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Interview avec la Croix-Rouge équatorienne en première ligne contre le COVID-19

Catégories: Amérique latine, Equateur, Médias citoyens, Migrations & immigrés, Santé, COVID-19
Un volontaire en veste rouge, portant des gants et un masque de protection faciale, transmet un sac de vivres à un habitant.

Une équipe de la Croix-Rouge équatorienne fournit une aide humanitaire aux communautés locales. Images de la Croix-Rouge, utilisation autorisée.

L’article d'origine [1] a été publié en espagnol le 19 mai 2020. Pour refléter l'évolution de la situation sanitaire, certaines données ont été mises à jour (notes entre crochets).

[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des pages web en espagnol, ndlt.]

Tathiana Moreno, responsable des secteurs essentiels à la Croix-Rouge équatorienne, supervise les efforts pour maintenir chaque jour la population équatorienne en bonne santé.

Selon les données officielles [2] [en] recueillies au moment de la publication de cet article, en Équateur nous comptons 33 582 cas confirmés et 2 799 décès par COVID-19. [Au 6 janvier 2020, le pays a enregistré 216 083 cas et 14 103 décès, ndlt.] 20% des décès en Équateur concernent le personnel médical [3]. Cependant, comme dans beaucoup d’autres zones du monde, les données fournies par le gouvernement sont peu fiables à cause d’un manque d’efficacité ou de transparence.

Avant de rejoindre la Croix-Rouge équatorienne, Mme Moreno a travaillé pour le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et pour le Ministère de la Santé. Lors d’une interview avec Global Voices, elle nous a offert une perspective directement ancrée dans son travail humanitaire au sein de l’un des épicentres de la pandémie en Amérique latine.

Note de la rédaction : L’interview a été abrégée et modifiée pour plus de clarté.

Gabriela Mesones Rojo (GMR) : Comment la Croix-Rouge équatorienne gère-t-elle la pandémie ?

Tathiana Moreno (TM): El primer cambio es que ya no trabajamos con voluntarios, a pesar de haber aumentado muchísimo el ritmo de trabajo. Actualmente estamos manejando fallecidos confirmados por COVID-19 y fallecidos presuntos de COVID-19, de acuerdo a la disposición mundial del manejo digno de los cadáveres [4]. También empezamos un servicio de captación y donación de sangre a domicilio porque con las medidas de cuarentena han cerrado los bancos de sangre. Es un protocolo que sólo se está haciendo en Ecuador y la Cruz Roja Ecuatoriana provee el 80% de la sangre a nivel nacional. También organizamos un programa de agua, saneamiento e higiene, principalmente en Santo Domingo, Santa Elena, Guayas y Cañar donde también hay un problema de dengue. En Guayaquil, la zona de mayor contagio es un barrio de clase muy alta, en el que mucha gente estaba volviendo de viaje; mientras que la zona de mayor mortalidad por COVID-19 son los barrios más pobres. Se da a entender que hay una vinculación con el acceso a servicios, principalmente la falta de agua. Esta semana también activamos un proyecto piloto, un centro de triaje respiratorio, para ayudar a la descongestión de los hospitales en donde pueden ser atendidas las personas con problemas respiratorios. Vamos a empezarlo en Quito, y si resulta lo ampliamos a nivel nacional. Hacemos telemedicina y apoyo psicosocial a nuestro personal y hemos afianzado nuestro apoyo a la población migrante en 22 albergues. También hemos coordinado cursos online de prevención y control de infecciones [5] y de Bienestar emocional ante el COVID-19 y prevención en confinamiento.  [6]Todo esto conlleva una logística enorme con costos altísimos.

