul et de ses homologues féminines, l'assassinat brutal du journaliste Jamal Khashoggi [fr], qui semble avoir été ordonné par MBS, et le rôle joué par l'Arabie saoudite dans la crise humanitaire au Yémen, ont terni l'image du jeune prince et renforcé la pression sur les alliés occidentaux de Riyad pour une réévaluation des liens avec le royaume.

Sayed Ahmed AlWadaei, directeur du plaidoyer pour l'Institut de Bahreïn au service des droits et de la démocratie (BIRD, Bahrain Institute for Rights and Democracy) a tweeté :

La réprobation internationale autour de la condamnation de Loujain al-Hathloul a été lancée par le Canada et l'Allemagne.

D'autres pays devraient suivre…
— Sayed Ahmed AlWadaei (@SAlwadaei) December 28, 2020

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Plan moyen d'une jeune femme brune avec des cheveux sur les épaules, un peu rêveuse. Elle porte le regard sur le côté, légèrement en l'air. Elle est vêtue d'un pullover rayé, gris et bleu. Derrière elle, on distingue un portillon et le fond de l'image est flou.

Loujain al-Hathloul avait confié à sa famille qu'elle avait subi des électrochocs, reçu des coups de fouet et subi un harcèlement sexuel. Sa famille affirme également qu'on lui a promis la liberté si elle acceptait de dire qu'elle n'avait subi aucune torture.

Loujain al-Hathloul avait entamé une grève de la faim de deux semaines (à partir du 26 octobre) au cours de laquelle elle était régulièrement contrôlée. Après ces deux semaines, ils ont entrepris de la réveiller toutes les deux heures la nuit. Elle s'épuisait psychologiquement, elle déclarait faire de terribles cauchemars et a donc interrompu sa grève de la faim.
— Lina Alhathloul لينا الهذلول (@LinaAlhathloul) November 25, 2020

Les appels en faveur d'une enquête transparente et impartiale sur les allégations d'abus et de torture concernant Loujain al-Hathloul sont restés lettre morte. Le rejet par le juge des allégations de torture concernant Loujain al-Hathloul a suscité il y a une quinzaine de jours la création du hashtag #Loujain_Doesn't_Lie (« Loujain ne ment pas ») sur Twitter, autour duquel se sont rassemblés les sympathisants qui ont défendu sa cause.

Mayaa al-Zahrani, une autre militante saoudienne, a écopé de la même peine que Loujain al-Hathloul.

Aujourd'hui, la Cour pénale spécialisée (SCC, Specialized Criminal Court) d'Arabie saoudite a également condamné la défenseuse des droits humains Mayaa al-Zahrani à 5 ans et 8 mois de prison, avec 2 ans et 10 mois de sursis, soit exactement la même peine que celle prononcée contre @LoujainHathloul.
— ALQST for Human Rights (@ALQST_En) December 28, 2020

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Dessin d'une jeune femme, tournant la tête sur le côté. Ses cheveux sont attachés. Elle est dessinée avec un crayon gris sur un fond couleur vieux rose. Sur la gauche en bas de l'image, on distingue le logo en anglais et en arabe, « ALQST, Advocating for Human Rights » (« Défense des droits humains en Arabie saoudite »). Il est accompagné du dessin d'une balance, symbole de la justice.

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