Tathiana Moreno (TM) : Le premier changement que nous avons fait, malgré l’augmentation énorme du rythme de travail, est de ne plus travailler avec des bénévoles. Nous traitons actuellement les cas confirmés et présumés de décès liés au COVID-19 conformément aux dispositions internationales en matière de traitement respectueux des personnes décédées [4]. Nous avons également lancé un service de collecte et de don de sang à domicile car les banques de sang sont fermées en raison des mesures de quarantaine. Il s'agit d’un protocole qui n’est mis en œuvre qu’en Équateur. La Croix-Rouge équatorienne fournit 80% du sang dans tout le pays. Nous organisons également un programme d’assainissement de l’eau et d’hygiène principalement autour de Saint-Domingue, Santa Elena, Guayas et Cañar où, en plus du COVID-19, la population est confrontée à un problème de dengue. À Guayaquil, la zone de contamination la plus importante est un quartier habité par les citoyens les plus riches, dont beaucoup reviennent d'un voyage ; toutefois, le taux de mortalité par COVID-19 le plus élevé est enregistré dans les quartiers les plus pauvres. Cela implique un lien avec le manque d’accès aux services de base, en particulier l’accès à l’eau. Nous offrons à notre personnel un service de télémédecine et de soutien psychosocial, et avons renforcé notre soutien aux populations migrantes dans 22 refuges. Nous avons également mis sur pied des cours en ligne sur des sujets comme la prévention et le contrôle des infections [5], le bien-être émotionnel face au COVID-19 [6], et la prévention pendant le confinement [6]. Tout cela implique une planification logistique énorme et des coûts très élevés.

Deux employés de la Croix-Rouge équatorienne posent en équipement de protection individuelle devant un véhicule de l'organisation.

Une équipe de la Croix-Rouge équatorienne. Images de la Croix-Rouge, utilisation autorisée.

GMR : Comment avez-vous coordonné l’acquisition de l’équipement médical nécessaire alors que des rapports font état d’une pénurie à l’échelle nationale ?

TM: Está resultando muy complicado encontrar lo que necesitamos. Las ambulancias sí están usando los implementos de seguridad, pero han sido sumamente difíciles de conseguir. Antes de la llegada del virus a Ecuador, la caja de mascarillas N95 costaba $3,95. Hoy día una sola mascarilla N95 cuesta $4. El traje completo de bioseguridad (el traje, las botas, los batones, los lentes, los guantes) tiene un costo de $64. Eso quiere decir que cada atención que hacemos, que incluye a un conductor de ambulancia, paramédico y asistente son mínimo $200 que van a la basura después de cada atención. Esto no lo cubre el estado, porque la Cruz Roja se maneja con fondo propios, tanto el equipamiento como la capacitación.

TM : Cela devient très difficile de trouver ce dont nous avons besoin. Les ambulances utilisent effectivement des équipement de sécurité, mais cela a été extrêmement difficile à obtenir. Avant l’arrivée du virus en Équateur, une boîte de masques N95 coûtait 3,95 USD [La monnaie de l’Équateur est le dollar américain [en] [7], ndlt.]. Aujourd'hui, un seul masque N95 coûte $4. La combinaison de biosécurité complète (combinaison, bottes, couvre-chaussure, lunettes, gants) coûte $64. Cela signifie que chaque cycle de soins que nous effectuons, qui comprend un chauffeur d’ambulance, un ambulancier paramédical et un assistant, coûte au moins $200 qui vont directement à la poubelle après chaque utilisation. Tout ceci n’est pas couvert par l’État parce que la Croix-Rouge gère ses propres fonds pour l’équipement et la formation.

GMR : Comment se déroule le travail dans les structures d'accueil des migrants ?

TM: Cruz Roja tiene un programa para migrantes desde hace un año y medio aproximadamente y tenemos una relación muy estrecha con la comunidad migrante. La Cruz Roja abrió una línea para la captación de donaciones para migrantes en situación de calle, vulnerables, sin redes de apoyo y dependientes del trabajo informal. El gobierno por ley ha sacado un decreto que impide poder cobrar servicios o botar a gente de una casa por temas de arriendo mientras dure el estado de excepción, pero los registros nos muestran que muchos migrantes y ecuatorianos están siendo afectados. Tenemos bastantes personas regresando a Venezuela por trocha debido a esta situación. 

TM : Depuis environ un an et demi la Croix-Rouge a un programme pour les migrants, et nous avons établi une relation très étroite avec la communauté des migrants. La Croix-Rouge a ouvert une ligne budgétaire spécifique pour recueillir des dons pour les migrants sans abri, vulnérables, sans réseaux de soutien et dépendants d’emplois informels. Le gouvernement a publié un décret qui rend illégales la facturation des services ou l'expulsion des personnes en raison de problèmes de loyer pendant toute la durée de l'état d'urgence, mais les données recueillies montrent que de nombreux migrants et Équatoriens sont toujours touchés par ces situations. Beaucoup de gens, à cause de cela, retournent au Venezuela à pied.

GMR : Savez-vous combien de personnes cherchent à retourner dans leur pays d’origine ?

TM: Nuestro registro oscila entre 40 hasta 700 personas que buscan salir por trocha diariamente. Esto no son cifras oficiales, sino que son registros que hacemos a través de alianzas con cancillería y otras estructuras migratorias. Esta situación se ve principalmente con la comunidad venezolana, porque son quienes han venido en las últimas oleadas migratorias a Ecuador. Hablamos de personas que tienen menos de un año en el país, y por ello sus vínculos de pertenencia y sus sistemas de apoyo son más débiles. La población colombiana puede tener una historia de 10 a 12 años en Ecuador y la comunidad Haitiana creció después del terremoto del 2010, así que ya están afianzados al país. En cambio la comunidad venezolana siente una vulnerabilidad y un temor muy grande. Muchos testimonios hablan de como le tienen miedo a que si mueren y son cremados en otro país y que sus familiares no se enteren.  

TM : Notre registre indique que de 40 à 700 nouvelles personnes essaient chaque jour de partir à pied. Ce ne sont pas des chiffres officiels, mais des listes que nous dressons grâce à des alliances avec le ministère des Affaires étrangères et d’autres structures qui s’occupent des migrants. Cette situation affecte principalement la communauté vénézuélienne, qui est arrivée en Équateur avec les dernières vagues migratoires. Nous parlons de gens qui sont dans le pays depuis moins d’un an et dont les liens d'appartenance et les réseaux de soutien sont plus faibles. La population colombienne qui a une histoire de 10 à 12 ans en Équateur et la communauté haïtienne qui s'est étoffée après le séisme de 2010 sont déjà plus fermement enracinées dans le pays. Contrairement à celles-ci, la communauté vénézuélienne se sent très vulnérable et a des craintes importantes. Beaucoup disent avoir peur de mourir et d’être incinérés dans un autre pays [que le leur] sans que leurs proches en soient informés.

Deux femmes portant des gilets réfléchissants à l'effigie de la Croix-Rouge interviennent auprès d'un homme qui vit dans la rue.

Une équipe de la Croix-Rouge équatorienne fournit une aide humanitaire aux communautés à faible revenu en Équateur. Images de la Croix-Rouge, utilisation autorisée.

GMR : Comment le personnel médical, qui est en première ligne pour aider les patients atteints de COVID-19, se sent-il en ce moment ?

TM: En el caso de la provincia de Guayas, una de las zonas más afectadas, tuvimos a 53 personas contagiadas, 1 fallecido y 1 en estado crítico ya en recuperación. Muchos tenían miedo de contagiar a sus familiares, así que habilitamos un espacio para que ellos pudieran hacer la cuarentena. La situación es muy dura y compleja. No es una situación lejana tampoco, estos son nuestros colegas, compañeros de lucha. A nivel nacional tenemos un total de 4 fallecidos vinculados con COVID-19. La última persona que falleció no estaba ni siquiera en en primera línea de atención, sino haciendo telemedicina desde su casa. Pero el contagio es tan alto que igual se enfermó. Esta situación nos ha permitido repensar la vida, nuestro papel, nuestras funciones como institución. En la Cruz Roja creemos en la humanidad, en aliviar el sufrimiento humano en toda circunstancia. Estos tiempos nos demuestran la importancia del cruz rojista y que más que nunca que nuestros principios están vigentes.

TM : Dans la province de Guayas, l’une des zones les plus touchées, 53 personnes ont été infectées, une est décédée et une autre est dans un état critique et est maintenant en convalescence. Beaucoup avaient peur d’infecter leurs proches, alors nous avons mis en place pour eux des espaces de quarantaine sûrs. Cette situation est très difficile et complexe. C'est une situation qui nous concerne de près, ce sont nos collègues, nos camarades de lutte. À l’échelle nationale, nous avons un total de quatre décès liés au COVID-19 parmi les membres du personnel. La dernière personne décédée n’était même pas en première ligne, mais elle s’occupait de télémédecine depuis chez elle. Toutefois, la contagion est si élevée qu’elle a tout de même été infectée. Cette situation nous a permis de repenser la vie, notre rôle et nos fonctions en tant qu’institution. À la Croix-Rouge, nous croyons en l’humanité et en la nécessité de soulager la souffrance humaine en toutes circonstances. Ces temps nous montrent l’importance de la Croix-Rouge et à quel point nos principes sont plus que jamais valables.